Le 30 avril dernier, la Cour d’appel de Paris a rejeté le recours qui avait été déposé par des actionnaires minoritaires (le fonds CIAM et 26 autres actionnaires regroupés au sein de l’ADAM) contre la décision de l’AMF autorisant l’offre publique amicale sur les titres du Club Méditerranée par Axa Private Equity et le conglomérat chinois Fosun.
S’ils n’ont pas obtenu gain de cause en l’espèce, leur démarche s’inscrit néanmoins dans le droit fil de la pression croissante qui est exercée par les actionnaires minoritaires des sociétés cotées en France depuis quelques années, et notamment dans le cadre d’OPA.
Or, la montée de cet activisme s’accompagne de risques non-négligeables pour l’issue des OPA, risques que tout investisseur potentiel devra nécessairement prendre en compte, quitte à finalement choisir de, peut-être, se détourner de la place de Paris :
- En premier lieu, et quelle qu’en soit l’issue, un tel recours retarde inévitablement le processus d’OPA. Initialement prévue le 30 août 2013, la clôture de l’offre sur les titres du Club Méditerranée interviendra finalement le 23 mai 2014, soit avec 11 mois de retard.
- Ensuite, ces actions judiciaires augmentent le risque d’échec de l’offre publique, y compris lorsque celle-ci est amicale. L’année dernière, les actionnaires minoritaires de Theolia, regroupés au sein de l’ADAM, ont déposé une plainte au pénal et exposé leurs griefs dans une lettre à l’AMF contre l’offre d’achat lancée par la banque australienne Macquarie. Si l’issue de la plainte est encore indéterminée, ces revendications ont bien été entendues par les autres minoritaires, l’offre ayant finalement échoué faute d’un nombre suffisant d’actions apportées.
- De façon similaire, même si les actionnaires minoritaires du Club Med ont été déboutés par la Cour d’appel de Paris, il n’est pas inconcevable qu’Axa Private Equity et Fosun subissent le même revers que Macquarie ; l’issue de l’offre reste aujourd’hui d’autant plus incertaine que l’assemblée générale annuelle du Club Med vient de se tenir dans un climat houleux, où certains minoritaires ont notamment réclamé la revalorisation du prix de l’offre. Les initiateurs, quant à eux, s’y opposent farouchement.
Il est difficile de déterminer la position du législateur français face à l’activisme des minoritaires. D’un côté, ceux-ci ont à leur disposition un arsenal législatif qui a été considérablement développé au cours des dernières années pour leur permettre de mieux faire entendre leur voix et de participer à la vie de la société (dispositif anti-rumeurs, système du record date, augmentation des moyens de participation aux assemblées générales, etc.). En revanche, la loi Florange du 29 mars 2014 vient d’abolir le principe d’autorisation préalable par l’assemblée générale (incluant nécessairement les actionnaires minoritaires) pour redonner aux dirigeants le pouvoir de décider la mise en œuvre de défenses anti-OPA1
Il conviendra donc d’observer l’issue de l’offre Club Med ainsi que les prochaines offres déposées – on attend notamment le dépôt sous peu d’une offre publique par Italcimenti sur sa filiale Ciments Français – pour voir si les minoritaires français entendent continuer à utiliser cette nouvelle tribune qui, avec la montée en parallèle du patriotisme économique, leur semble aujourd’hui grande ouverte. Espérons que celle-ci ne servira pas également de porte de sortie aux investisseurs étrangers, qui pourraient alors préférer se reporter sur des places de marchés moins mouvementées.
1 Article L.233-32 du Code de commerce.