La lâcheté ou la détermination : la France au pied du mur

Par Bertrand de Kermel Publié le 2 juillet 2019 à 5h44
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@shutter - © Economie Matin

Depuis plus d’un an, la France a régulièrement prévenu la planète que les abus et la dénaturation du système capitaliste actuel ne pouvaient pas durer.

Depuis plus d’un an, la France a régulièrement prévenu la planète que les abus et la dénaturation du système capitaliste actuel ne pouvaient pas durer.

On peut citer les discours prononcés par le Président de la République notamment à Davos en janvier 2018, puis à l’ONU, à la Sorbonne, à la COP 23, à Bruxelles (finance verte), lors des vœux 2019, et plus récemment au salon VivaTech et en tout dernier lieu à l’Organisation Internationale du Travail (OIT) à Genève, le 11 juin 2019.

A l’OIT, le Président a insisté sur un point très précis  :

« ... C'est pourquoi avec force, ce que je vous dis ici, je le dirai dans toutes les enceintes : je ne veux plus d'accords commerciaux internationaux qui alimentent le dumping social et environnemental, et en tant que dirigeant européen, je le refuserai partout où je n'aurai pas les garanties sur ce point ».

Mercredi 3 juillet, le conseil des ministres va approuver le projet de Loi portant ratification du CETA, c’est à dire l’accord de libre échange entre l’Europe et le Canada. (Le vote des députés aura lieu le 17 juillet prochain)

Pas de problème allez-vous penser, puisque les deux continents ont grosso modo un niveau comparable de protection sociale et environnemental. Aucun risque de dumping. Le Président a donc la garantie que le CETA n’alimentera pas le dumping social et environnemental.

L’Europe a laissé volontairement des trous béants dans la mondialisation

Hélas, c’est faux, archi faux. L’Europe a laissé volontairement des trous béants dans les accords de libre échange, ce qui permet tous les dumpings. Et personne ne s’en prive. Le CETA, comme les autres accords, alimente les dumpings. Et... tout le monde le sait.

Un exemple entre mille, qui ne concerne d’ailleurs pas le Canada. Il s’agit de la lettre envoyée par Monsieur Taylor, PDG du groupe américain Titan, au Ministre Arnaud Montebourg, qui tentait d’obtenir le maintien en activité de l’usine Good Year d’Amiens. Il écrivait :

« Titan va acheter un fabricant de pneus chinois ou indien, payer moins de 1 euro l'heure de salaire et exporter tous les pneus dont la France a besoin. Vous pouvez garder les soi-disant ouvriers. Titan n'est pas intéressée par l'usine d'Amiens Nord. » La version intégrale de cette lettre est sur le site des Echos.

Difficile de faire mieux dans la série « dumping social » ! Vous me direz : oui, mais il s’agit là d’un cas exceptionnel.

Pas du tout. On lira avec intérêt sur : https://www.pauvrete-politique.com/, onglet « économie », volet « mondialisation - Davos », cinq résolutions du Parlement Européen publiées entre 2010 et 2017, qui interpellent les 28 pays membres en dénonçant avec force ces pratiques de dumping social et environnemental dans le commerce mondial, y compris par des entreprises européennes.

Ces résolutions démontrent avec force que les accords de libre-échange signés entre pays à bon niveau social et environnemental n’empêchent pas ces pratiques de dumping social et environnemental, et même les favorisent, car plus les accords bilatéraux sont nombreux, plus il est facile de les optimiser.

Voilà comment on désindustrialise un pays en accusant le peuple de compétitivité insuffisante.

Cela conduit mécaniquement au démantèlement de nos protections sociales, au déclassement, et à la désindustrialisation de la France.

Aucun article du CETA, n’empêche une entreprise canadienne d’importer de Chine ou d’ailleurs des produits fabriqués dans les pires conditions sociales et environnementales (camps de travail forcés et pollution à outrance) et de les réexpédier en France sans droits de douane ou presque, grâce au CETA.

N’importe quelle entreprise (dont des entreprises européennes délocalisées) en optimisant judicieusement tous ces accords de libre échange, peut faire entrer de tels produits sur le marché européen sans droits douane. Cette pratique est quotidienne.

« La critique est facile, mais l’art est difficile » allez-vous me dire. Alors : que proposez-vous ?

Très simple. Je propose d’appliquer avec détermination la proposition phare du programme de la République en Marche lors des européennes :

« Nous ferons voter une Directive « Éthique des entreprises » qui interdira l’accès au marché européen à toute entreprise ne respectant pas les exigences sociales et environnementales fondamentales.

L’Europe doit se donner les moyens d’agir quand les entreprises font passer leurs intérêts avant ceux de la planète ou avant le respect des droits élémentaires. C’est aussi une question de juste concurrence entre nos entreprises européennes, souvent plus vertueuses, et le reste du monde.

Une multinationale pourra perdre son accès au marché européen si elle a eu recours au travail forcé, au travail des enfants, si elle s’est rendue coupable de déforestation illégale, de trafic d’espèces protégées ou de déchets, de pêche non durable, etc. »

Les juristes confirment que cette proposition est recevable au regard des règles de l’OMC.

C’est effectivement LA BONNE solution, puisque les accords de libre échange favorisent les dumpings.

L’Assemblée Nationale doit poser ses conditions à l’approbation du CETA

Alors que faire ? Les députés pourraient approuver le CETA le 17 juillet, sous réserve que cette approbation ne prenne effet que lorsque les deux conditions suivantes seront réunies :

1 - Suppression du volet « arbitrage » de ce texte, qui est un scandale éhonté (voir mon article paru hier dans ces colonnes sous le titre : « ILS NOUS ONT VENDU POUR DES MIETTES »

2 - Mise en place par Bruxelles de la proposition ci-dessus, qui émane certes de la liste LREM, mais que toutes les autres listes ont plus ou moins proposée sous le terme de « régulation». Il s’agit bien de « réguler » la mondialisation.

Tout le monde sera gagnant. La balle est dans le camp de la Commission Européenne.

Enfin en vous rendant à nouveau sur https://www.pauvrete-politique.com/, onglet « économie », volet « mondialisation - Davos », vous trouverez une note de travail qui propose un autre système d’arbitrage cohérent avec l’ordre mondial, qui remet à leur juste place les multinationales, et qui permet de préserver les intérêts tant des multinationales que ceux des peuples, ce qui est tout de même le minimum.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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