La société Aristophil promettait d’investir dans les lettres et manuscrits originaux de grands écrivains et de personnalités historiques. Elle avait convaincu 18.000 clients français et belges d’investir au total 500 millions d’euros. Mais l’aventure s’arrête brutalement puisqu’elle a été placée en redressement judiciaire le 16 février par le tribunal de commerce de Paris, il s’agirait en fait d’une vaste pyramide de Ponzi…
Placer une partie de ses économies dans une lettre de Victor Hugo, une page de Proust ou un brouillon de Charles de Gaulle possède une indéniable part de rêve. Et puis on se dit que l’on acquiert un actif réel, pas une part d’assurance-vie ou des actions mais bien quelque chose de concret, comme de l’immobilier ou de l’or, qui gardera toujours une valeur intrinsèque.
On n'achète pas d'or ou de tableau via un fonds d'investissement
Pourtant deux informations auraient dû alerter les clients d’Aristophil : premièrement la société leur promettait un rendement annuel de 8%, un chiffre considérable dans le contexte actuel, même si le marché de l’art est globalement orienté à la hausse. Deuxièmement ces clients n’achetaient pas directement tel ou tel manuscrit mais des parts dans un fonds qui, ensuite, faisait l’acquisition de plusieurs pièces. On ne le dira jamais assez, on n’achète pas de l’or ou un tableau à travers un fonds mais directement pour en être de façon incontestable le propriétaire, sinon il risque fort d’y avoir un problème au moment où l’on demande la "livraison"…
Aristophil contrôlait l'ensemble du marché du patrimoine écrit
Aristophil est créé en 1990 par Gérard Lhéritier et cette société débarque avec ses millions dans le monde feutré et confidentiel des amateurs de documents littéraires et historiques. Elle devient vite le premier acheteur sur ce marché de niche. Gérard Lhéritier crée ensuite le Musée des lettres et manuscrits, boulevard Saint-Germain à Paris (un autre suivra à Bruxelles en 2011), et rachète en 2006 le trimestriel Plume, consacré au patrimoine de l’écrit. En somme Aristophil contrôle l’ensemble du marché, comme acheteur principal, comme celui qui contrôle l’information (avec la revue) et met en valeur telles ou telles pièces grâce au musée.
La société placée en redressement judiciaire
Les nouveaux clients, par l’argent qu’ils apportaient, servaient à faire monter la cote, mais tout ceci fonctionne en circuit fermé. Le château de cartes s’écroule quand, en novembre 2014, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour "pratiques commerciales trompeuses" et "escroquerie en bande organisée". La société est finalement placée en redressement judiciaire le 16 février. Les documents comptables sont, aux dires des enquêteurs, passablement embrouillés et il sera très difficile aux clients de récupérer leur mise. Décidément, la pyramide de Ponzi demeure une inépuisable arnaque !