Chers compatriotes (Français), je sais que cela vous semble incroyable, vous qui n'avez même pas le droit de débattre du SMIC sans risquer le lynchage: 76% des Suisses viennent de voter contre l'instauration d'un salaire minimum!
Il n'y a pas de SMIC en Suisse. L'initiative populaire, promue par certains syndicats et soutenue par la gauche, proposait d'en instituer un, au niveau de 4000 francs par mois, ce qui fait 3200 euros quand même ... Mais ce n'est pas le montant qui a fait peur aux électeurs, il reflète le niveau de vie élevé du pays.
Le sens de ce vote est très clair: les électeurs ont considéré qu'un salaire minimum rigide, pourrait se révéler inadapté pour certaines entreprises, et rendre plus difficile l'accès à l'emploi aux jeunes. C'est une question qui doit se discuter dans les négociations sociales, dans les entreprises et dans les branches.
Les Suisses ont des valeurs bien accrochées, comme leurs vaches à leurs montagnes. Ils travaillent beaucoup, 2000 heures par an, contre 1670 pour les Français. Les 35 heures et les RTT ils ne connaissent pas. Ils n'ont que 4 semaines de vacances par an, et ont voté en 2012, à 66%, contre le passage à 6 semaines.
Liberté et responsabilité
Ici, il y a un consensus sur une société de liberté et de responsabilité. Les salaires sont élevés, mais on travaille dur. Les embauches sont faciles, il n'y a pas de code du travail de 2500 pages. Et les séparations sont simples et rapides, ce n'est ni long ni couteux comme dans l'Hexagone. Se faire licencier n'est en général pas un drame, car la personne retrouve très vite un emploi, le taux de chômage n'étant que de 3% (5% en Suisse Romande). Ce faible taux de chômage résulte certes du bon fonctionnement du marché de l'emploi, très flexible, mais aussi du remarquable système de formation, qui fait la part belle à l'apprentissage, comme en Allemagne.
Si l'économie helvétique se porte beaucoup mieux que celle de l'Hexagone, elle le doit en grande partie à son système politique très décentralisé, et en particulier à la démocratie directe. Le peuple, fréquemment consulté, comprend bien les enjeux des débats publics, et les choix politiques qu'il fait sont le plus souvent favorables aux entreprises, et au pays. Même sur les sujets les plus controversés, comme celui des rémunérations abusives de certains dirigeants. En Suisse on sait que pour réussir il faut travailler, et que le mérite doit être récompensé. L'esprit d'entreprise, et le sens de la responsabilité vis-à-vis de la société, sont d'autant plus développés qu'on attend pas tout de l'Etat, comme c'est le cas en France.
Certains sous-estiment cette vertu fondamentale de la démocratie directe: inciter les citoyens à débattre, à réfléchir et à prendre position sur tous les sujets importants. En France, si vous posez des questions sur le lien entre SMIC et chômage, vous serez immédiatement disqualifié comme un ultra-libéral infréquentable. Les media de gauche veillent à ce que le débat n'ait pas lieu. Une discussion sereine sur la dépénalisation du cannabis, les salles de shoot, ou l'accompagnement de la fin de vie n'est pas davantage possible, car la droite conservatrice la bloquera aussitôt.
En Suisse, on en est plus au débat, toutes ces avancées sont devenues des réalités.
Alors on m'objectera "Mais ces Suisses qui ont voté des quotas d'immigration (il y a quelques semaines) et l'interdiction des minarets (en 2009) sont d'horribles réactionnaires! Cela montre bien les dangers de la démocratie directe. "
Immigration et minarets
Concernant l'immigration, j'ai écrit ce que j'en pensais: pour résumer, je comprends parfaitement les Suisses, qui ne peuvent pas continuer à absorber tous les ans pratiquement autant d'immigrés que l'Allemagne. Les minarets, c'était plus du domaine du symbole. Ce peuple est attaché à sa culture et à ses racines, et son message à tous ceux qui s'installent en Suisse c'est qu'il leur faut s'intégrer, et non pas importer ici leurs propres traditions.
Quoi qu'il en soit, je suis admiratif de la démocratie directe parce qu'il vaut mieux un peuple instruit, qui décide lui-même de ses affaires, plutôt qu'un peuple soumis à une caste dirigeante, qui a tout intérêt à le maintenir dans l'ignorance.
Article publié ici et repris avec l'aimable autorisation de l'auteur