Billet de mauvaise humeur : les taxidermistes

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Par Janin Audas Publié le 22 mai 2014 à 2h47

- Dis Sophie, sais-tu ce qu’est un taxidermiste en 2014 ?

- Oui, bien-sûr, c’est un naturaliste, un empailleur.

- Ça c’était avant, mais maintenant, ce terme désigne également autre chose.

Etymologiquement, taxidermie vient de "taxi" (du grec "taxis") qui signifie "fixation d’une imposition ou d’une taxe", et de "dermie" (du grec "derma") qui signifie "peau".

La taxidermie est donc "l’art de taxer sans avoir la peau du contribuable", contribuable qui est déjà écrasé sous le poids des impôts.

Quant au taxidermiste, on peut en donner deux définitions :

  • C’est un spécialiste dans l’art de créer de nouvelles taxes ; il est généralement fonctionnaire de la Direction générale des impôts ou du Trésor à Bercy.
  • C’est un homme politique qui met en œuvre de nouvelles taxes (généralement proposées par le premier) sans faire crier le contribuable et qui, ainsi, peut se faire réélire.

Depuis longtemps, les hommes politiques ne cessent de créer de nouvelles taxes, mais tous ne sont pas des "taxidermistes". Certains furent très habiles en cette matière et Colbert fut certainement le premier "taxidermiste" lorsqu’il déclara que "l’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus de plumes possible avec le moins de cris possible".

Depuis la fin du 19e siècle, nous avons assisté à un concours de taxidermie et certains ont fait preuve d’imagination. Parmi les taxidermistes célèbres, on peut citer :

  • Joseph Caillaux, ministre des finances, le créateur de l’impôt sur le revenu en 1914 (au début et grâce à la "Grande guerre").
  • Maurice Lauré, haut fonctionnaire de la Direction générale des impôts, inventeur, en 1954, de la TVA. Cette invention fut si efficace que la TVA s’est propagée dans le monde entier. Nous pouvons accorder à Monsieur Lauré une nomination au grade de "taxidermiste d’honneur".
  • Michel Rocard, créateur de la CSG (contribution sociale généralisée) en 1990 au taux de 1,1%, puis Edouard Balladur qui porta le taux de la CSG à 2,4% en 1993, puis Alain Juppé (3,4% en 1996) et enfin Lionel Jospin (7,5% en 1998).
  • Alain Juppé qui institua à titre temporaire (jusqu’à l’extinction de la dette sociale de la CADES !) la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale). A la CSG et à la CRDS se sont ajoutés, au fil des années, "le prélèvement social" (4,5%), la contribution additionnelle (0,3%) et le prélèvement de solidarité (2%) pour arriver au taux de 15,5% pour les revenus du capital. Bravo Monsieur Rocard, nous vous faisons "taxidermiste d’honneur".
  • Nicolas Sarkozy et François Fillon, qui ont créé un grand nombre de "petites taxes sectorielles" au cours du dernier quinquennat (sans que personne ne crie) et augmenté de siècle, nous avons assisté à un concours de taxidermie et certains ont fait preuve façon significative les impôts, juste avant l’élection présidentielle de 2012, étant convaincus qu’ils la perdraient. Du grand art !
  • Et enfin, une mention spéciale pour la plupart des élus des collectivités locales (communes, départements et régions), toutes tendances politiques confondues, qui, au cours des 20 dernières années, ont augmenté de façon exagérée les impôts locaux (particulièrement les taxes foncières et d’habitation) et qui viennent d’augmenter les droits de mutation pour financer la suppression des aides de l’Etat.

En revanche, les présidents socialistes ont eu moins de doigté pour créer de nouvelles taxes ou augmenter les taux (bien que !).

La création de l’impôt sur la fortune fut houleuse et continue de perturber le paysage fiscal. Rappelez-vous l’IGF (impôt sur les grandes fortunes), créé par François Mitterrand et Pierre Maurois en 1982 au nom du principe "il faut faire payer les riches". L’IGF a fait hurler les nouveaux assujettis et applaudir les autres, à tel point que sa suppression, en 1987, par Jacques Chirac, alors premier ministre de François Mitterrand, lui a fait perdre les élections présidentielles de 1988. En 1989, l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) vient remplacer l’IGF, ce qui permet d’en élargir le nombre d’assujettis, cette fois au nom de la solidarité. Depuis, aucun gouvernement n’y touchera, sauf celui de Nicolas Sarkozy qui a essayé d’en limiter les effets avec le bouclier fiscal puis une remontée des seuils. Patatras, les élections perdues, le nouveau gouvernement rétablit, plus ou moins, les anciennes règles.

Le comble est pour Jacques Chirac qui fut battu aux élections pour avoir supprimé une taxe !

Quant à François Hollande, la "chasse aux riches", promise par le candidat, l’a conduit à la présidence de la République mais, lorsqu’il s’est agi de mettre en œuvre son programme, son premier gouvernement a eu la main si lourde que "l’oie s’est mise à crier très fort", et ce, même avant d’être effectivement plumée (rappelé vous les pigeons et tous les autres volatiles). A n’en pas douter, François Hollande et Jean-Marc Ayrault n’ont pas été de bons taxidermistes.

Qu’en sera-t-il avec Manuel Valls ? Il nous promet de réduire les impôts de l’Etat, mais, pendant ce temps les taxes des collectivités locales augmentent !

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Commissaire aux comptes, conseil en management d'entrepriseExpert-comptable honoraireVice-président du Mouvement ETHICPrésident fondateur du cabinet 01 AUDIT ASSISTANCE

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