Dettes et mondialisation : cinq siècles plus tard, toujours les mêmes bêtises

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Par Simone Wapler Publié le 21 septembre 2015 à 5h00
Economie Histoire Mondialisation Dette Europe
@shutter - © Economie Matin
175,1 %La dette grecque représente 175,1 % du PIB.

Voici avec quoi fonctionnent les Grecs au 21ème siècle pour pouvoir échanger, nous explique le Wall Street Journal. Cela s’appelle des TEM ; c’est le nom grec pour Unité de compte Alternative Locale. Ces billets fonctionnent avec un site internet et élargissent le champ du troc. Un garagiste peut accepter des TEM puis les monnayer pour payer de la nourriture, son coiffeur ou son médecin.

Les TEM sont en réalité des effets de commerce, non rattachés à une banque. Exactement ce que les marchands utilisaient au 16ème siècle pour ne pas avoir à déplacer de l’or ou de l’argent sur des routes maritimes ou terrestres incertaines.

Je dois vous faire un aveu, cher lecteur, je vis immergée une partie de mon temps libre dans le 16ème siècle pour écrire un roman qui commence en 1535. J’en émerge au petit matin pour lire la presse économique et financière du 21ème siècle et il est parfois comique (ou tragique) de voir les mêmes bêtises se reproduire.

Mon roman a comme toile de fond la vie économique et financière ; ses premiers héros sont des banquiers, marchands, navigateurs, entrepreneurs avec bien sûr un futur grand inquisiteur. Le 16ème siècle a donc vu le développement des lettres de change et effets de commerce. Mais il existe bien d’autres parallèles entre le 16ème siècle et aujourd’hui.

Ce siècle connut une mondialisation car le commerce s’élargit avec le Nouveau Monde. Ce dernier n’aurait d’ailleurs jamais été découvert si l’Espagne s’était encombrée du principe de précaution. Car si certains avaient l’intuition que la Terre était ronde, que les meilleurs navigateurs savaient se situer en latitude, ils étaient incapables de se situer en longitude. Ce problème ne fut résolu qu’au 16ème siècle alors que toutes les terres émergées étaient découvertes.

Un obscurantisme bien moderne…

L’obscurantisme touchait les élites qui s’accrochaient à des croyances pourtant démenties par l’expérience. Ainsi, l’Eglise refusait d’admettre la séparation des continents qui ne collait pas avec la Genèse. Hier tout devait coller avec les dogmes de l’Eglise. Aujourd’hui tout doit se conformer aux dogmes de l’Etat réputé bienveillant et à ceux de ses économistes officiels. L’obscurantisme de nos "intellectuels" acquis à la religion de l’Etat n’a rien à envier à celui de leurs ancêtres.

La découverte du Nouveau Monde provoqua un afflux d’or et d’argent dans l’ancien monde et une crise économique et monétaire. La création monétaire de nos banquiers centraux donne lieu à des désordres de plus en plus apparents. La démographie (l’Europe se remettait de la grande peste) avait mis l’agriculture et certaines matières premières sous pression.

Les transports plus lointains et la crise religieuse contribuèrent à développer le crédit et la finance. Calvin s’est fait l’apologue du prêt à intérêt. Aujourd’hui, le dogme économique veut qu’on s’enrichisse en dépensant. Si l’on n’a pas l’argent on l’emprunte, d’où le développement du crédit qui contrairement à celui de Calvin n’est adossé à rien. L’imprimerie, nouvelle technologie de l’époque, contribua à propager des idées nouvelles.

Les marchands se muèrent en banquiers. Hélas, hélas, au lieu de recycler les fabuleux profits du commerce des épices dans des investissements productifs (l’artisanat était en plein boom), les Mendes, Welser, Fugger… préférèrent investir dans les dettes souveraines de l’époque et prêter aux Tudor, à Charles Quint puis Philippe II et à François I. Ces dettes étaient considérées comme sûres. Et devinez ce qui arriva ? Ces souverains firent défaut (deux fois pour Philippe II), les mauvaises créances partirent en fumée…

Mais aujourd’hui c’est différent. Car nos démocraties ne font pas défaut, les banquiers leur prêtent indéfiniment et ils ne font pas faillite. Ils sont sauvés par le bon peuple, taillable et corvéable à l’infini car nos démocraties ont un pouvoir de taxation même sur les générations futures, ce que n’avaient pas les rois. C’est ainsi que les Grecs redécouvrent les effets de change à la sauce internet et l’Etat grec aura bien du mal à encaisser la TVA sur les TEM. Quel progrès !

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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