Je voulais vous parler longuement du train de mesures annoncé par le président de la République pour les entrepreneurs mais actualité oblige, ce n'est hélas plus l'information la plus importante du jour.
Il n'en demeure pas moins que ce qui a été annoncé par François Hollande est clairement positif et qu'il s'agit de bonnes mesures pour les créateurs d'entreprises comme pour ceux qui souhaitent céder leur société notamment en cas de départ à la retraite.
Non, l'information la plus importante bien sûr c'est ce memo allemand concernant la France et qui a, n'ayons pas peur des mots, un air de « francophobie ». Oui, c'est de la francophobie car les Allemands osent critiquer leur graaand zamis français.
Avez-vous remarqué tout de même que lorsque le président de l'Assemblée nationale (et peu importe qu'on l'aime ou pas, que l'on soit socialiste ou pas) critique l'Allemagne, c'est haro sur Bartolone. En revanche, l'inverse ne donne pas lieu en Allemagne à ce genre de simagrées.
Alors après le dossier de la Banque centrale allemande, la Bundesbank, transmis à la cour constitutionnelle de Karlsruhe par son gouverneur Jens Weidmann, qui doit se prononcer prochainement et définitivement sur la constitutionalité des plans de sauvetage européens, c'est au tour du gouvernement allemand de faire fuiter un memo au vitriol sur la France.
Memo du gouvernement allemand qui appelle la France « le grand enfant à problèmes de l'Europe »
C'est le quotidien allemand Handelsblatt qui a publié une note du gouvernent allemand qui vient, comme par hasard, de fuiter et qui critique ouvertement la gestion économique de la France.
Il ne faut pas s'étonner puisqu'il s'agit de la réponse de la bergère Angela au berger Bartolone. Quelques jours seulement après la fuite d'un memo du Parti socialiste français critique de la chancelière allemande Angela Merkel, un journal allemand a révélé une note politique allemande interne attaquant durement la gestion économique du gouvernement français.
Le journal Handelsblatt a obtenu une note de service interne qui était destinée au vice-chancelier allemand et ministre de l'Économie Philipp Rösler, qui dirige le Parti libéral-démocrate, un parti de centre-droit de la coalition au pouvoir en Allemagne.
On peut y trouver quelques grandes vérités qui ne plairont sans doute pas à notre ministre de l'Abaissement productif Arnaud Montebourg, alias « dédé les rayures ».
« L'industrie française est de plus en plus en train de perdre sa compétitivité. Les entreprises continuent de se délocaliser à l'étranger, et la rentabilité des entreprises est faible. »
La note de service critique également l'augmentation des coûts de main-d'œuvre et la diminution de l'investissement de la France dans la recherche et le développement, sans oublier de mentionner que sa charge fiscale est la plus élevée au sein de la zone euro, ce qui encore une fois est tout à fait vrai.
Pour le Handelsblatt, la plus lourde critique faite à la France est celle que l'on trouve dans une analyse intitulée « La France – le plus grand enfant du problème de l'Europe », et qui aborde les rigidités du marché du travail, très réglementé chez nous, ainsi que le système de protection sociale jugé dispendieux, ce qui encore une fois n'est pas tout à fait faux !
Le Parti libéral-démocrate est un fervent partisan du libéralisme de marché
Pudiquement, et afin sans doute de préserver ce qui reste de la graaaaande « amitié » franco-allemande, le ministère de l'Économie outre-Rhin s'est empressé de dire à l'AFP, que je cite : « La note était destinée exclusivement à un usage interne, et non à être publiée », ajoutant qu'elle a été rédigée par un service « qui analyse régulièrement la compétitivité des pays de la zone euro »...
Bien sûr... on peut essayer de croire à ce genre d'âneries pour se remonter le moral mais tout cela répond bel et bien à une logique de confrontation toute « bartolonesque » mais bien réelle.
La tension monte entre Berlin et Paris
Il me semble que nous arrivons à un moment qui était prévisible. Ce qui se passe est une évidence et il n'y a aucune surprise à avoir.
Cela fait des mois qu'en Europe nous décalons sans cesse la résolution des véritables problèmes, en réalité du véritable problème, celui de la monnaie unique.
Encore une fois, l'Euro est une superbe idée politique mais restera sans doute un superbe échec historique car il n'y a pas d'Europe unie. Nous avons 17 économies hétérogènes qui ne peuvent pas économiquement parlant s'accommoder d'une seule politique monétaire.
Depuis le début de cette crise, nous savons pertinemment qu'au bout du chemin se trouve une crise monétaire.
Reprenons l'enchaînement (logique) des événements
Je n'aborderai pas les causes profondes de la crise, ce sera l'objet d'un numéro hors-série du Contrarien Matin, sous forme de e-book téléchargeable gratuitement et devrait prochainement sortir (nous en sommes aux choix des illustrations !), mais juste les enchaînements depuis le début visible de la crise.
2007, chute de l'immobilier US et crise des subprimes.
2007/2008, crise boursière et bancaire, faillites de banques (Lehman Brothers).
2008/2009, la crise boursière et bancaire se propage à l'économie réelle qui rentre en dépression économique. Ce sont les très célèbres plans de relance financés à crédit avec de l'argent que nous n'avons pas.
2011/2012, les plans de relance n'ont rien relancé hormis la très forte croissance de la dette des États. C'est le tournant en Europe de l'austérité pour les grands pays (avant, cela ne concernait que les petits grecs qui l'avaient bien cherché).
L'austérité engendre la récession qui conduit à la dépression économique.
2014/2015, la faillite soit par la dépression économique, soit par l'hyperinflation et la crise monétaire ! Car toute crise économique se termine inévitablement par une crise monétaire.
Le refus allemand de monétiser les dettes, c'est-à-dire de faire fonctionner la planche à billets de la BCE, plonge l'Europe non pas dans une simple récession mais dans une dépression économique d'ampleur historique.
Il n'y a aucune solution facile.
Il n'y a pas 36 solutions pour sortir de cette crise d'endettement
On ne rembourse pas les dettes, on spolie au passage tous les épargnants qui perdent tout, puis nous devons mener une politique d'austérité importante puisque personne ne voudra nous prêter pour nos fins de mois difficiles, en tout cas pendant quelques années. Cela signifie des coupes majeures dans toutes nos dépenses. Pas un peu. Énormément, comme en Argentine au début des années 2000. On ne paie que ce que l'on peut payer. Le résultat sera donc très douloureux.
Deuxième solution, l'inflation et la planche à billets utilisée sans modération par nos amis américains et japonais. Certes, pas ou peu d'austérité, mais au bout du chemin une hyperinflation qui ruinera tout le monde : les rentiers, les retraités comme les actifs, dans la mesure où, de l'inflation sans augmentation de salaire, impossible en raison de la pression des pays low cost, c'est à chaque point d'inflation en plus un appauvrissement du même montant.
20 % d'inflation sans augmentation de salaire, c'est 20 % de pouvoir d'achat en moins. Le résultat sera donc très douloureux.
Troisième solution, l'austérité. On paye nos dettes, on se serre la ceinture, chômage de masse, réduction de la fonction publique, des soins, des aides sociales. C'est la voie choisie en Europe sous l'amicale pression germanique. Nous sauverons la monnaie au détriment des gens et des peuples. Le résultat sera donc très douloureux comme on peut déjà le voir en Grèce et désormais en Espagne, en Italie ou au Portugal.
L'expérience montre que l'on n'est pas capable de réduire les dettes sans un minimum de croissance. Les dettes, en réalité, même en restant constantes en montant, s'amplifient dans le ratio dette/PIB puisque le PIB s'effondre. Au bout du bout, c'est l'insolvabilité et la faillite. Le résultat sera donc très douloureux.
Choisir la façon dont on va mourir
Dans la vision allemande tout à fait respectable, l'idée c'est de sauver la monnaie, d'éviter la crise monétaire en privilégiant la faillite des États mais en conservant la valeur, en tout cas en grande partie, de l'euro pour éviter un mauvais remake de l'épisode hyperinflationniste de l'Allemagne de Weimar en 1923, qui fut un événement qui marqua profondément et durablement l'inconscient collectif de nos amis allemands.
Dans la vision anglo-saxonne, une monnaie peut mourir et être remplacée par une autre. Cela permet d'apurer les dettes dans l'ancienne monnaie et de repartir avec une nouvelle si cela est nécessaire. Encore faut-il que la nouvelle monnaie puisse inspirer confiance, d'où l'utilisation à un moment ou un autre de l'or si nous en arrivions là.
Le principal avantage de la politique hyperinflationniste est d'être moins rude, en tout cas à court terme, que la politique d'austérité.
La confrontation franco-allemande
Socialement, la France ne pourra pas supporter une austérité aussi violente qu'en Grèce, et pourtant c'est ce que nous devrons en gros subir si nous poursuivons dans cette voie. Une monétisation des dettes nous serait beaucoup plus agréable dans ce sens ou l'inflation permet de lisser dans le temps les effets de l'endettement, mais ce n'est qu'une question de temps.
C'est la seule variable qui va changer car au bout du compte les dettes devront maigrir, et les gens seront ruinés. Dans un cas, on pense pouvoir avoir le temps de s'adapter, sous réserve, ce qui est loin d'être sûr, que l'inflation ne se transforme pas en hyperinflation.
En cas de persistance du refus allemand de la monétisation, il ne restera plus à la France que de sortir de l'euro, à moins que l'Allemagne ne nous devance en sortant la première.
L'euro va mourir. La seule question est de savoir quand, et quoi que nous fassions, le résultat sera très douloureux. C'est pour cette raison que vous devez vous préparer à des temps très difficiles. Cela veut dire avoir de l'or certes, pour ceux qui ont de l'épargne à sauver, mais pas uniquement.
Pensez au 60 % de Grecs qui retournent dans les campagnes dans un véritable exode urbain... tout simplement pour pouvoir survivre.