Sans dents : Quand François Hollande essaye de « faire peuple » dans le Nouvel Obs

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 11 septembre 2014 à 15h44

"Je n'ai jamais été du côté des puissants". François Hollande a donc choisi de contre-attaquer. Valérie Trierweiler l'accuse de se moquer des "sans-dents" dans son ouvrage "Merci pour ce moment", expliquant avec force détails en neuf années de vie commune qu'il n'aime descendre que dans les grands hôtels, dîner aux meilleures tables ? François Hollande tente de faire peuple dans le Nouvel Obs. Pitoyable opération de com. François Hollande est décidément bien mal entouré et bien mal conseillé ou.. bien mal inspiré.

"Mon grand-père maternel petit tailleur d'origine savoyarde, vivait avec sa famille dans un modeste deux pièces à Paris. Mon grand-père maternel, lui, était instituteur, issu d'une famille de paysans pauvres du nord de la France"'. Voici comme François Hollande se défend face aux journalistes du Nouvel Obs de tout mépris pour les petites gens. "Les gens de peu... C'est une belle expression, la plus noble pour moi" dit-il encore plus loin dnas l'interview.

De son enfance, des chances qu'il a eues, nombreuses, dans sa vie, rien, si ce n'est "mon père était médecin, et nous n'avons manqué de rien, mais je porte en moi ce que mes deux grands-pères m'ont transmis". Mais de qui se moque donc François Hollande en essayant de faire gober ce roman aux Français ?

François Hollande est né à Rouen, où il a passé son enfance dans un quartier aisé de la ville, dans une belle maison, à Bois-Guillaume. On s'est beaucoup moqué de Nicolas Sarkozy, issu lui aussi d'une famille aisée, et maire de Neuilly-sur-Seine à 28 ans, mais on a oublié que François Hollande aussi a passé son enfance... à Neuilly ! Ses parents ont en effet déménagé quand il avait 14 ans pour s'installer dans cette banlieue chic de Paris. Son père, "médecin" comme il consent à le dire dans son interview, était surtout propriétaire d'une clinique privée qu'il a vendue avant de s'installer à Neuilly-sur-Seine avec sa femme et ses enfants.

Facile dans ces conditions non seulement d'habiter à Neuilly, avec tout ce que cela implique ! Facile ensuite de s'inscrire à Paris II (Assas) et de faire une licence en droit quand autour de lui bien des étudiants "montaient" à Paris grâce à une bourse d'études, ou travaillaient à côté. Ce n'est pas un phénomène nouveau, bien au contraire, dans les années 70, un étudiant sur deux travaillait pour financer ses études. Facile dans ces conditions de faire HEC (école de commerce prestigieuse mais surtout payante), mais aussi Sciences Po Paris, et enfin l'ENA. Ben oui, quand il n'y a pas de problèmes d'argent dans la famille, faire de longues, et grandes études, accumuler les diplômes, est non seulement faisable, mais dans certaines familles présenté comme un devoir : celui de saisir la chance qui est donnée de pouvoir faire les meilleures écoles, les meilleures formations, pour devenir quelqu'un d'important plus tard !

François Hollande, millionnaire en euros, comme moins de 1% des Français

"Je viens de ce monde là". Ben voyons. Outre la chance que le petit François a eu de ne pas naître dans une famille de huit, avec un père handicapé, logée dans une maison HLM de la banlieue d'Angers, à quatre enfants par chambre (Valérie Trierweiler), François a aussi constitué un patrimoine sérieux en trente années de vie active, sans jamais passer par une entreprise. Son seul argent, il l'a gagné grâce à ses mandats publics ou ses postes de conseillers. Dans les ministères, à la Cour des Comptes. Rien de honteux à cela, mais au final, c'est bien en travaillant comme fonctionnaire ou contractuel, payé un peu plus que le SMIC, qu'il a pu mettre de côté.

L'histoire ne dit pas quelle part de son patrimoine a été éventuellement héritée, et quelle part acquise, mais dans sa déclaration de patrimoine de candidat à l'élection présidentielle, François Hollande affichait en 2012 un patrimoine personnel de plus d'1 million d'euros (1,17 million). En cherchant (pas longtemps) sur la toile, vous trouverez des dizaines d'articles expliquant que son patrimoine réel serait largement supérieur. On lui reproche notamment d'avoir omis de déclarer des biens détenus en indivision avec Ségolène Royal, à commencer par ses parts dans la SCI La Sapinière dont le capital social est de 914 694,01 euros et dont il est toujours gérant. Pourquoi ses parts dans la SCI sont-elles absentes de sa déclaration en 2012 ? Peut-être les as-t-il transmises à ses enfants, excellente décision, mais privilège de nanti. Valérie Trierweiler évoque un "arrangement financier" avec Ségolène Royal, pour obtenir son soutien en 2011, pendant la campagne présidentielle. Il se dit également qu'il posséderait un appartement à Londres et même un compte en Suisse, comme Jérome Cahuzac. Qu'importe.


Que François Hollande soit plus que millionnaire en euros (soit près de 8 millions de francs tout de même), ou bien plus encore, n'est pas très important. En 2012, selon une étude réalisée par Capgemini et RBC Gestion de patrimoine, la France comptait 430 000 milllionnaires, chiffre qui grimpe à 566 100 selon Waelthinsight en 2014, et encore parlons nous de millionnaires en dollars. François Hollande, lui, est bien au moins millionnaire en euros, peut-être deux fois millionnaire, comme moins de 1 % de la population française. Rien à voir avec les "gens de peu" dont il se revendique.

Dans ces conditions, aller nous dire "je viens de ce monde là" en parlant des "gens de peu", quand son ex-compagne, avec qui il a passé dix ans, lui reproche justement de mépriser les pauvres - les sans dents- et déplore ses goûts de luxe, on a du mal à le croire, lui, et envie de la croire, elle ! Le Nouvel Obs, servile mais conscient des faiblesses de cette opération de com, évoque "le goût du luxe chez lui", pour placer que François Hollande "porte une Swatch à 60 euros, sa dernière acquisition"... lui faisant dire, clin d'oeil à Sarkozy et Séguéla "je n'ai pas de Rolex, ai-je raté ma vie ?". Cela ne trompe personne.

Jeune député, François Hollande s'assume "vrai privilégié"

François Hollande n'a pas toujours servi ce discours du pauvre petit-fils de paysan pauvre (petit-fils, hein pas fils), pour faire peuple. Tout jeune député, élu en Corrèze pour la première fois en 1988, peut-être encore naïf mais surtout, ne pensant pas que plus tard, Internet et les réseaux sociaux permettraient de tout faire ressortir facilement, il avait accordé une interview télévisée dans laquelle il parlait librement de ses revenus . "Si je ne faisais absolument rien à la Cour des Comptes, je continuerai à gagner 15 000 francs par mois, 25 000 si je faisais des rapports, mais sans forcément en faire énormément, je pourrai doser mon travail, rester chez moi quand je suis fatigué, aller à la Cour des Comptes dans mon bureau pour passer des coups de téléphone bref, je serai totalement libre, je serai un vrai privilégié comme je l'étais avant d'être élu député".

Le masque tombe. Le président de 2014 affirme "vous croyez que je pourrai méprise le milieu d'où je tiens mes racines ?". Le jeune député de Corrèze, 25 ans plus tôt, admettait être "un vrai privilégié comme il l'était avant d'être député". Tout est dit. Que le Nouvel Obs ait accepté de participer à la contre-offensive présidentielle, parce que ni l'Express, ni le Point, ni le Fig Mag, ni Paris Match, ni Valeurs Actuelles n'auraient accepté, c'est de bonne guerre : celle des ventes en kiosque. J'ai acheté le magazine pour lire la double page d'interview de François Hollande, totalement creuse et insipide.

Mais, que cette "interview" cherche à dépeindre un François Hollande en pauvre gars, qui s'est bati tout seul, partant de rien, non. Valérie Trierweiler, dont la rumeur disait qu'elle était issue d'une famille aisée, dévoile en détail son enfance modeste dans "Merci pour le moment". Elle explique naïvement avoir réussi comme jeune journaliste politique parce qu'elle était jolie, et donc, remarquée dans les dîners et cocktails. A vingt-trois ans, François Mitterrand, président de la République, l'aborde dans un cocktail et lui dit "on se connaît, n'est ce pas ?". Cette phrase, et l'on ne sait pas quoi d'autre, et avec qui (et on s'en fout), la propulse trois mois plus tard à Profession Politique, lui faisant quitter son emploi dans une boutique de bijoux fantaisie.

Un millionnaire n'a pas grand chose à voir avec "les gens de peu"

Mais François Hollande, lui n'a jamais manqué de rien. Neuilly, Assas, HEC, Sciences Po, l'ENA. On ne croise pas beaucoup de sans dents dans ces milieux-là. Qu'il porte une Swatch au poignet et non une Rolex comme Sarkozy ou une Hermès comme Najat Valaud Belkacem ne change rien à la réalité. Le président Hollande a toujours été le privilégié que le jeune député Hollande assumait en 1988. Ce n'est pas une interview dans le Nouvel Obs qui y changera quelque chose. Et nous le rendra plus sympathique ! Au boulot bordel ! L'emploi, la croissance, la dette, la transitition énergétique, il est là le contrat avec les Français, et non pas dans une énième tentative d'autojustification sur le ton du c'est pas moi c'est l'autre !

Frederic Legrand / Shutterstock.com

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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