La filière nucléaire française est un pilier d’airain du modèle énergétique français. Socle de notre indépendance énergétique, il permet à l’économie française de ne pas être dépendante des fluctuations des énergies fossiles et revêt aujourd’hui une place centrale dans notre système.
Alors que nos exportations sont quelque peu déclinantes, le nucléaire permet à lui seul d’engendrer un chiffre d’affaires à l’export de plus de 6 milliards d’euros par an en moyenne. Selon le bilan annuel du Réseau de l’intelligence électrique ( RTE ) publié en 2014, l’énergie nucléaire à l’exportation a permis d’engendrer un excédent de 2 milliards d’euros sur l’année 2013. En parallèle, en 2011, alors que l’Allemagne prenait le partie de mettre en place un moratoire relatif à ses centrales nucléaires, le rapport de force énergétique franco-allemand s’est inversé. La France au cours de cette année a profité de cette décision pour rééquilibrer sa balance énergétique avec l’Allemagne.
Sortir du nucléaire : une note chargée pour le contribuable allemand
Cette dernière, si elle a été applaudit pour sa décision de vivre sans nucléaire dans un futur proche, est finalement peut-être allée un peu vite en besogne. Le nucléaire ne doit en effet pas uniquement être appréhendé à l’aune de sa dimension énergétique, il est également un puissant outil au service de la croissance économique. En France, selon l’étude réalisé en 2011 par PricewaterhouseCoopers ( PWC ), l’industrie nucléaire représente en effet plus de 2 % du PIB. Vouloir voir la France se débarrasser du nucléaire aujourd’hui apparaît ainsi comme une décision tant utopique que foncièrement irrationnelle. De manière liminaire se pose la question du coût d’une telle sortie, ainsi que des potentielles alternatives énergétiques.
Si l’on regarde outre-Rhin, où le parc nucléaire est plus restreint que le nôtre, force est de constater que le coût d’une telle sortie est astronomique. Peter Atlmaier, ministre allemand de l’environnement en 2013, avait tablé sur un coût de 1000 milliards d’euros pour une telle sortie. Siemens pour sa part a donné, en 2012, un chiffre d’autant plus vertigineux ; puisque pour l’industriel allemand le coût s’élèverait à plus de 1700 milliards d’euros d’ici à 2030. A ces budgets prévisionnels il faut également ajouter le coût humain d’un tel revirement. Rien qu’en Allemagne des dizaines de milliers d’emplois seraient menacés, voire détruits en cas d’abandon du nucléaire. Sans compter qu’il reviendra inéluctablement au contribuable, et a fortiori à la clientèle allemande de prendre en charge cette sortie.
410 000 emplois menacés en France
Si les estimations relatives à l’Allemagne démontrent le fort impact économique de cette décision, qu’en serait-il pour la France ? Contrairement à l’Allemagne, le nucléaire représente près de 80 % de notre mix énergétique, contre 20 % outre-Rhin. Dans cette optique, le coût d’une sortie du nucléaire serait d’autant plus élevé en France. Si le consensus autour de ce coût paraît pour l’heure quelque peu ambigu et flou, puisque les estimations oscillent entre 200 milliards pour les plus optimistes, et près de 1000 milliards pour les plus pessimistes, le coût humain peut être appréhendé avec une plus grande précision.
Abandonner le nucléaire civil reviendrait à abandonner le secteur aéronautique ( civil et militaire ). C’est en somme ce qu’avait expliqué le rapport de PWC de 2011, qui montrait que l’électronucléaire crée 125 000 emplois directs (autant que le secteur aéronautique). Mais à ce nombre il convient d’ajouter les emplois indirects et induits par ce secteur. En tout c’est près de 410 000 emplois qui seraient menacés en cas de sortie du nucléaire. Mettre près de 2 % des emplois français à la casse, dans un contexte de crise économique, d’instabilité politique, et de baisse du pouvoir d’achat, représenterait un coût humain exorbitant.
Et l’environnement dans tout ça ?
Abandonner le nucléaire vaut-il alors vraiment le coup ? La question se pose alors que les bénéfices écologiques de cette politiques en Allemagne peinent à montrer le bout de leur nez. L’Allemagne, pour pallier à la fermeture de ses centrales nucléaires, a en effet opté pour un accroissement de la production de ses 130 centrales au charbon. A rebours de la vision d’un pays écologique et soucieux du changement climatique, notre voisin est aujourd’hui le premier émetteur européen de CO2.
Alors que la croissance de la consommation électrique mondiale sera multipliée par deux d’ici 2030, la nécessité de trouver une énergie efficiente et propre devient de plus en plus impérieuse. Or, seules l’hydroélectricité et l’électronucléaire permettent d’allier efficience et faible émission de gaz carbonique. Le Groupe intergouvernemental pour l’étude de l’évolution du climat ( GIEC ) a d’ailleurs récemment conforté cette idée, montrant que l’énergie nucléaire permet d’allier efficience et faible émission de gaz à effet de serre.
Or, la réduction de ces émissions est une priorité sanitaire. L’OMS a ainsi montré que la pollution atmosphérique, résultante notamment des émissions de CO2, cause plus d’un million de décès prématurés dans le monde. A ce titre, le Secrétaire d’Etat américain à l’énergie, Ernest Moniz, a récemment plaidé pour une utilisation accrue du nucléaire. « Alors que nous approchons des négociations sur le climat à Paris, la menace climatique plaide en faveur d’une utilisation accrue de l’énergie nucléaire », a-t-il déclaré.
Alors que nombre de spécialistes et d’experts mettent au jour la contribution positive du nucléaire à l’atténuation globale des émissions de gaz à effet de serre, il paraît pour le moins hasardeux pour la France, encore embourbée dans la crise économique, de faire le pari du sans nucléaire.