Inéluctable non, mais il faut faire très attention, car c'est entièrement notre responsabilité qui est en jeu. Les jeunes sont plus réactifs et plus sensibles que jamais à la construction de leur futur.
Ils savent qu'il dépendra, bien plus que pour leurs aînés, de ce qu'ils feront eux-mêmes, sachant en plus qu'ils auront à gérer « l'héritage » de leurs aînés, pour ne pas dire leur passif. On comprend donc qu'ils s'inquiètent, ayant sur les épaules des dettes à payer dont ils ne sont pas responsables, dans un monde nouveau où tout change, tout bouge et où on ne fait de cadeaux à personne.
Le départ de France est donc une possibilité qu'ils envisagent d'autant plus aisément qu'ils ont déjà voyagé, parlent plusieurs langues et ont des réseaux internationaux. Ils ne sont pas plus égoïstes que leurs aînés qui voulaient changer le monde : il se trouve que le monde change et qu'ils ont à payer pour celui qui n'a pas changé et dont leurs ainés ont tant profité. Mais s'ils partent, ce n'est pas pour ne pas payer les impôts sur leur fortune, puisqu'elle est à créer, comme leur vie !
La question est donc de savoir si – pour les jeunes - le départ, ou l'exode pour parler grec, est une obligation, une opportunité ou bien fait partie d'un parcours initiatique, vers l'Asie maintenant, comme vingt ans avant vers les Etats-Unis.
Personne ne peut répondre. Mais on sait ce qui va orienter les choix : si les jeunes ont des conditions de vie de plus en plus dures ici et en Europe, un horizon bouché, s'ils voient se reculer sans cesse l'âge de leur retraite avec des conditions de travail plus pénibles et des revenus nets plus contraints, s'ils savent qu'il leur sera de plus en plus compliqué de s'exprimer, d'innover, de créer, bref de vivre... on peut imaginer ce qui va arriver. Leur arriver, nous arriver.
L'exode des jeunes dépend du futur que nous leur ferons, des choix ouverts, courageux, positifs que nous faisons pour eux, pour la société, et donc pour nous. Les politiques actuelles de réduction des déficits budgétaires, de compétitivité, de réformes... sont indispensables, mais elles regardent le passé et sa correction, avec des acteurs installés qui défendent autant que possible leurs avantages acquis.
Ces politiques n'ouvrent pas assez au nouveau monde, à l'innovation, à la prise de risque. Elles ne préparent pas assez au monde des entreprises plus agiles avec un environnement plus réactif, plus adapté, plus simple, digital – celui du nouvel emploi.
Les jeunes doivent donc parler plus haut et plus fort, non seulement dans leurs réseaux – qu'ils maîtrisent depuis la naissance, mais dans ceux plus classiques de leurs aînés - qui avancent leurs vieilles recettes. L'Asie est la terre de la forte croissance, l'Afrique désormais aussi, le Canada avec le Québec est celui où l'Europe parle avec les Etats-Unis d'un côté, avec la Chine de l'autre. Partout il y a des défis.
Mais que dire de la France et de la zone euro qui continuent d'avancer, certes dans un terrain compliqué, mais qui est aussi celui d'une vieille histoire et d'une vieille culture, pour créer cette fédération, fédération économique de fait, puis politique, mais aussi et surtout de volontés et d'espoirs ? Quel défi ! L'exode, c'est quand l'espoir est parti.