Nous sommes à deux doigts de la dictature numérique

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Par Gilles Babinet Modifié le 16 décembre 2013 à 8h14

Gilles Babinet, nommé « Digital champion » auprès de Neelie Kroes, pour porter la voix numérique de la France à Bruxelles, s’insurge contre le système de surveillance des données, inclus dans la Loi de programmation militaire.

Que pensez-vous de l’article 13 sur le renforcement de la surveillance des donnees , qui va être discuté au Sénat mardi ?

Cette loi, c’est le plus grand coup porté au fonctionnement de la démocratie depuis les lois d’exceptions pendant la guerre d’Algérie. Il n’y a plus de pouvoir du juge. Or, comme le disait Montesquieu, le père de la séparation des pouvoirs en France, « Tout pouvoir va jusqu’au bout de lui-même ». Je n’ai pas de problème à ce que l’on aille fouiller dans la vie des gangsters. Encore faut-il savoir qui est celui qui désigne le gangster, et il faut que cela soit un juge. En aucun cas, il ne faut donner un donner un blanc seing aux militaires et à d’autres pour écouter tout et tout le monde en temps réel. Nous sommes à deux doigts de la dictature numérique.

Comment expliquez-vous la faiblesse des réactions ?

Je ne sais pas. Le monde de l’Internet s’est révolté comme un seul homme contre l’Hadopi et là, c’est bien pire. On critique Prism (le programme de surveillance de la NSA, ndlr) et là, on va bien plus loin. On institue l’état de surveillance permanent.

Le gouvernement affirme que les contre-pouvoirs sont renforcés, notamment via l’autorité administrative de la CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité)...

Je ne crois qu’en la séparation des pouvoirs, et donc dans le pouvoir d’un juge, ce que n’est pas la CNCIS. Un contre-pouvoir, c’est par nature coercitif, cela doit empêcher que les choses se passent, si elles ne sont pas souhaitables. Il ne s’agit pas d’intervenir quand quelqu’un s’est noyé.

Le gouvernement dit aussi qu’il s’agit de se doter d’outils pour lutter à armes égales contre les Etats-Unis...

Cette loi va bien plus loin que ce que permet la loi américaine. Aux Etats-Unis, elle serait anti-constitutionnelle, car dans la constitution américaine est inscrit le principe de la propriété privée et donc des correspondances. Pour se protéger de problèmes comme Prism par exemple, j’ai proposé que l’on se dote d’un système de sécurité européen. Mais il faudrait confier la gouvernance des « clefs » de ce système de sécurité aux juges, afin de garantir son usage uniquement à des fins judiciaires.

Tribune initialement publiée sur Lesechos.fr et reproduite ici avec l'aimable autorisation de l'auteur

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Gilles Babinet, 44 ans, est un multi-entrepreneur. Autodidacte de formation, il a créé et revendu de nombreuses sociétés dans des domaines différents tels que : - le bâtiment avec Escalade industrie de 1989 à 1992- le design et le développement de sites web avec Absolut, de 1992 à 2000. Plus récemment, Gilles Babinet a dirigé Musiwave, société qu’il a fondé en 2000 puis revendu en 2006. Depuis il a fondé ou co-fondé plusieurs sociétés dont Eyeka, Mxp4, Digibonus et Captain Dash. Il participe, au sein de l’institut Montaigne, à la commission sur la Compétitivité. Il est membre du Conseil National du Numérique par décret du 2 mai 2011, et en a été le Président depuis sa nomination jusqu’au 27 avril 2012. Fleur Pellerin, la ministre déléguée au Numérique, l'a nommé le 25 juin 2012 "Digital Champion" auprès de Nelly Kroes, la commissaire européenne chargée du numérique. 

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