PEA et PEA-PME : anti-business, tu perds ton sang-froid !

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Par Jérôme Dedeyan Modifié le 11 décembre 2013 à 8h14

Il se passe toujours quelque chose dans le monde merveilleux de la fiscalité de l’épargne longue et des entrepreneurs. Et c’est une affaire de confiance (trust=confiance, et Trust (le groupe de rock) = « antisocialbusiness, tu perds ton sang-froid », vous suivez ?)

De quoi s’agit-il cette fois-ci ? Du projet de loi de Finances rectificatif pour 2013, plus généralement appelé Collectif budgétaire, », qui est la « voiture-balai » de la loi de Finances de l’année qui se termine.

Les faits : avant même l’adoption définitive de la Loi de Finances pour 2014, qui crée le PEA-PME tant vanté par le Gouvernement, l’Assemblée Nationale a adopté hier en première lecture un collectif budgétaire 2013 incluant un amendement de monsieur Eckert qui ajoute un Article 7 quinquies applicable à partir du 1er janvier prochain.

Cet article endommage gravement le PEA et le PEA-PME avant même sa naissance, en :

- Plafonnant les avantages du PEA et du PEA-PME à une plus-value de 2 fois la mise sur les titres non cotés détenus moins de 5 ans ;

- Supprimant les « Actions de Préférence » (sans droits de vote) et les Bons de Souscription d’Actions (BSA) de la liste des valeurs mobilières éligibles au PEA.

En conséquence, si ces mesures sont maintenues :

Tout d’abord, il ne sera plus possible, pour un épargnant bon citoyen sensible au souhait du gouvernement d’orienter son épargne vers l’investissement productif, et désireux d’investir en direct dans une entreprise non cotée, de bénéficier du régime fiscal favorable du PEA et du PEA-PME au-delà d’une plus-value normative égale à 2 fois sa mise de fonds à risque. En clair : s’il a réalisé un investissement dans une entreprise qui cartonne en moins de 5 ans, il passera par la case « impôt sur le revenu sur ses plus-values indécentes » (Comprendre : « indécent » = plus de 2 fois la mise dans un délai court, mais parfois pas étonnant pour une entreprise jeune et en pleine croissance). On aurait pu penser à le féliciter d’avoir financé le développement de la bonne entreprise, celle qui a créé de la richesse (donc des impôts) et des emplois mais non, punissons-le !

Ensuite, on aura traduit dans la loi la position de l’administration fiscale qui depuis des années conteste l’utilisation des PEA par les salariés ou dirigeants qui les utilisent pour y loger les valeurs mobilières (Actions ordinaires, Actions de préférence, BSA, BSAAR…) dans lesquelles ils ont investi dans le cadre de plans d’association (le plus souvent ciblés sur les managers et dirigeants fondateurs, j’en conviens) au capital. Ces plans sont en effet fréquemment à base d’actions de préférence ou de BSA, pour des raisons de maîtrise de la gouvernance et de levier, depuis que les stock option et les actions gratuites ont perdu tout intérêt. Levier, le gros mot est lâché. C’est d’ailleurs pour cette raison que cet amendement a été déposé, je cite l’exposé des motifs dans le texte :

«  Des cas de fraude ont été constatés par l’administration fiscale sur des placements logés dans des plans d’épargne en actions (PEA) portant sur des titres à fort effet de levier potentiel (bons et droits de souscription d’actions, actions de préférence). Difficilement sanctionnables par l’administration, les contribuables parviennent ainsi à se soustraire au respect du plafond de versements actuellement fixé à 132 000 € (relevé à 150 000 € par l’article 53 du projet de loi de finances pour 2014). »

C’est dans l’expression « difficilement sanctionnable » qu’est une fois de plus perceptible l’idéologie anti-business actuelle, et le désarroi du gouvernement et de l’administration fiscale qui cherche à taxer le succès et la réussite, sans avoir toujours les arguments pour le faire. Rappelons que le Comité de l’abus de Droit fiscal a élaboré dans ses travaux, dont les très intéressants avis des 25 octobre 2012 et 23 mai 2013, une doctrine d’emploi du PEA dans les plans d’association de managers qui, si elle est respectée, rend difficile la taxe du succès. Les principaux points sont les suivants :

- Respect des plafonds de versement dans le plan (c’est le minimum)

- Existence d’une rémunération variable salariale sur objectifs distincte du plan d’association au capital

- Prise de risque financière réelle des bénéficiaires pour des montants significatifs par rapport à leurs revenus

- Evaluation de l’instrument de capital au juste prix (expert indépendant, pas de prix de complaisance)

A noter sur la posture idéologique : dans le dossier examiné en mai 2013, malgré l’avis favorable aux contribuables du Comité, l’administration a poursuivi son redressement, et annoncé son intention de « contester systématiquement l’utilisation de ce dispositif [le PEA] dans le cadre des management packages ».

C’est chose faite avec ce collectif budgétaire 2013 : les pouvoirs publics, plutôt que de récompenser la prise de risque, ne veulent plus de plus-values « indécentes » et préfèrent niveler une fois de plus par le bas (et la loi) en taxant tout ce qui dépasse, même acquis sans tricher.

Anti-business, tu perds ton sang-froid… et tes entrepreneurs ?

Allez, je ne baisse pas les bras et je vous propose une sortie par le haut :

- Laissez-nous utiliser les instruments de notre choix au service de l’association ciblée des salariés au capital, en respectant la doctrine du Comité de l’abus de droit fiscal

- Exigez en contrepartie de cette utilisation ciblée et convenable des instruments de capital dans le PEA et le futur PEA-PME (et pourquoi pas dans le PEE ?) la mise en œuvre d’un dispositif ciblé et collectif de partage du profit (Intéressement/Participation/Actionnariat salarié)

- Laissez les investisseurs « lambda » bénéficier du régime favorable du PEA et du PEA-PME sans limitation de montant de plus-value ni de délai : ce sont les entreprises qui font le travail, pas les investisseurs, et pour une entreprise qui réussit vite et fort, combien échouent : par pitié, reconnaissez le RISQUE !

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Diplômé de Sciences Politiques et de l'ESCP, Jérome Dedeyan est associé chez Eres. Ancien dirigeant de filiale dans un grand groupe d'assurance, son univers est celui de l'épargne retraite et salariale depuis plus de 10 ans. Jérôme Dedeyan intervient régulièrement dans les médias, les entreprises et les organisation syndicales pour promouvoir le partage du profit.  

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