Régulièrement, l’écotaxe revient sur le devant de la scène, particulièrement en Ile-de-France, où le kilométrage de réseau autoroutier gratuit et non concédé s’élève à 2300 km, suscitant régulièrement tous les intérêts et toutes les convoitises.
Les transporteurs régionaux injustement mis à contribution
Il existe en effet en France un problème récurrent de financement des infrastructures ainsi qu’une iniquité liée à l’utilisation de ce même réseau par des transporteurs étrangers qui n’acquittent que très peu de TICPE, et encore moins de taxe à l’essieu (dont l’objet est le même) ni même de Versement Transport ou de remboursement de Pass Navigo, dont l’objet est bien également le financement des infrastructures dites alternatives à la route, largement co-financées par les entreprises franciliennes.
Or, sous prétexte de taxer le flux de transit (6% du trafic estimé en Ile-de-France), mettre en place une écotaxe en Ile-de-France conduirait à un petit dommage collatéral concernant 94% du trafic, celui local et régional qui ne pourrait y échapper, pour des raisons strictes d’égalité devant la loi et devant l’impôt.
D’ailleurs, l’OTRE avait travaillé et fait des propositions en son temps (qui n’ont pas été retenues), la vignette, dégressive et modulée, comme dans de nombreux autres pays, outil de nature à taxer un droit d’usage et les flux de transit, sans pénaliser les entreprises locales, qui contribuent déjà grandement au financement des autre modes de transport. La hausse de TICPE de 2015 a déjà eu vocation à remplacer l’écotaxe (bien que très peu acquittée par les étrangers qui font leur plein souvent au Luxembourg ou en Espagne, avec des réservoirs supplémentaires) sans acheter le moindre litre en France, disposant de l’autonomie largement suffisante pour traverser l’Europe et s’approvisionner au moins cher.
De fausses solutions
Or, dans cette optique de taxer les véhicules étrangers (et incidemment les autres, vu les prévisions de recettes réalisées), le retour de cette écotaxe (qui n’a d’éco que le nom) serait à cet égard une double fausse bonne idée, aux vertus souvent contraires à l’effet recherché.
Un peu comme la fermeture des voies sur berges à Paris qui au lieu de permettre « l’évaporation » des véhicules, les renvoie sur les quais hauts congestionnés, sans retirer un seul véhicule compte tenu de la saturation des transports en commun, et pour un bilan environnemental plus que médiocre.
Penser ou laisser croire que taxer les Poids Lourds sur le réseau gratuit permettra de les remplacer par des trains ou des barges pour livrer les magasins est une vue de l’esprit, tous les consommateurs étant encore loin d’habiter en bordure de gare ou de fleuve, et tout le monde voulant encore son produit frais (ou même non frais) le lendemain, et non sous quelques jours ou semaines.
La nature a horreur du vide, et taxer les seuls poids lourds sur le réseau gratuit, aurait pour conséquence de réorienter les trafics vers d’autres axes de substitution encore gratuits, augmentant les kilomètres (et donc les émissions de particules, de CO2, et au final la pollution), soit de les renvoyer vers le réseau concédé payant, si l’avantage économique du réseau gratuit n’existe plus.
Les grands gagnants seront donc les grands groupes de BTP gestionnaires de nos autoroutes qui bénéficient déjà d’une rente éhontée, mais verront demain si l’écotaxe devait revenir sous une forme ou une autre, un accroissement significatif du trafic et de leurs recettes sans aucun investissement commercial de leur part.
Les exemples les plus flagrants sont l’autoroute A4 entre Paris et Strasbourg si la RN4 devait devenir payante, ou l’A10 entre Poitiers et Bordeaux au lieu de la nationale via Angoulême, et tant pis s’il faut pour cela faire des kilomètres supplémentaires (et donc là aussi consommer plus et polluer plus).
L'environnement encore plus mis à contribution
Mais l’effet induit le plus pervers et le plus négatif serait sans conteste l’adaptation du choix des véhicules, et le remplacement (qui est déjà en marche) de 40 Tonnes (taxés) par des norias de moins de 3,5 T (non taxés), de préférence d’Europe de l’Est car nettement moins chers, les règles sociales ayant l’avantage pour certains donneurs d’ordres peu scrupuleux de ne pas s’appliquer ou du moins d’être beaucoup moins contrôlables en dessous de ce tonnage pour lesquels le chronotachygraphe (mouchard) ne s’applique pas, et pour des véhicules qui peuvent être conduits avec un simple permis voiture, sans suivre aucune formation complémentaire, ni de sécurité ni de conduite économique !
Un poids lourd de 40 tonnes va charger facilement 24 tonnes de charge utile en consommant l'équivalent de 35 litres aux 100 KM. Pour le remplacer, beaucoup (et de plus en plus) font le choix de recourir à des VUL qui ne chargeront au mieux qu'une tonne (et encore, sans regarder trop dans le détail les surcharges !), soit l'équivalent de 24 VUL à 15 litres aux 100 KM (plus de 360 L aux 100 KM pour ces mêmes 24 tonnes de chargement !)
C'est donc une consommation en carburant et des émissions de CO2 au final plus de 10 fois supérieures à celle d'un poids lourd que conduirait le retour éventuel d’une écotaxe, même régionale. Qui peut réellement cautionner une telle gabegie environnementale, à moins que ces données ne soient « hors statistiques » ou que le coût social de ces véhicules légers venus de provenances exotiques soit tellement moindre qu'il cautionnerait n'importent quel dérapage environnemental !
Ne nous y trompons pas, ce qui est visé, c’est bien la taxation de tous à terme, poids lourds et véhicules légers, diesel d’abord, puis anciens ou avec un seul conducteur à bord. Par un retour d’octroi autour du Périphérique, Paris pourra enfin taxer ses banlieusards, mais réglera-t-on pour autant le problème de la pollution ?