Bulle financière : la peur du Big One

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Par Charles Sannat Publié le 24 mai 2013 à 17h18

J'avais consacré l'édito du 14 mai dernier du Contrarien Matin à « la bulle finale ». Voilà ce que je disais il y a presque quinze jours sur la notion de peur qui, quand elle disparaît, montre et démontre que nous sommes en pleine bulle financière :

« La définition d'une bulle, c'est lorsque les « zinvestisseurs » n'ont plus peur de rien, qu'ils n'ont plus peur de perdre, qu'il y a un sentiment général où on ne « peut que gagner ». C'est une définition simple, très simple, mais c'est la meilleure. Lorsque le sentiment de peur s'efface, que l'on ne pense que pouvoir gagner à tous les coups alors la catastrophe n'est jamais loin.

Le sentiment de peur fait partie de tout être humain. L'absence de ce sentiment est, en terme psychiatrique, une pathologie. L'homme a peur parce que la peur lui donne conscience du danger. Avoir conscience du danger est la base de la survie dans le règne animal... et humain !

Lorsque l'on ne perçoit plus le danger, on peut dire que nos sens physiques ou psychiques sont altérés et cela aura pour conséquence directe une diminution considérable de notre espérance de vie. »

Un beau gadin au Japon !
Dans la nuit, l'indice phare de la bourse japonaise le Nikkei a terminé en baisse de 7,32 % ce qui s'appelle un krach.

Graphiquement, c'est même assez extraordinaire ce qui s'est passé à Tokyo puisque qu'en début de séance l'indice a en réalité commencé par inscrire un plus haut et un nouveau record historique... suivi d'une dégringolade également historique où, à la clôture, plusieurs jours de hausse ont été effacés, sans oublier que tout cela s'est fait dans des volumes également historiques.

Pour rester dans l'histoire, il faut savoir que ce genre de configurations techniques signe en général un renversement durable de tendance sur fond d'un retour de la peur.

La peur, le retour !
Cela ne trompe pas. Après avoir progressé de plus de 50 % depuis le début de l'année, ce qui est une hausse totalement irrationnelle, le marché japonais semble avoir retrouvé la sensation de peur. Cette baisse prouve également la fragilité de cette hausse qui ne repose sur aucun fondamental sérieux ou crédible de retour de la croissance.

La peur de la fin des injections quotidiennes de monnaie
Hier, les minutes de la FED, c'est-à-dire le résumé des débats entre les différents membres du Board de la FED, ont été rendues publiques. Et là, panique sur les marchés puisque de plus en plus de gouverneurs souhaitent l'arrêt de la création monétaire illimitée... Tout en sachant que Ben Bernanke, le gouverneur en chef, disait hier devant le Congrès américain que stopper trop vite les quantitative easing pouvait poser quelques problèmes majeurs à la reprise économique.

Et c'est tout le problème des autorités monétaires partout à travers le monde (c'est un peu moins le cas en Europe) qui sont tombées dans le piège des taux bas et de la création de fausse monnaie.

La question devient : comment en sortir ?
Avant d'aborder le comment, voyons d'abord le pourquoi ! Pourquoi sortir de ces politiques dites non-conventionnelles ? Pour une raison finalement assez simple. Ce n'est pas la monnaie qui crée la richesse mais la richesse qui crée la monnaie.

Pour comprendre ce concept économique de base, utilisons l'image employée par Olivier Delamarche dans sa dernière intervention sur BFM Business et qui disait pour un autre sujet que « ce n'est pas la queue qui remue le chien mais le chien qui remue la queue » !

En clair, injecter trop de monnaie ne peut avoir comme conséquence à terme que la dévalorisation de cette monnaie et donc de l'hyperinflation. Tout le monde le sait ! Y compris les gamins qui font une partie de Monopoly et qui, pour la faire durer, pillent la banque puis finissent par faire ce que fait Ben Bernanke... imprimer des nouveaux billets ! C'est la seule façon de rendre solvable les joueurs qui ont déjà perdu pour que la partie puisse continuer sans fin... C'est ce que nous faisons, avec une grande différence : nous ne sommes pas dans un jeu !

Alors pourquoi en sortir ? Parce qu'à aller trop loin, nous déclencherons un tsunami hyperinflationniste qui ruinera tout le monde dans un bain de sang monétaire à la République de Weimar.

Maintenant comment en sortir ?
Tout d'abord, en essayant de préparer les esprits progressivement dans un savant dosage de communication avec un jour où je dis on va arrêter peut-être dès juin 2013, puis le lendemain en disant que non ce ne sera sans doute pas juin, puis en disant que ce sera juillet... On attend les réactions des marchés et en fonction on réajuste le discours.

Au bout d'un certain temps et d'un nombre indéfini de séances boursières en yo-yo, les intervenants finiront par s'habituer à ce nouveau discours et répéteront à l'envie comme les crétins lobotomisés qu'ils sont « ben oui c'est normal comme l'économie va mieux que bien faut arrêter tout ça et tout se passera bien... »

Le petit hic, bien visible hier au Japon, c'est que l'on visualise bien ce que l'on dit depuis plusieurs mois à savoir que cette hausse ne repose que sur l'argent gratuit imprimé par les banques centrales. Il n'y a rien de sérieux et de solide économiquement derrière tout ça.

Le problème précisément c'est que l'économie ne va pas mieux !
Et il est bien là le problème majeur. Il n'y a aucune croissance saine, durable et autonome que les gouverneurs de banques centrales ont réussi à créer avec ces politiques. Rien, que de nouvelles bulles qui menacent la stabilité de l'économie mondiale de façon systémique.

Une situation rare sous vos yeux !
Les marchés boursiers baissent fortement. Au même moment l'once d'or cotée monte de presque 2 %, ce qui est très rare lorsque les marchés boursiers s'effondrent. Normalement l'or doit baisser, or il monte.

Pourquoi ? Ce n'est pas tant l'explosion de la bulle boursière que les investisseurs redoutent mais l'explosion de la bulle obligataire et donc d'une part de la capacité des États à se financer et d'autre part la remise en cause de l'ensemble des placements à travers la planète qui sont en très grande majorité investis en obligations d'État.

Mais ce n'est pas tout. Un krach obligataire c'est aussi ravageur pour le bilan... des banques ! Et quoi qu'en dise notre président de la République, qui n'a toujours rien compris (il faut dire que si c'est Moscovici qui lui fait la leçon on est vraiment mal) et pour qui la crise financière est finie, elle pourrait bien recommencer !

Non seulement elle pourrait recommencer mais surtout le risque systémique est réel et tout peut vaciller en quelques semaines. Pourquoi ?

Mais parce que les banques sont bourrées d'obligations d'État qui ne vaudront plus tripette si les banques centrales cessent leurs injections illimitées (ce qui permet de maintenir les taux au plus bas), puisque les taux d'emprunt des États exploseraient à la hausse, que les obligations émises ces dernières années à un taux réel négatif s'effondreraient, massacrant l'épargne des gens, et le bilan des banques et des compagnies d'assurance, en faillite, feraient appel à l'État surendetté qui ne pourrait plus sauver personne... d'où l'idée sans doute de la dernière directive européenne qui consiste à dire que ce qui s'est passé à Chypre deviendra la nouvelle norme dans le futur. Futur qui pourrait être plus proche que ce que l'on croit.

L'or c'est LE refuge ultime !
Du coup, l'or joue à plein ce rôle de refuge ultime et ce mouvement risque de s'amplifier si la baisse se poursuit et si les autorités monétaires ne ramènent pas le calme rapidement.

Les « zinvestisseurs » étant des crétins binaires et monomaniaques
Ils ont une vision en noir et blanc des choses. Soit ils chaussent leurs lunettes roses et toutes les nouvelles leur font acheter tout et n'importe quoi et à n'importe quel prix, soit ils sont pessimistes et quelle que soit la nouvelle elle sera interprétée dans son acceptation la plus négative, le tout sur fond d'utilisation massive de robots boursiers travaillant à la milliseconde, ce qui amplifie tous les mouvements.

Est-ce le Big One ?
Reprenons les faits. L'or physique est au plus bas et les primes sur les pièces sont très faibles. Avec un Napoléon 20 Francs cotant moins de 215 euros, nous sommes dans des niveaux de prix très attractifs.

Vous l'aurez donc compris : marchés qui baissent, or « papier » qui monte alors qu'il devrait baisser, et or physique au plus bas depuis presque deux ans notamment sur les pièces de monnaies.
C'est une configuration rarissime qui se présente aujourd'hui,... sous vos yeux.

Pour ceux qui étaient en attente ou qui souhaitaient renforcer, sans contexte c'est le moment. Ne perdez pas de temps car l'or physique pourrait ne pas aller beaucoup plus bas.

Pour ceux qui pensent que nous pourrions vivre les prémices du Big One monétaire et financier – ce qui pourrait être le cas puisqu'Hollandouille nous disait l'inverse la semaine dernière mais nous ne pourrons jamais le prévoir avec certitude sans le prévoir à de multiples reprises à tort –, alors en plus de vos piécettes n'oubliez pas le célèbre PEBC (Plan Epargne Boîte de Conserve). Même ma femme est à l'heure actuelle en train de faire les comptes de MES boîtes de conserve qui sont subitement devenues les siennes... Que voulez-vous... c'est de toute façon elle qui commande à la maison !

Allez je vous laisse, Carrefour est ouvert et il paraît qu'il y a des promotions ! Car je ne sais pas si c'est le Big One, mais si c'était le cas je préfère prendre mes précautions avant. Une vieille leçon de vie enseignée par mon grand-père paysan. « Toujours être préparé au pire et profiter du meilleur. Un homme averti en vaut deux mon garçon mais un homme préparé en vaut quatre. Tu t'en voudras rarement d'avoir pris trop de précautions ! »

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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