Lorsque le prix du même produit varie de manière significative d'un pays à l'autre - un sandwich valant 1,54 $ en Inde peut coûter jusqu'à 7,80 $ en Norvège par exemple - il est facile d'attribuer la différence de prix aux coûts de transport, aux taxes ou aux variations de culture et de revenus.
Mais une nouvelle étude révèle que, pour de nombreux produits, le principal facteur d'établissement du prix est l'utilisation ou non, dans les différents pays, d'une monnaie commune.
Cette étude, « Currency Unions, Product Introductions, and the Real Exchange Rate » menée par Brent Neiman, professeur associé à Chicago Booth School of Business de l'université de Chicago, et ses coauteurs, Alberto Cavallo et Roberto Rigobon de la MIT Sloan School of Management, a été publiée récemment dans le Quarterly Journal of Economics.
Alors qu'on reproche depuis quelques années à l'euro d'inhiber les mesures correctives des membres de la zone euro suite à la crise financière, l'étude démontre que l'union monétaire a au moins atteint l'un de ses objectifs : créer un marché unifié, avec des prix similaires pour des produits spécifiques.
Le Professeur Neiman et ses collègues ont comparé les prix de près de 120 000 produits des marques Apple, IKEA, H&M et Zara, vendus dans 85 pays, entre octobre 2008 et mai 2013. Les données proviennent du projet « Un milliard de prix » du MIT, qui collecte des informations sur les prix sur Internet. Cela permet pour la première fois aux chercheurs de comparer les prix d'un produit exactement identique, le même jour, dans de nombreux pays.
Les chercheurs notent généralement d'importantes différences de prix en fonction des pays qui utilisent des monnaies différentes. Au Japon, par exemple, les prix sont en moyenne 20 % supérieurs à ceux des États-Unis pour des produits similaires. Même dans le cas où les prix moyens sont identiques, près de la moitié des produits sont bien moins chers dans un pays, tandis que l'autre moitié est bien plus chère (le Royaume-Uni et les États-Unis, par exemple, fonctionnent selon ce schéma).
Lorsque l'on compare les prix des appareils électroniques, de l'ameublement et des vêtements en Espagne à ceux des mêmes produits dans d'autres pays de la zone euro, on s'aperçoit qu'ils sont pratiquement identiques.
« L'un des arguments initiaux en faveur d'une zone monétaire commune [en Europe] était que cela permettrait de créer un marché unique avec des prix identiques, et c'est la première fois que l'on démontre que cela a fonctionné, au moins pour ces types de produits », explique le Professeur Neiman.
Les résultats pourraient permettre aux économistes de mieux comprendre comment les sociétés multinationales établissent leurs stratégies tarifaires. « Les tendances que nous avons dégagées indiquent l'importance de la psychologie du client, de la structure organisationnelle de l'entreprise et d'Internet pour établir un comportement de définition de prix, éléments qui ne figurent pour l'instant pas de façon prépondérante dans les modèles macroéconomiques standard », rapportent les chercheurs.
Ces révélations pourraient également s'avérer significatives pour les pays qui envisagent un changement de monnaie. La Lettonie, par exemple, a rejoint la zone euro le 1er janvier et, dans un document de suivi, les chercheurs montrent que les prix des vêtements Zara dans le pays ont rapidement convergé vers ceux pratiqués dans le reste de la zone euro.