L'Afrique rejoint le monde numérique. La croissance du continent a longtemps été ralentie par les distances et les infrastructures de transport souvent insuffisantes mais, avec une connexion constamment améliorée, ces problèmes sont en passe d'être dépassés. Les opérateurs s'implantent et se développent de plus en plus en Afrique, en faisant le laboratoire du monde numérique de demain. Cette situation suscite beaucoup d'enthousiasme chez les investisseurs étrangers, notamment au Congo, où sous l’impulsion de Denis Sassou-Nguesso la situation évolue à la vitesse d’un paquet de données dans un câble de fibre optique.
Le développement du numérique en Afrique semble être devenu un des sujets de la décennie. Après des débuts timides vers 2006, on assiste aujourd'hui à une multiplication de rencontres, débats, forums ou salons dédiés à cette question. Des initiatives nationales et régionales sont régulièrement prises, visant à faire de l'Afrique un continent mieux connecté. Il y a en parallèle un engouement extraordinaire pour l' avenir du continent qui sera le grand marché de demain. La double explosion, démographique (d’ici 2050, un tiers de la population mondiale vivra en Afrique) et numérique (on calcule que la contribution du numérique au PIB annuel africain rattrapera celui de Taïwan ou de la Suède en 2025), attire les attentions du reste du monde.
Dans tous les pays du monde, l’accès au numérique favorise une croissance du PIB (Produit intérieur brut). Cette tendance est déjà observée en Afrique. Le marché potentiel est énorme et se confirme au fur et à mesure que les citoyens sortent de la pauvreté absolue grâce à cet outil, que ce soit au Kenya, en Afrique du Sud ou au Nigeria.
Cina Lawson, la ministre togolaise des Postes et de l’Economie numérique (diplômée de Harvard Kennedy School), dans un entretien accordé à Forbes Afrique, soutient mordicus que le numérique doit être au cœur du développement socio-économique en Afrique. "L’économie numérique, grâce à la téléphonie mobile essentiellement, a permis à l’Afrique de faire des bonds en avant pour combler ses retards et accélérer sa croissance. Elle a facilité la mise en place de mécanismes de fonctionnement plus efficaces et transparents au niveau des gouvernements, la réduction des fractures sociales et l’augmentation de la productivité de nombreux secteurs économiques. De continent connu pour ses retards technologiques et son manque d’infrastructure, l’Afrique est devenue la terre promise de l’innovation pragmatique, avec l’essor de la téléphonie mobile".
Concrètement, plusieurs des multiples situations d’urgence – sanitaires, agricoles, écologiques, politiques, économiques – qui plombent le continent pourraient être améliorées par une meilleure utilisation du numérique. La prévention virale ou bactérienne est largement facilitée par le numérique, comme on l'a par exemple vu avec la récente épidémie d'Ebola en Afrique de l'ouest. Dans certaines zones rurales particulièrement isolées, la production de fruits et légumes peut pourrir, car elle n’arrive pas à atteindre le marché et s’écouler. Grâce au téléphone mobile, certains producteurs avertissent directement des acheteurs en gros qui se trouvent en ville, et écoulent leurs stocks à des prix réduits. L'émergence de monnaies numériques (M-Pesa) est également un atout, en particulier dans des pays où l'ordre ne règne pas partout.
A la veille des Jeux africains que le Congo abritait en septembre, la télévision nationale congolaise était au bord d'une révolution pour en assurer une couverture optimale. L’heure était au passage à la Télévision numérique terrestre (Tnt). Avec un contrat et une convention de partenariat passés avec la société chinoise Star Times, le Congo quitte peu à peu l’analogique pour intégrer le grand monde numérique, conformément aux exigences du siècle actuel. La migration congolaise vers le numérique consistera, entre autres, à réaliser la couverture TNT et DTH à 100% à l’échelle nationale et à améliorer la transmission du signal en vue de permettre aux Congolais de capter les chaînes de télévision en mode HD. Le contrat échafaudé par le gouvernement de Denis Sassou-Nguesso prévoit, hormis le transfert de compétences, la rénovation des stations de télévision et de radio diffusion, la construction du réseau de transmission, la numérisation du centre de contrôle de diffusion et des terminaux de télévision numérique, des acquis de long terme pour le pays.
L'opérateur historique français Orange compte s’implanter dans quatre nouveaux Etats africains, s’il parvient à racheter les filiales de Bharti Airtel (au Burkina Faso, au Congo-Brazzaville, en Sierra Leone et au Tchad), avec qui il est actuellement en négociations exclusives. "C’est l’une des zones avec le plus fort potentiel de toutes celles où nous sommes", affirme Stéphane Richard, PDG d’Orange. Et pour cause : le taux de croissance y est supérieur à 5 % en moyenne depuis dix ans, alors qu’ailleurs dans le monde, il est nul, voir négatif. L’opérateur a également ouvert Orange Fab, un accélérateur de start-up locales, il y a un an. Aujourd’hui, les priorités sont d’intégrer les TIC dans les établissements scolaires en mettant en place des environnements numériques de travail, et de réduire le coût de la bande passante internationale ce qui aura pour effet de démocratiser le haut débit en Afrique.
Ainsi, ce désenclavement réduira la fracture numérique et permettra aux pays concernés d'accroître leur développement économique et social.La réduction des coûts passe aussi par une prise en charge de la production des moyens du numérique. Ça aussi le Congo semble l'avoir compris, avec la mise en place d'un environnement très favorable aux industriels du secteur sur son territoire. Dernier en date, VMK, la société de Vérone Mankou, jeune entrepreneur congolais qui a décidé d’assembler et donc de produire en Afrique sa propre ligne de téléphones portables et de tablettes numériques, prouvant que les nouvelles technologies peuvent être dès aujourd’hui productrices d’emplois sur le continent. L’ouverture de l’usine de VMK à Mpila, Brazzaville, Congo, est plus qu’un symbole : elle ouvre la voix vers l’avenir en raccrochant numérique et nouvelle croissance économique.
Cette évolution est nécessaire - d'autres diraient inéluctable - mais elle peut créer des craintes au sommet de certains Etats. Ainsi, des dirigeants tentent de freiner ou contrôler les initiatives numériques des citoyens. Mais le monde de la technologie n’est qu’un miroir de la réalité. Ce n’est pas le miroir qu’il faut changer, c’est la réalité qu’il révèle. Il est des hommes d'état africains qui l'ont compris et oeuvrent dans le sens de l'histoire. Espérons que les autres leur emboîtent le pas, sans quoi leurs pays respectifs risquent de prendre un retard considérable dans le développement de l'Afrique 2.0.