Le Brexit serait-il arrivé avec une Europe en pleine expansion ?

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Par Daniel Moinier Publié le 21 juillet 2016 à 5h00
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86 %En 2015, la dette européenne représentait 86 % de son PIB.

Le 24 juin 2016 dernier, 51,9% des britanniques se sont prononcés en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, même si en Irlande et en Ecosse le vote pour le maintient l’avait largement emporté.

François Hollande a annoncé aussitôt en conférence de presse : « Le vote des Britanniques met gravement l’Europe à l’épreuve mais respectons leur choix. Un sursaut est nécessaire, l’Europe pour aller de l’avant ne peut plus faire comme avant…La France sera à l’initiative pour que l’Europe se concentre sur l’essentiel ». De son côté, Angela Merkel a affirmé que « le Brexit est un coup porté à l’Europe et au processus d’unification ».

Alors pourquoi en est-on arrivé là ? Il faut remonter à 2013, lorsque David Cameron a décidé d’organiser un référendum pour ou contre le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne sans penser aux dégâts qu’une pareille décision provoquerait dans son pays ?

Pourquoi ? C’est un problème de leadership, avec un parti conservateur très divisé, qui a poussé le 1er Ministre Britannique a lancé ce coup de poker. Il était très menacé par le Ukip, la formation populiste qui a fait de la sortie de l’UE la prérogative de son programme. En même tant, il était très contrarié par un nombre de plus en plus important de députés eurosceptiques au sein même de son parti. En lançant ce référendum, il a voulu neutraliser tout ses détracteurs en préjugeant à tort de l’opinion des électeurs.

Même si cette promesse lui a permis de gagner les élections de 2015, elle n’a pas empêché ensuite un déchaînement hystérique portant sur les immigrés, accusés de faire baisser les salaires et d’encombrer les hôpitaux. Elle a aussi suscité le fait de savoir, s’il était patriotique de quitter ou non l’UE. Tous les « contres » lançaient infatigablement le refrain « Take back control » soit reprenons le contrôle de notre pays. Ils annonçaient aussi la menace d’un déferlement turcs, des lois votées à 60% par la commission européenne et la faillite de l’eurozone.

David Cameron avait pourtant fait le maximum en promettant aux banques de renégocier les termes de l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’UE avant de convoquer un référendum sur le sujet avant fin 2017. La crise grecque et le fait que la Grèce était tout près de quitter la zone euro ont joué un rôle dans la décision de David Cameron de convoquer le référendum britannique plus tôt que prévu, le 21 juin 2016. Il avait pourtant eu le soutien de la Ministre de l’intérieur Theresa May qui avait penché pour le out puis qui ensuite a annoncé qu’elle soutiendrait le maintien du pays au sein de l’UE, accompagné du Ministre au Commerce Sjid Javid. C’est cette même Ministre de l’intérieur, seule candidate à sa succession (de D.C.) qui vient de le remplacer au poste de 1er Ministre.

Grexit, Brexit, on parle de Frexit et bien d’autres, une sorte de démantèlement de l’Europe. Qu’arrive t-il à cette Union Européenne qui a vu le jour 09 mai 1950 ? Si vous regardez le tableau ci-dessous, vous voyez que la part de l’UE dans le PIB mondial n’a pas arrêté de diminuer 30,35% en 2005, 23,64% en 2014. Les pays dit émergents pointant de plus en plus leur nez.

La zone euro est restée la lanterne rouge de la marche des affaires mondiales, subissant une nouvelle baisse du PIB d’environ 0,5 %. Certes, c’est un peu moins pire qu’en 2012 (- 0,6 %), mais l’Union économique et monétaire (UEM) reste la seule zone au monde à régresser. Pourtant, elle a pu bénéficier de soutiens massifs, avec notamment la double baisse du taux refi (taux de refinancement) de la BCE (désormais à 0,25 %) et la remontée importante de l’économie allemande, qui, bien loin de l’atonie de ses voisins, a su croître d’environ 1 %.

La dette européenne ne cesse d’augmenter depuis de très longues années. La crise de 2008 l’a encore fortement boostée. Ce sont surtout les pays du Sud qui sont les mauvais élèves de la classe dont la France. Les conséquences économiques : C’est un effondrement de la demande intérieure dû à la baisse des salaires, des dépenses publiques et par la hausse du chômage et des impôts.

Cette dette à fin 2015, s’élève à 12.439 Mds d’euros pour l’UE des 28 membres, soit 86% du PIB et à 9.454 Mds pour la zone euro et ses 19 membres, soit 91,6% du PIB. Les analyses essaient de trouver des raisons à cette atonie : Les pays de la zone euro ont tenté de réduire les déficits trop vite en 2011-2013, avec souvent de lourdes augmentations d’impôts, notamment la France, ce qui a conduit à casser la reprise et à la montée du chômage avec en parallèle, la hausse des déficits et de l’endettement public qui étaient pourtant prévus à la baisse..

La deuxième évoquée : Une mauvaise coordination des états avec des sociétés en concurrence les unes envers les autres due à des égoïsmes nationaux qui ont empêché d’adapter leurs situations et leurs politiques. Les marchés financiers en ont profité pour spéculer sur la dette des pays du Sud, alors que d’autres plus au Nord ont bénéficié de conditions très avantageuses, notamment la France et l’Allemagne. Et si les causes étaient autres ?

Peu de spécialistes en parlent et pourtant les causes sont beaucoup plus lointaines et profondes. Elles ne datent pas de la crise de 2008. Il suffit de regarder les courbes de durée de vie et de durée de travail de tous ces pays, pour se rendre compte que les politiques menées ont été complètement à l’envers de ce qu’il aurait fallu faire. Sous les pressions politiques, syndicales, électoralistes tous les gouvernements ont lâché du lest, sans s’occuper des conséquences très négatives engendrées sur l’économie de leur pays, mais aussi des baisses irrémédiables des niveaux de vie. Si l’on regarde le niveau de déficit, de dette de chaque pays, on s’aperçoit qu’il existe de très grandes différences. Ceux qui ont résisté, gardé des horaires (sur l’année et la durée de vie) plus importants ou augmenté ceux-ci, ont presque tous de meilleurs résultats. C’est presque pour tous, proportionnel. Ce qui l’est également c’est le PIB, il est en correspondance directe avec les heures travaillées-payées d’un pays.

Cela fait plus de quarante années que cela s’est dégradé. A chaque baisse de rentrées, il est mis en place des prélèvements, taxes, impôts... Tous les gouvernements ont toujours été très ingénieux pour trouver de nouvelles taxes ou impôts supplémentaires. Comme par exemple les deux plus importantes en France : La TIPP (Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers) et la CSG. En 2015, elles ont rapporté 117 Milliards d’euros, soit 31% des recettes de l’état.

Le tableau ci-dessous est très représentatif de la baisse du nombre d’heures travaillées depuis 1950, ainsi que la différentiation entre heures à temps complet et heures incluant le temps partiel. Deux taux sur lesquels les politiques jouent beaucoup pour annoncer que la France travaille plus que l’Allemagne, ou inversement que c’est elle qui travaille le moins, suivant que l’on représente la gauche ou la droite. Cherchez « l’erreur » !

Ci-dessous un dernier tableau, du taux de croissance et de la productivité de 1995 et 2007 en Europe, taux qui ont encore évolué à la baisse depuis. La France se trouve encore dans les tout premiers pays mondiaux pour la productivité horaire. Par contre pour la productivité globale, nous n’avons pas arrêté de décrocher. Nous sommes passés à la 25ème place et même à la 29ème pour certains autres instituts. Ce n’est pas la peine de travailler à fond pendant une heure, encore faudrait-il travailler au moins au temps que les autres et même plus. Les chiffres ci-dessus ont été relevés sur une année. Si l’on fait la comparaison par rapport à la durée de vie, nous nous retrouvons complètement « dans les choux ». Résultante de tous nos déficits et dettes.

Vous voyez que tous les pays d’Europe ont suivi le même chemin vers le bas, à des degrés différents. Si les pays d’Europe n’était pas partie vers une distribution dite sociale, sans avoir des rentrées suffisantes issues du travail, nous aurions une Europe prospère, influente, avec des européens confiants en l’avenir. Dans ces conditions plus enviables, il y a de fortes chance que l’envie de Brexit n’aurait même pas effleuré une grande partie des Britanniques. Pas plus que les circonstances qui ont bouleversé l’économie Grecque, même si l’environnement de politique intérieure était quelque peu différent. D’autre part, il n’y aurait certainement pas eu cette forte aversion contre l’Europe et toutes ses institutions.

www.livres-daniel-moinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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