Baisse de l’euro : phénomène durable ?

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Par Alexandre Baradez Publié le 26 septembre 2014 à 3h26

Plus de 8% de baisse en seulement 4 mois... les politiques qui évoquaient le niveau de l'euro comme un frein à la reprise économique en Europe ne s'attendaient probablement pas à une baisse aussi rapide...et devront adapter leurs discours sur les causes réelles du malaise économique européen. Après avoir flirté avec les 1.40$ en mai, l'euro s'est affaissé au rythme des annonces de la BCE et de son maître-communicant Mario Draghi.

Le premier round de baisse est intervenu en mai lorsque la BCE a indiqué qu'elle agirait dès le mois de juin si l'évolution de la situation le nécessitait. Intervention confirmée en juin avec une baisse de taux et mise en place de taux négatif sur les dépôts pour inciter les banques à réinjecter leurs liquidités dans les circuits économiques, fin de la stérilisation du programme SMP et annonce de la mise en place de nouveaux prêts ciblés (T-LTRO) pour les banques de la zone euro. Objectif : lutter contre la faible inflation et relancer le crédit aux ménages et aux entreprises. Ce deuxième round a emmené l'euro sur les 1.35$.

Dernier round : nouvelle baisse de taux en septembre avec renforcement du taux négatif sur les dépôts qui passe de -0.1% à -0.2%, mesure « sanction » pour contraindre un peu plus les banques à stimuler le crédit en zone euro. La mesure phare de ce dernier package de mesures reste toutefois l'annonce d'achats d'ABS et d'obligations sécurisées, se rapprochant ainsi un peu plus d'un quantitative easing (QE) sur le modèle de la FED aux Etats-Unis, BoE en Angleterre ou encore BoJ au Japon. Ce dernier train de mesures a propulsé l'euro sous les 1.3000$, la devise européenne se rapprochant un peu plus des plus bas de 2013 à 1.2750$.

QE...c'est dans ces deux lettres que réside toute l'incertitude de la politique monétaire à venir de la BCE. En effet, on ne peut pas considérer que les achats d'ABS ou d'obligations sécurisées constituent un quantitative easing, il s'agit plutôt d'un QE « light ». Pour les investisseurs, un QE ne prendra forme que s'il englobe les achats de dettes souveraines sur le marché secondaire, à l'image de ce que la BCE avait commencé à faire lors de la phase aigüe de la crise de la dette via le programme SMP (achats d'obligations souveraines de l'Italie, Espagne et Portugal notamment pour un montant inférieur à 200 milliards d'euros).

Nul doute que la forte baisse de l'euro au cours des derniers mois s'est faite, en plus des mesures déjà prises par la banque centrale, sur les anticipations d'un plan d'achat d'actifs massif. L'appétit des investisseurs pour les actifs de rendement comme les obligations souveraines de la zone euro traduit ces anticipations, de même que le rally sur les actions européennes au premier semestre...rally qui faisait déjà suite à un net redressement des cours depuis 2012, date de la première intervention marquante de Mario Draghi (« et croyez-moi ce sera suffisant »...).

Mais la dernière intervention du président de la BCE devant le Parlement Européen à Bruxelles n'a pas convaincu les investisseurs de l'imminence d'un plan d'achats massif. Même s'il a laissé la porte ouverte à de nouvelles mesures, il renvoie, comme il l'a fréquemment fait lors des dernières réunions, la balle aux gouvernements des états membres. Pour lui, la politique monétaire de la BCE ne saurait se substituer aux réformes structurelles, fiscales et budgétaires.

La fréquence de ces appels aux politiques laisse penser que le QE reste la dernière arme d'influence de la BCE et qu'elle ne peut être employée qu'en cas de force majeure (l'activation du programme SMP s'était faite dans un contexte de risque systémique...). Le faible appétit des banques de la zone euro pour le T-LTRO de septembre laisse penser que l'abondance de liquidités ne sera pas suffisante pour stimuler le crédit à court terme, même si la BCE observe une très légère amélioration des conditions de crédit en zone euro...

Dans ce contexte d'incertitude autour du QE de la BCE, l'euro peut-il encore céder du terrain face au dollar ? C'est très probable.

Mario Draghi a clairement laissé entendre qu'il souhaitait augmenter la taille du bilan de la BCE pour le faire revenir sur les niveaux de 2012 (à plus de 3000 milliards d'euros contre un peu plus de 2000 milliards d'euros actuellement) soit 1000 milliards d'euros de marge de manœuvre. La FED de son côté arrive à la fin de son cycle de politique monétaire accommodante, le 3ème QE arrivant à son terme d'ici quelques semaines (85 milliards de dollars d'achats d'actifs mensuels initialement contre 15 milliards en septembre).

La faiblesse de l'euro est non seulement alimentée par l'action de la BCE mais également par le débat qui s'intensifie aux Etats-Unis sur la date de premier relèvement de taux de la FED. S'il ne fait aucun doute que cette remontée de taux se fera en 2015, la période reste incertaine. Janet Yellen continue de tenir un discours accommodant, visant à rassurer les marchés en éloignant la date initiale mais plusieurs membres votants souhaitent accélérer la cadence. C'est le cas de James Bullard qui plaide pour un relèvement dès le premier trimestre 2015. Se pose non seulement la question de l'ampleur de ces relèvements mais également de leur fréquence...

Ce différentiel marqué dans le rythme des politiques monétaires Europe/Etats-Unis devrait durablement peser sur l'euro, de même que les niveaux d'inflation de part et d'autre de l'Atlantique ou encore le différentiel de dynamique de croissance (le nouvel affaiblissement des PMI en zone euro renforce les craintes d'une croissance atone au 3ème trimestre alors que le chômage continue de baisser Outre-Atlantique et que plusieurs indices d'activité continuent de se redresser, dans un contexte d'inflation tendant progressivement vers 2%..). Même si quelques rebonds techniques sont possibles dans les semaines qui viennent, la baisse de l'euro devrait s'étendre à moyen terme vers les plus bas de 2010 et 2012 dans la zone des 1.20$.

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Diplômé de l’ESCE (Ecole Supérieure de Commerce Extérieur), Alexandre Baradez débute sa carrière chez EBG FINANCES en 2003 en tant que consultant spécialisé en défiscalisation immobilière. Il intègre le département Gestion Privée de BNP PARIBAS en 2005 où il assure la gestion et le suivi d’un portefeuille de 400 clients. En 2008, il rejoint Banque Robeco Gestion Privée où il a en charge la gestion d’un portefeuille de 650 clients. Il délivre un conseil sur OPCVM, la constitution et la gestion d’un patrimoine en exploitant l’actualité macro et micro-économique. En octobre 2009, il rejoint Saxo Bank en tant que Sales Trader et devient en 2011 Analyste Marchés de la banque dont il est l’interlocuteur privilégié auprès des medias français. Aujourd'hui, Alexandre Baradez est Responsable Analyses Marchés chez IG France.

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