« Manipulateur de devise »

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Par Stéphane Déo Modifié le 6 août 2019 à 13h28
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@shutter - © Economie Matin

L’administration américaine a mis la Chine sur la liste des « manipulateurs de devise » ce qui ouvre la possibilité d’imposer plus de sanctions. Un pas de plus dans l’escalade des tensions, Les données économiques publiées, médiocres, montrent une stabilisation ; à la marge elles rassurent un peu.

Point de marché : craintes sur le sud-est asiatique

Une conséquence de la dépréciation du CNY est le potentiel effet domino sur les devises émergentes et en particulier sur celles du sud-est asiatique avec des conséquences néfastes pour ces économies.

Les devises de cette zone, ont tendance à bouger en même temps que le CNY, et donc une dépréciation rapide de la devise chinoise peut entrainer ces pays. Pour illustrer cette tendance, nous comparons les trois phases récentes de dépréciation du CNY comme le montre le graphique ci-dessous.

Puis, pour chacune de ces phases, nous regardons la corrélation entre les variations du CNY et les celles des principales monnaies asiatiques. Cette corrélation est calculée sur chacune des trois périodes à partir des variations journalières.

On obtient que la corrélation a progressé nettement de la phase 1 à la phase 3. Il semble donc qu’il y ait bien une émergence d’une « zone-CNY » et par conséquent, une trop forte variation de la devise chinoise pourrait déstabiliser la zone.

Dernier point, nous regardons l’épisode de dépréciation du CNY l’année dernière et comparons la variation des monnaies avec les mouvements sur les taux directeurs. Sans surprise, ce sont les monnaies les plus vulnérables, celles qui se sont le plus dépréciées, qui ont forcé les banques centrales à monter les taux pour stabiliser les changes.

A l’époque la Fed montait elle-aussi ses taux, alors qu’elle est maintenant dans une phase de baisse, la réaction des banques centrales asiatiques sera donc différente. Il y a néanmoins un risque que ces banques centrales soient forcées d’adopter une politique monétaire plus restrictive que voulue si les monnaies continuent de plonger. Un dilemme typique des « petites économies ouvertes ». Bien sûr ce n’est pas bon pour la croissance ni pour les actifs de la zone.

Un pas de plus dans l’escalade de la guerre commerciale sino-américaine

Le gouvernement américain a mis la Chine sur la liste des « manipulateur de devise » selon le site web du Trésor. Les trois critères utilisés pour identifier un « manipulateur » sont :

  • Une balance des paiements avec un surplus important. Ce n’est plus le cas de la Chine, sa balance des paiements est excédentaire de moins de 2% depuis 2017.
  • Un important surplus bilatéral de la balance commerciale avec les Etats-Unis. C’est bien évidement le cas de la Chine : 120,148 milliards de dollars d’exportations américaines vers la Chine en 2018 contre 539,675 milliards d’importations soit un déficit de 419,527 milliards (source : Census bureau).
  • Une intervention persistante et unidirectionnelle sur les changes. Cet argument est plus que discutable avec peu de preuve d’intervention directe de la PBOC. La Chine a plutôt eu tendance à freiner les sorties de capitaux privés, et donc à freiner la dépréciation du CNY.
Cette décision permet à l’administration de prendre des sanctions, et il s’agit donc bien d’un pas de plus vers des tensions durables.

Le marché, lui, attend une dépréciation du renminbi de l’ordre de 1% par an sur les quatre années à venir. Malgré les mouvements récents qui ont changé le point de départ, le CNY étant passé de 6,7 début mai à 7,05 ce matin, les attentes de dépréciations n’ont pas changé. Si ces attentes sont validées, cela poserait encore plus de problèmes avec Washington.

Données avancées américaines rassurantes

Le PMI des services a été publié dans plusieurs pays hier. Si l’indice pour la Zone Euro n’a pas surpris, celui aux Etats-Unis était meilleur qu’attendu avec une progression de 51,6 à 52,6. Le niveau reste modeste mais la contamination du secteur manufacturier, de plus en plus évident dans d’autres zones, ne se manifeste pas aux Etats-Unis. C’est une bonne nouvelle.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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