La retenue à la source de l’impôt sur le revenu est annoncée comme une réforme fiscale importante par le Gouvernement, faisant suite à une promesse de campagne du Président de la République.
Malheureusement, il n’en est rien et cette mesure sera totalement inadaptée aux objectifs poursuivis. Le Gouvernement en est parfaitement informé puisque lors des Assises de la fiscalité, organisées par Jean-Marc Ayrault, le groupe de travail avait conclu que l’amélioration de la gestion de l’impôt sur le revenu ne passait pas par une modification du mode de prélèvement, mais par le recours aux télé-procédures et à la mensualisation. C’est exactement ce que nous préconisons.
De quoi s’agit-il ? Le Gouvernement souhaite demander aux employeurs et aux organismes de retraite de retenir le montant de l’impôt sur le revenu à chaque salarié ou retraité ; ces derniers percevraient alors un salaire ou une pension « net d’impôt », entrainant une réduction apparente du salaire net.
Pourquoi un tel dispositif ? Il s’agit de faire payer l’impôt simultanément à la perception du revenu, alors qu’actuellement l’impôt est payé avec une année de décalage.
Les arguments du Gouvernement
En finir avec le décalage d’un an afin de permettre aux contribuables d’ajuster leur impôt à leurs revenus réels. Réformer la fiscalité directe.
Les vraies motivations du Gouvernement
Anticiper et fluidifier les recettes fiscales. Rendre l’impôt plus indolore (comme actuellement les charges sociales), car ce ne serait plus le contribuable qui paierait directement son impôt, mais l’employeur, qui devrait retenir l’impôt dû sur le revenu et le reverserait à l’Etat. Faire supporter une partie du coût de recouvrement de l’impôt aux employeurs.
Le Gouvernement est bien conscient de la difficulté de mise en œuvre du prélèvement à la source, mais a décidé de passer outre. Ainsi peut-on lire dans le compte-rendu du Conseil des ministres du 17 juin 2015 à ce propos: « sa complexité est réelle, mais elle peut être surmontée ».
Il est paradoxal que cette réforme soit présentée au Conseil des ministres dans un contexte de « simplification des obligations déclaratives des entreprises en matière fiscale » alors que tous les experts s’accordent pour en dénoncer les nombreux inconvénients :
-Lourdeur de l’organisation administrative pour les entreprises sans réel bénéfice pour l’Etat ;
-Risque de perte de la confidentialité des informations personnelles vis-à-vis des employeurs, mais aussi des salariés ou prestataires en charge de la gestion de la paie et risques d’insécurité informatique ;
-Démobilisation des contribuables sur le niveau des prélèvements obligatoires.
En effet, la complexité de l’imposition des revenus, l’existence de déductions fiscales et de réductions d’impôt n’éviteront pas aux contribuables d’avoir à faire leur déclaration de revenus chaque année aux fins d’une régularisation du montant à payer. Dès lors, on ne voit pas où est la simplification pour l’Etat, mais l’on perçoit très bien les difficultés pour les entreprises.
Au moment où l’on veut simplifier la fiche de paie, cette réforme va exactement dans le sens inverse, car elle alourdira considérablement les obligations administratives des employeurs. Et qu’en sera-t-il quand l’employeur ne reversera pas l’impôt retenu à ses salariés, notamment en cas de dépôt de bilan ?
Proposition d’une organisation apte à répondre aux préoccupations du Gouvernement sans alourdir les obligations des employeurs
Depuis plusieurs années, les services fiscaux pré-remplissent les déclarations sur le revenu et ce avec une fiabilité quasi parfaite. La connaissance des revenus déclarés par des tiers est donc bien maîtrisée par l’administration fiscale. Pour supprimer le coût de saisie des données, il convient seulement de généraliser les télé-déclarations via internet ; c’est d’ailleurs ce que fait le Gouvernement.
Afin d’anticiper le versement de l’impôt, il suffit de considérer que l’impôt versé le soit au titre de l’année en cours et de mensualiser les versements en fonction de l’impôt dû l’année précédente. Les acomptes versés feraient l’objet d’une régularisation annuelle au vue de la déclaration annuelle. En cas de baisse significative de ses revenus, le contribuable peut réduire, voire suspendre ses versements. Cette possibilité de limitation devra être explicitée et facilitée.
Quant à l’année blanche ou la double imposition de l’année de basculement, la question reste entière quelle que soit la formule adoptée. Il n’est pas besoin de passer au prélèvement à la source pour opérer ce changement.
Une telle organisation du recouvrement de l’impôt sur le revenu serait simple et sans bouleversements pour les contribuables, les employeurs et pour l’Etat : pas d’obligation déclarative supplémentaire pour les employeurs, paiement de l’impôt simultané à la perception du revenu, possibilité d’ajustement des versements en cas de besoin, pas de charge de recouvrement supplémentaire pour l’Etat.
Mais cette proposition de bon sens doit être politiquement trop simpliste et cela n’est pas la réforme promise !