La notion de marchandise

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Par Richard Sitbon Publié le 5 janvier 2014 à 4h36

Il peut sembler curieux de commencer l’étude d’un modèle talmudique par la notion de marchandise. Cet objet inanimé sans passé, sans histoire, inerte, ne devrait pas, a priori, être le sujet de notre première réflexion.

Pourtant, en étudiant les théories économiques, nous remarquons que la théorie de la valeur de la marchandise bénéficie d’une place prépondérante dans l’explication du fonctionnement économique. Dans sa définition essentielle, la valeur de la marchandise est l’utilité qu’elle procure, utilité qui est évaluée subjectivement par les agents économiques en fonction de leurs goûts et préférences individuelles. Le succès de cette approche s’étend bien au-delà de la sphère économique, puisqu’elle devient également l’explication de l’organisation sociale et s’impose comme finitude du rapport social. Le rôle économique de la valeur d’échange des marchandises rend compréhensible le lien économique unissant les hommes dans un univers complexe, où sont mis en scène des producteurs et des consommateurs dans une sphère de concurrence. Au niveau social, la marchandise tient le rôle de ciment et tient lieu d’explication dans la relation entretenue entre les hommes.

Dans ce cadre, le matérialisme dialectique est l’outil qui explique le mieux comment la marchandise passe du statut d’objet à celui d’actrice principale dans la relation économique entre les hommes. Par là même, le matérialisme nous fait comprendre comment la théorie de la valeur a joué un rôle décisif sur la diffusion de l’individualisme dans la société, en privilégiant un rapport des hommes à l’objet, au détriment d’un rapport des hommes entre eux. À une théorie théologique de l’histoire où Dieu serait le centre du lien social, Marx et Engels vont démontrer que le vrai lien social se trouve dans la relation entre la marchandise et la production.

Au stade primaire de la société, les rapports humains s’incarnent dans la relation marchandise-argent-marchandise pour finalement se transcender, l’objet devenant le centre de la relation argent-marchandise-argent. Dieu et la conscience sont alors expulsés de la vie sociale. La caractéristique essentielle de l’homme réside dans sa capacité à produire ses moyens de subsistance, condition fondamentale de son existence et de la survie de la société. De simple enveloppe, la marchandise devient alors forme sociale, elle acquiert une valeur double, valeur d’usage d’abord liée à son utilité, sur laquelle va se greffer une valeur plus importante : la valeur d’échange.

Cette notion de valeur va devenir tellement puissante, qu’elle est portée à son acmé dans la théorie de l’équilibre général walrassienne : toute l’activité humaine économique tendra vers cette recherche d’utilité, dans un cadre où les êtres humains n’auront de relation qu’avec la marchandise.

À son stade suprême, la réalité marchande de l’économie classique intègre aujourd’hui comme objet de l’échange, donc comme marchandise, des lieux dans lesquels elle était exclue : le marché du vivant avec la biotechnologie, le combat contre la maladie, la vieillesse, voire le bonheur ou la lutte contre la pollution.

Extraits du livre "L'Economie selon la Bible" de Richard Sitbon, éditions Eyrolles

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    Diplômé de l'université Paris - Sorbonne en Sciences économiques et diplômé de troisième cycle en Banque - finances. Économiste à l'Institut National des Statistiques Israélien jusqu'en 1995 et actuellement Directeur au ministère du Trésor, attaché à la lutte contre le blanchiment d’argent. Consultant à PlaNet Finance Israel. Trésorier d'une association "Emounah Chelema",avec un projet de construction d'un Centre communautaire à Jérusalem et président de "Voyage de Betsalel", qui promeut, quant à lui, l’art juif aux enfants.    

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