Nous avons vu qu’un des scénarios possibles en cas de nouvelle crise de l’euro consisterait à faire sortir « par le haut » les pays du nord, ceux du sud restant dans la zone monétaire afin de ne pas être acculés au défaut (faillite des Etats).
Une telle perspective, la plus logique au plan économique, a toutefois peu de chances de se matérialiser, l’Allemagne risquant de ne pas vouloir assumer une telle responsabilité historique. Un autre scénario consisterait à effectuer un pas majeur, en matière économique, vers un Etat fédéral européen. Christian Saint-Etienne, dont les propos sont en général pleins de bon sens et de clairvoyance sur la situation réelle de notre pays, n’a jamais caché ses convictions fédéralistes. Sur le plateau d’une chaîne d’information économique, il s’est évidement prononcé en faveur de cette seconde option.
Les deux carences de la monnaie politique qu’est l’euro
Selon Robert Mundell, prix de Sciences économiques « de la Banque de Suède, en mémoire d’Alfred Nobel », dit communément « prix Nobel d’économie » de l’année 1999, quatre conditions doivent exister au sein d’une zone monétaire pour qu’elle fonctionne correctement et soit pérenne : liberté des mouvements de capitaux, économie diversifiée, fiscalité permettant des transferts de capitaux d’un pays à un autre et mobilité des travailleurs, prêts à travailler dans n’importe quel pays de la zone.
Chacun peut constater que dans le cas de l’euro, si les deux premiers critères sont acquis, on est très loin du compte pour la mobilité de la main d’œuvre et la fiscalité, contrairement aux Etats-Unis ou dans l’Italie du temps de la lire. Pourtant ces deux pays affichent des disparités notables entre le Nord et le Sud ou le Nord et le Mezzogiorno.
Le salarié licencié en Bretagne ira-t-il se faire embaucher en Slovaquie ou en Lituanie ?
Le salarié qui perd son emploi dans le Wisconsin, s’il ne trouve pas à se faire réembaucher sur place, sera prêt à déménager pour aller travailler au Texas ou en Californie. Langue commune, sentiment d’appartenance à une même nation à laquelle les enfants des écoles font acte d’allégeance tous les matins face au drapeau, culture de la flexibilité et de la mobilité, rendent ces mouvements naturels. Enfin et surtout, les autorités fédérales disposent d’un budget représentant environ 20% du PIB national. Les citoyens américains s’acquittent de leurs impôts à deux niveaux, d’une part auprès des autorités de leur Etat, d’autre part auprès du gouvernement fédéral à Washington. Ce dernier effectue des transferts depuis les Etats les plus riches vers les Etats moins bien gérés.
En Europe, on voit mal pour l’instant le salarié qui perd son emploi en Bretagne déménager en Slovaquie au motif que le constructeur automobile qui aura fermé une usine dans sa région d’origine en aura ouvert une nouvelle plus à l’est. Langue, protection sociale, niveau des salaires, disponibilité des services publics, scolarisation des enfants, rupture totale avec l’environnement familial et amical, constituent autant de barrières dès que l’on sort du cercle relativement restreint des anciens étudiants Erasmus et des expatriés par vocation. Il faudrait encore plusieurs décennies, si tant est que cela arrive un jour, pour assister à une telle mobilité professionnelle des Européens.
Vers un budget fédéral et un impôt fédéral
Le budget européen pour l’instant ne représente qu’environ 1% de la richesse globale de l’Union européenne (il était de 0,03% en 1960 !). C’est insuffisant pour des transferts financiers du nord au sud. Sur ce site du Parlement européen, vous trouverez des infographies sur le mode de fonctionnement actuel du budget européen et qui paye quoi pour qui.
Mais nos technocrates ont une idée pour contourner ce problème d’anémie budgétaire. Selon Christian Saint-Etienne, si une nouvelle crise de l’euro se profilait, au lendemain d’un long week-end, les Européens se réveilleraient alors citoyens d’une Europe dotée d’un ministre des Finances européen (perspective qui faire naître de nouvelles vocations parmi les ambitieux) et d’une direction économique unique. A terme, des impôts seraient levés directement, à un niveau de pourcentage du PIB européen suffisamment substantiel pour financer des transferts entre régions riches et régions pauvres.
Face à ce scoop, les autres experts présents sur le plateau de cette chaîne d’information économique ont réagi très mollement, l’un se préoccupant quand même de l’absence de consentement populaire à ce nouveau saut fédéral. La réponse fut cinglante, en substance : « Peut-être que ça ne vous plaira pas, mais ce sera fait, vous serez mis devant le fait accompli, et on ne pourra pas revenir en arrière ».
Après les votes bafoués, les changements institutionnels sans referendum
Pourquoi en effet s’inquiéter, puisque ce sera pour le bien des peuples, même si c’est malgré eux. On retrouve ici la logique bien connue des dirigeants soviétiques dont l’économie accumulait échecs sur échecs. L’explication était qu’il n’y avait pas assez de communisme. La solution consistait à toujours en rajouter dans le collectivisme, jusqu’à la chute finale. Après les « avancées » fédérales suite à referenda dont on ne tient pas compte du résultat (Français, Néerlandais et Irlandais ont quelque expérience dans ce registre), on assisterait à un nouveau « progrès » démocratique majeur, à savoir le changement institutionnel de grande ampleur sans l’avis des peuples. Accepteraient-ils sans broncher un tel coup de force ? Il ne faudra pas alors s’étonner si les scores des partis populistes montent encore d’un cran…
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