C'est la semaine dernière que Bouygues Telecom devait annoncer aux élus du personnel le plan social qui vise à supprimer 1516 postes de ses équipes. Depuis quelques mois, le paysage français des télécoms se redessine à coup de burin affuté aux fusions acquisition et aux forfaits dopés à la concurrence. Quand certains s'assurent une place au soleil, d'autres craignent de rester sur la touche. Bouygues met tout en œuvre pour redresser une barre attaquée de toute part, quitte à enclencher le siège éjectable d'une partie de son effectif.
Un opérateur dans la tourmente
C'est un fait qui se vérifie de jour en jour, l'arrivée il y a deux ans de Free dans la cour de la sainte téléphonie a sonné le glas d'une récréation abusive menée par un trio qui peine aujourd'hui à récupérer ses billes d'antan. Le bulldozer de Xavier Niel et ses forfaits au rabais ont bousculé la façon dont Orange, SFR et Bouygues vendent leurs services. Pour rester dans la course, les trois concurrents ont été contraints d'aligner leurs offres sur celle de Free, ce qui n'a pas empêché le nouveau venu de devenir le troisième opérateur national, juste devant Bouygues qui accuse depuis une baisse de son chiffre d'affaires conséquente. L'ancien numéro trois a beau avoir tenté de multiplier les stratégies pour éviter le pire, il n'accumule pour le moment que les échecs.
Rachat de SFR raté
Une des alternatives qui aurait pu permettre à Bouygues de, si ce n'est remporter la bataille, au moins la terminer avec les honneurs, aurait été de mettre la main sur SFR. «Nous sommes confrontés à un problème de taille critique. Pour faire face à nos coûts fixes, c'est-à-dire à l'extension du réseau, il nous faut plus de clients, d'où notre offre de rachat de SFR, qui a échoué », déclarait Olivier Roussat, PDG de Bouygues Telecom. Acquise par Numéricable en début d'année, la filiale de Vivendi était également convoitée par Bouygues Telecom. Après de long mois d'une bataille médiatico-politico-économique, Numericable a finalement été choisi par Vivendi. Meilleure offre, meilleur projet de reprise pour le fournisseur Internet qui compte désormais s'inviter dans le secteur du mobile. La pilule est dure à avaler pour Martin Bouygues qui avait pourtant reçu le soutien éhonté du gouvernement.
Des services à la traine
Une autre occasion ratée de faire la différence pour Bouygues s'est jouée sur les services proposés aux abonnés, notamment sur la 4G. « Les résultats en matière de 4G n'ont pas été à la hauteur de nos espérances, l'un de nos concurrents ayant décidé en décembre dernier de galvauder la 4G en proposant un abonnement à 20 euros », rajoutait il y a quelques semaines Olivier Roussat. Encore une fois, Bouygues a du mal à être compétitif et à être à la hauteur commercialement. Alors qu'aujourd'hui la 4G est vendue par tous les opérateurs à des tarifs similaires, excepté Free qui l'inclut gratuitement dans ses offres, Bouygues espère conjurer le mauvais sort et prendre tout le monde de court en annonçant être le premier opérateur à proposer la 4G+ à ses usagers.
1 Md € d'économie à faire d'ici 3 ans
C'est donc dans un climat peu enclin au succès que Bouygues essaie tant bien que mal de sauver la face en se positionnant sur une 4G améliorée qui devrait pour le moment être uniquement déployée dans les villes Lyon, Bordeaux, Grenoble, Vanves, Issy-les-Moulineaux, Malakoff et Rosny-sous-Bois. Il en faudra cependant bien plus pour détourner l'attention du grand public face à la priorité actuelle de l'opérateur : réaliser des économies quoi qu'il en coûte.
« Nous devons réduire de façon drastique nos dépenses » déclarait Olivier Roussat début juin avant d'ajouter vouloir économiser 1 milliard d'euros d'ici trois ans. Des objectifs lourds qui se traduisent donc aujourd'hui par la suppression de 1516 postes sur les 9000 que compte la société. Si les boutiques et le réseau client sont épargnés, l'informatique et le marketing sont les principaux concernés par ce plan social. « C'est inacceptable parce que l'organisation ne pourra pas tourner avec si peu de personnel », indiquait Azzam Ahdab, délégué CFDT.
Un hard reboot laborieux
Bouygues n'est peut-être pas la seule entreprise à tailler dans sa main d'œuvre pour sortir la tête de l'eau mais elle n'en est pas à son premier coup d'essai. Déjà 556 employés avaient quitté la société en 2012 dans le cadre d'un plan de départs volontaires. Déjà en cause à l'époque, une situation financière critique provoquée par l'arrivée de Free sur le marché du mobile. Deux ans se sont écoulés depuis et force est de constater que Bouygues n'a pas su appréhender les mutations du marché et prendre un virage périlleux mais nécessaire. Enfin, tant qu'on capte la 4G+ à Lyon c'est l'essentiel. Les 1516 nouveaux chômeurs seront certainement ravis de voir apparaître plus rapidement les offres d'emplois sur leur téléphone.