La dignité humaine est un droit inaliénable mais l’homme n’a plus aucune dignité

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Par Charles Sannat Publié le 9 janvier 2014 à 13h24

Comme vous avez dû sans doute l’entendre ces derniers jours à de multiples reprises, un nouveau concept juridique est évoqué. Celui de l’atteinte à la dignité humaine. Je dis nouveau car cette notion juridique n’a été constitutionalisée qu’en 1994 et la jurisprudence concernant ce concept est plus que mince à l’heure actuelle.

Je vous cite ci-dessous un petit passage de Wikipédia qui résume fort bien l’état de l’art actuellement autour de l’idée de dignité humaine, qui à l’origine devait servir de pilier pour encadrer les progrès de la science en particulier afin de donner un cadre intellectuel à la « bioéthique ».

C’est un sujet passionnant, brûlant et, conformément à notre ligne éditoriale, nous ne l’aborderons que sous son angle économique… mais nous l’aborderons quand même, car je trouve qu’il est toujours intéressant de savoir de quoi l’on parle et de donner le sens des mots, d’en débattre, d’y réfléchir, loin de la curée médiatique et de l’emballement actuels !

« Le Conseil Constitutionnel a élevé la dignité au rang de « principe à valeur constitutionnelle », dans sa décision de 1994 au sujet de la loi dite de bioéthique. Dans ce cadre, la dignité est considérée comme partie intégrante des droits de la personnalité, qui sont inaliénables.

L’année suivante, l’arrêt du Conseil d’État du 27 octobre 1995, dans l’affaire de « lancer de nains » de Morsang-sur-Orge, est célèbre pour avoir inclut la notion de « dignité humaine » en tant que composante de l’ordre public13. Le Conseil d’État a en effet jugé que le maire, en vertu de ses pouvoirs de police administrative, avait le droit d’interdire un spectacle de « lancer de nains » au motif de trouble à l’ordre public — et ce, même si le nain en question était volontaire et consentait à cette activité d’ordre commercial, vu que la dignité est censée être inaliénable. En effet, les juges ont considéré qu’un tel spectacle attentait à la dignité de la personne humaine, et que celle-ci faisait partie intégrante de l’ordre public :

« Considérant que l’attraction de « lancer de nain » consistant à faire lancer un nain par des spectateurs conduit à utiliser comme un projectile une personne affectée d’un handicap physique et présentée comme telle ; que, par son objet même, une telle attraction porte atteinte à la dignité de la personne humaine ; que l’autorité investie du pouvoir de police municipale pouvait, dès lors, l’interdire même en l’absence de circonstances locales particulières et alors même que des mesures de protection avaient été prises pour assurer la sécurité de la personne en cause et que celle-ci se prêtait librement à cette exhibition, contre rémunération. »

La dignité humaine

Jean PRADEL, dans son ouvrage intitulé Droit Pénal Spécial, définit les infractions portant atteinte à la dignité comme « celles qui, hors les cas d’attentat à la vie, à l’intégrité ou à la liberté, ont pour effet essentiel de traiter la personne comme une chose, comme un animal ou, dans le meilleur des cas, comme un être auquel serait dénié tout droit à l’honneur et à son honorabilité ».

Ainsi, les atteintes à la dignité humaine se déclineraient en atteintes à l’égalité, au respect dû à la personne humaine et à son honorabilité.

Je crois qu’il convient de s’arrêter un peu sur l’honneur et l’honorabilité.

L’honneur définit par Le Larousse c’est : l’ensemble de principes moraux qui incitent à ne jamais accomplir une action qui fasse perdre l’estime qu’on a de soi ou celle qu’autrui nous porte : Sens de l’honneur.
Sentiment de sa propre dignité, réputation.

Protéger la dignité humaine, ce serait donc protéger le respect de l’estime de soi et accessoirement de son corps.

Une nouvelle étape a été franchie à l’occasion des soldes d’hiver qui viennent de commencer

Les fidèles lecteurs le savent, je suis à chaque période de solde dépité par le comportement stupide des foules et de masses abruties par une hyperconsommation totalement vaine et réductrice pour l’être humain.

Lors de ces périodes, la dignité humaine s’efface rapidement pour laisser place à des attitudes presque bestiales. Nous sommes abreuvés d’images de « zombies » décérébrés rampant sous des rideaux de fer à peine entrouverts et se jetant à plusieurs dans une immense cohue sur le dernier i-machin-chouette tant convoité, ce qui donne lieu à chaque fois à d’inévitables débordements et à de nombreuses foires d’empoigne.

Mais cette année, un nouveau pas a été franchi dans cette entreprise massive de destruction de la dignité humaine que représente la consommation et son paroxysme que sont les soldes.

Vous pourrez donc voir cette « sublime » vidéo sur le site du Parisien où l’entreprise Desigual, qui est une chaîne de vêtements à la mode, a lancé une opération pour l’ouverture des soldes consistant à demander à ses clientes et clients de venir nus… pour être habillés gratuitement !!

Évidemment, les zombies se sont tous rués sur cette superbe affaire du siècle. Être habillé gratuitement vaut bien de se mettre à poil ! Après tout, que ces dames défilent en petites culottes pour repartir en pantalon valait sans doute le coup.

Où est le respect de la dignité humaine dans tout cela ?

Et c’est là où je voulais en venir. La différence entre l’honneur et la compromission c’est que les principes, vos principes, nos principes ne doivent pas tolérer d’exception. On ne se fout pas à poil, même pour un pantalon gratuit, ou cela veut dire qu’il n’y a plus de limite dans le respect de l’estime de soi.

La consommation de masse, le besoin compulsif d’acheter tout et n’importe quoi, le fait d’être prêt à tout pour posséder y compris à se transformer « volontairement » en objet est la réalité même de l’asservissement.

La consommation est un asservissement. L’endettement est un esclavage, qu’il concerne les individus ou les nations. Et progressivement, petit à petit, la dignité humaine de tous les consommateurs s’efface pour laisser la place à la satisfaction immédiate de plaisirs qui ne sont même plus simplement suggérés mais clairement imposés par les marques, le marketing et le matraquage publicitaire systématique auxquels sont confrontés tous les cerveaux humains.

Ceux encore lucides se rendent bien compte qu’il n’y a aucun bonheur durable dans la possession d’objet matériel, qu’il s’agit là de la négation même de l’être humain et donc de sa dignité, qu’il y a la négation de l’esprit humain, de son mystère, de sa part de spiritualité, ou du côté sacré de la vie.

L’ensemble du système actuel est une insulte à la dignité humaine

Lorsqu’un pouvoir politique avec la complaisance de l’opposition comme c’est le cas actuellement s’arroge le droit d’espionner chaque citoyen en temps réel sans même s’embarrasser de l’accord d’un juge comme c’est le cas avec la nouvelle de programmation militaire votée en douce et en toute discrétion avant les fêtes de Noël, où est le respect de la dignité humaine ?

Lorsqu’une entreprise se permet de demander à ses clients de se mettre nus pour être gratifiés de cadeaux, où est le respect de la dignité humaine ?

Lorsque l’on demande à des peuples entiers de se sacrifier pour payer des dettes pas forcément légitimes, où est le respect de la dignité humaine ?

Lorsque l’on contemple au Parlement Européen tous ces grands pourfendeurs de la fraude fiscale alors qu’ils se sont votés eux-mêmes des lois les mettant à l’abri de tout impôt et de toute taxe, où est l’honneur ?

Lorsque des grandes compagnies sont prêtes à polluer pour l’éternité ou presque certaines terres pour s’enrichir à court terme… où est le respect de la dignité humaine ?

Lorsque nous vendons des armes qui, je le rappelle, servent en général à tuer… où est le respect de la dignité humaine ?

Lorsque nos dirigeants mentent pour nous envoyer faire la guerre ou justifier une guerre, comme ce fut évidemment le cas en 2003 avec la guerre en Irak qui fut l’objet de l’un des plus grossiers mensonges politiques aux USA et avec des centaines de milliers de victimes à l’arrivée… où est le respect de la dignité humaine ?

Lorsque les enfants sont considérés comme de simples marchandises, lorsque les enfants sont soumis à la publicité, lorsque les enfants, nos enfants, deviennent des objets, en contradiction avec le côté le plus sacré de l’enfance, de son mystère, de sa capacité d’émerveillement et de découverte et que nous les transformons en monstres d’égoïsme blasés pourris gâtés,… où est le respect de la dignité humaine ?

Où que vous regardiez, quel que soit le pays concerné, c’est ce système économique devenu fou tout entier qui représente le seul, l’unique et la plus grande menace pour la dignité humaine.

Ce système économique et politique, où l’homme n’est plus que l’ombre de lui-même, un simple potentiel de consommation, ce monde ou même un homme qui dort est désormais soumis dans son sommeil à la publicité, un monde où la seule liberté qu’il vous reste est celle de consommer et où si vous n’en êtes pas capable alors vous êtes inutile, presque nuisible puisque vous ne rapportez rien au système et vous pouvez lui coûter… dans un tel cas, inévitablement le système qui poussera sa logique jusqu’au bout finira par se poser la question de comment supprimer les nuisibles ou les inutiles. C’est d’ailleurs en réalité déjà le cas avec le débat sur l’euthanasie.

Un beau débat, de jolis mots, plein d’éthique dégoulinante pour vous expliquer qu’en gros… il faut aider à mourir tous nos anciens devenus « trop coûteux » ! La logique a été poussée au bout au Japon où le ministre des Finances a demandé à ses compatriotes âgés de se suicider lorsqu’il représentaient un coût pour la société. Alors dans tout cela, où est le respect de la dignité humaine ?

Lorsqu’un ministre, fut-il de gauche, vient me parler de respect de la dignité humaine alors que chaque jour lui-même et les autres incarnent un système profondément indigne, je sens en moi monter une forme d’exaspération réelle.

Protéger la dignité humaine, c’est combattre le système actuel

Pour préserver la dignité humaine, ce n’est pas par l’incantation. Ce n’est pas par la stigmatisation, ce n’est pas en favorisant les clivages et la montée des tensions.

Protéger la dignité humaine, c’est dénoncer sans cesse et sans relâche, ce système économico-politique globalisé et mondialisé qui est la négation même de ce qui fait la grandeur de l’être humain.

Protéger la dignité humaine, c’est refuser d’être un consommateur asservi par des besoins imaginaires créés de toutes pièces.

Protéger la dignité humaine, c’est refuser d’être l’esclave des banques et de la monnaie.

Protéger la dignité humaine, c’est refuser au maximum de soutenir ce système par ses actes d’achat, refuser ses messages en refusant la télé et l’asservissement par les images qui ne sont qu’un outil de lobotomisation des masses, c’est refuser de se mettre à poil pour un futal, protéger la dignité humaine c’est rentrer en résistance pour des valeurs fondamentales et éternelles comme l’estime de soi, des autres, et pour l’honneur.

Protéger la dignité humaine, c’est donc combattre par les idées l’idéologie de ce système car c’est ce système et ses représentants qui incarnent la plus abjecte des attaques quotidiennes à la dignité humaine.

Restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez bien !!

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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