PME françaises : de l’intérêt de contribuer à des projets européens

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Par Stéphane Schmoll Publié le 26 juin 2014 à 2h26

1. Ils sont forts, ces français ! Et les autres ?

Les ingénieurs français sont réputés dans le monde entier pour leurs compétences en sciences fondamentales, en logiciel et en construction de systèmes complexes. Nous sommes capables de construire les meilleurs avions, les meilleurs trains, les meilleurs radars, les meilleurs satellites, les meilleures centrales nucléaires et même les meilleurs jeux, mais pour ce qui est de les imposer à l'étranger, les Français sont parfois moins efficaces.

Une des raisons réside dans notre incapacité à disposer d'abord d'une vitrine nationale crédible, malgré les annonces médiatiques gouvernementales. Lorsqu'il s'agit de solutions innovantes dont les principaux clients pourraient être des administrations ou sociétés nationales, celles-ci font preuve d'une relative frilosité. Leurs critères sont le plus souvent centrés sur leurs besoins propres et leurs budgets, sans prendre en compte le besoin de mettre en avant la technologie française, contrairement à ce que font certains pays européens comme l'Allemagne. Chez nous, pas grand-chose qui soit centré sur l'innovation, la standardisation, la création de valeur d'emplois, et l'exportation, hormis pour ce qui reste de quelques grands programmes de défense, en attendant le décollage effectif des chantiers de la nouvelle France industrielle.

Pour l'instant, les guichets de financement de la recherche et du développement permettent bien de viser de simples démonstrateurs, mais dès qu'il s'agit de construire une vitrine opérationnelle crédible, les donneurs d'ordre s'abritent derrière le danger de prendre des risques, des spécificités normatives françaises héritées du protectionnisme et leur interprétation du code des marchés publics. Autant de freins à l'innovation.

2. La tentation de l'Europe

La Commission européenne, somme de tous les Etats de l'Union, a fixé les priorités collectives de nos nations et lancé d'ambitieux programmes cadre de recherche & développement (PCRD) dans un grand nombre de domaines concernant toutes les entreprises, à commencer par les PME.

Les programmes tels que le 7e PCRD et désormais Horizon 2020 sont-ils donc plus intéressants que les guichets de financements français ?

Certes, il est notoire que les processus de montage et de dépôt d'un projet européen avec des partenaires d'autres pays est plus complexe, plus long, et plus exigeant et le restera malgré les simplifications introduites par H2020. Mais la popularisation de ces financements et la nécessité ont encouragé un nombre croissant d'entreprises et de centres de recherche à s'y adresser. En contrepartie logique, c'est devenu de ce fait un véritable concours auquel moins de 10% des projets sont retenus. C'est donc beaucoup de travail pour un résultat très incertain, si ce n'est aléatoire.

Entre la frilosité nationale et l'aléatoire européen, quelle voie les PME françaises doivent-elles donc privilégier ?

3. La motivation stratégique

Puisque la rentabilité du temps et des efforts passés sur la participation au montage d'un projet européen est loin d'être établie, notamment pour les PME dont le temps est la ressource la plus précieuse, il faut y voir d'autres avantages.

Tout d'abord, cela ouvre des horizons en permettant de voir ce qui se passe à ailleurs et de mieux se positionner en proposant sa propre valeur ajoutée à une grande variété d'experts. La veille, le positionnement et l'influence sont d'ailleurs des piliers d'une bonne démarche d'intelligence économique.

Sur l'agora européenne, on trouve à la fois de précieux partenaires complémentaires, intérêt par essence des projets coopératifs, mais aussi des besoins et des marchés soit comparables au marché national mais parfois plus avancés, soit des besoins différents mais tout aussi intéressants.

Il faut également souligner que les projets proposés à l'Europe passent dans un crible impressionnant et efficace de par la quantité et la qualité des experts désignés à ce niveau pour examiner les projets sous plusieurs facettes non seulement scientifiques et techniques, mais aussi éthiques, juridiques, sociétales, et économiques. Enfin, une gouvernance extrêmement pointue permet de limiter au maximum les suspicions de favoritisme des décideurs ultimes face aux tentatives d'influences industrielles.

Etre retenu dans un projet européen, c'est donc pour une PME une formidable référence de qualité, un véritable label ! Bien entendu, le financement acquis, dont le taux est d'ailleurs plus favorable au niveau européen que dans le système français, est tout aussi précieux pour mener à terme le projet.

4. Nul n'est prophète en son pays

Les difficultés et mérites de ce parcours européen sont notoires, même en France. Fort heureusement, les décideurs nationaux, conscients des mérites de l'intelligence collective, sont volontiers convaincus de la valeur du label de financement européen.

Les utilisateurs privés ou publics savent que les projets financés sont souvent excellents, répondent à de vrais besoins (surtout ceux de H2020), et que la masse critique de pays concernés constitue un facteur favorable à l'émergence d'éventuelles normes européennes.
Les actionnaires et les financiers des PME y voient la confirmation du bien-fondé d'une stratégie et d'une excellence technique, les encourageant donc à maintenir ou amplifier leurs soutiens.

Quant à l'administration française, pragmatique face à la diversité et aux réalités budgétaires, elle opte volontiers pour des solutions cautionnées par les démarches européennes. C'est aussi un moyen intelligent d'offrir à des PME l'occasion d'utiliser une reconnaissance européenne pour faire leurs preuves dans leur propre pays aux côtés de grands groupes et des pouvoirs publics, et c'est aussi un bon exemple des vertus d'une démarche de filière, qui pratique la présélection des compétences et le fléchage des subventions sans pour autant déroger aux règles des marchés publics.
Bien inspirée, la France est précisément en train de mettre en place une filière industrielle de sécurité. C'est d'autant plus nécessaire que la décentralisation avait fait reculer la mutualisation des besoins et des solutions. On a donc désormais tout ce qu'il faut pour fabriquer de l'excellence au niveau français tout en cultivant les synergies européennes, dans le respect de l'intérêt général.

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Consultant expert en sécurité globale. Ancien dirigeant de PME technologiques au services des forces de sécurité et de la justice. Contributeur du comité stratégique de filière « industries de sécurité ». et chroniqueur Colonel de la réserve citoyenne de défense et de sécurité.

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