Le coût exorbitant du capital est le principal fléau touchant la compétitivité française

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Par Eliane Assassi Publié le 6 octobre 2014 à 3h11

J'adresse tout d'abord mes chaleureux remerciements à Gaby Charroux de nous accueillir dans sa belle ville de Martigues, cette « Venise provençale » comme on la surnomme.

Sa réélection aux dernières élections municipales marque la reconnaissance du travail accompli pour sa ville.

Nous sommes heureux de venir dans ce département des Bouches du Rhône pour nos journées parlementaires, département, il faut le rappeler, marqué par la crise, dans lequel s'est concentré de nombreuses luttes ces derniers temps ; certaines couronnées de succès comme Fralib et celles qui se mènent encore actuellement avec la SNCM, qui n'a jamais été aussi proche du dépôt de bilan et aujourd'hui en situation de blocage avec un plan de redressement proposé prévoyant des suppressions de postes importantes et Transdev refusant de le démarrer tant que la sanction de 440 millions d'euros de la Commission européenne n'est pas épongée.

Il y a bien sur d'autres conflits en cours et d'autres menaces sur l'emploi en ce moment dans les Bouches du Rhône.

Nous sommes réunis ici pour ces journées, quelques jours seulement après l'agitation des élections sénatoriales.

Comme vous le savez tous, le Sénat a basculé à droite dimanche et le Front national a fait son entrée, une première dans l'histoire du Sénat et la cinquième République.

Le groupe CRC sera un peu moins nombreux, nous avons perdu le fauteuil du Rhône, de l'Allier et des Bouches-du-Rhône.

Dans les deux autres départements où nous comptions un sortant, Thierry Foucaud se maintient en Seine-Maritime, et Christine Prunaud conserve le siège laissé par Gérard Le Cam. Avec 18 sénateurs, le groupe CRC restera donc le deuxième à gauche en termes d'effectifs.

On peut relever un élément encourageant pour notre « famille » politique  : dans 16 départements concernés par l'élection et où ses candidats étaient sur des listes propres, le Front de gauche note une hausse significative du nombre de voix portées sur ses candidats.

Ces résultats ne sont une surprise pour personne au regard des dernières élections municipales.

François Hollande et son Gouvernement essuie une troisième défaite électorale en six mois à peine signant une nouvelle fois la sanction à l'encontre de leur politique austéritaire, au renoncement des valeurs de progrès et de justice sociale.

Avec les réformes imposées ces derniers mois, entre la réforme des rythmes scolaires, la refonte territoriale et la baisse des dotations aux collectivités, le trouble dans le cœur des élus a grandi et s'est exprimé.

De manière générale, la victoire de la droite est moins écrasante que ce que l'on aurait pu imaginer.

La droite et le centre totalisent 190 élus, soit 15 de plus que la majorité absolue.

Toutefois, si elle relativement limitée, elle annonce une accentuation en 2017 lors du renouvèlement de l'autre moitié des sièges car les grands électeurs seront issus des mêmes élections municipales.

C'est pourquoi, il faut préparer avec précision ce prochain renouvellement.

Nous sommes réunis ici un moment où l'on peut s'inquiéter pour la paix dans le monde et à ou la vie politique du pays s'avère complexe.

Chacun le sait, la situation internationale est plus que délicate et c'est un euphémisme, ces derniers mois ont été des mois de souffrances, de déchainements de violence, de destruction et de morts.

L'Irak d'abord, avec la participation de la France à la coalition internationale et aux bombardements.

Bien entendu il est nécessaire qu'il y ait une unité nationale pour lutter contre cette forme de terrorisme. Cette nécessité est encore renforcée par l'exécution d'Hervé Gourdel la semaine dernière en plein débat parlementaire sur l'engagement des forces armées en Irak et ravive des blessures profondes pour les algériens.

Mais la lutte contre le terrorisme ne peut pas être menée à n'importe quelles conditions.

Trois points en particulier font que nous ne pouvons que désapprouver fortement ce nouvel engagement de nos forces armées à l'étranger.

Il s'effectue sous le seul commandement militaire des Etats-Unis, alors que ceux-ci ont de lourdes responsabilités dans la situation chaotique de cette région.

Il s'effectue dans une légalité internationale discutable. En tout cas, sans mandat formel de l'Onu.


Enfin, c'est une coalition hétéroclite de pays aux intérêts parfois contradictoires, et au sein de laquelle les soutiens, plus ou moins directs, à ceux que nous voulons combattre sont très présents.

Au total, cette intervention militaire n'est pas de nature à apporter la stabilité dans cette région, à préserver l'intégrité et la souveraineté de l'Irak, à résoudre ses problèmes sociaux et politiques.

L'Ukraine ensuite ou rien n'est réglé. La situation d'affrontement entre l'Union européenne et la Russie reste à craindre, le processus de cesser le feu étant en panne. De plus, la signature de l'accord entre l'Union européenne et l'Ukraine a encore certainement envenimé la situation.

Je ne peux pas ici ne pas évoquer la situation en Palestine.

L'armée israélienne a massacré 2143 palestiniens dont 577 enfants, elle a fait 11 230 blessés, détruit 46 000 logements. Même si Israël est contrainte à un cessez le feu, il faut redoubler d'effort en matière de solidarité internationale pour parvenir à faire cesser l'occupation et aboutir à ce que le blocus contre Gaza soit levé dans les plus bref délais. Israël n'est pas au-dessus des lois.

L'histoire nous a montré que la solution militaire loin de régler les crises en prépare toujours une nouvelle, c'est l'enseignement qu'il faut tirer : la solution militaire est une impasse.

La mémoire est courte en politique, notre position de la voix de la paix allant à l'opposé de politiques agressives remonte à des années.

Nous avons toujours été cohérents à ce sujet.

Pour en venir à la situation de notre pays, chacun le sait, nous vivons une crise politique sans précédent dans l'histoire de la cinquième République, crise qui s'assoie sur une crise économique témoignant d'un échec économique et social global de la politique menée par François Hollande depuis 2012.

L'isolement de l'exécutif, les deux remaniements ministériels, le chantage du Premier Ministre envers sa majorité marquent un aveu d'échec de la part du Président de République sans parler de la perte de majorité absolue à l'Assemblée nationale à l'issue de la déclaration de politique générale.

Tout ceci n'est que le symbole d'une déroute sociale et économique donc politique.

Un bilan objectif de la politique conduite par le Président de la République et ses gouvernements successifs aurait dû leur servir de lanterne. En effet, ils prétendaient réduire les déficits, pourtant, ils se sont aggravés !

Le chômage est en constante progression, la croissance quasi nulle, la demande « agonisante », l'austérité bien présente et pourtant les déficits sont à leur paroxysme. Mais, ils persistent ; 40 milliards du Pacte de responsabilité, 50 milliards de réduction des dépenses publiques supprimées donc 90 milliards au bénéfice des intérêts du capital.

La justification de cette politique est permettez-moi l'expression « tirée par les cheveux » lorsqu'elle n'est pas qu'un aveuglement dogmatique qui semble coupé du monde réel !

Compétitivité, voilà le mot qui revient en boucle comme un disque rayé dans la bouche du Président de la République et de son Premier Ministre.

Pour être compétitif, il n'a qu'une seule solution : renflouer les marges des entreprises et tout ira mieux !

Mais non, c'est le coût exorbitant du capital, près de 300 milliards d'euros versés chaque année aux actionnaires et aux banques en intérêts, le principal fléau de la compétitivité française, c'est celui-ci qui doit être combattu.

Ces politiques de rentabilité sont nocives pour le pays, pour la population, elles ne nourrissent que les dividendes et les profits du capital, elles vont à l'encontre du bien commun et ne servent que les intérêts d'une poignée de privilégiés.

Et pourtant le patronat fait encore de la surenchère, il n'y a qu'à voir les dernières demandes de Gattaz.

Le point central aujourd'hui n'est nullement une insuffisance de l'offre comme le prétend le Gouvernement mais le fait que les carnets de commandes de nos entreprises, nos PME sont vides.

Dans ce contexte, la politique menée, celle de la stagnation des salaires et de la réduction des dépenses publiques, ne fait qu'alimenter la récession.

Au lieu d'avoir fait reculer la puissance financière, d'avoir renégocié le pacte d'austérité budgétaire européen, relancé la demande, augmenté les salaires, d'avoir fait de la relance sociale, assuré la qualité des emplois, de la formation, préservé notre service public et cette liste est non exhaustive...François Hollande et le Gouvernement tournent le dos à une vraie politique de gauche, aux promesses du Bourget et même foule aux pieds leurs rares engagements de campagne et font de ces deux dernières années un immense gâchis dont l'ensemble de la population en paie le prix fort !

Les gens se sentent trahis et ils le sont ce qui entraîne une perte de confiance totale des citoyens envers la représentation nationale.

Mais pas que, cela donne la part belle au Front national qui pioche dans les propositions sociales et économiques de la « vraie » gauche pour faire passer sa « sauce » xénophobe et antisociale auprès de la population.

Nous en subissons nous même les répercussions.


La seule possibilité pour les partisans du progrès, c'est de se prononcer en faveur d'une alternative à gauche.

A ce titre, le Parlement, utilisé à bon escient, est le lieu privilégié pour faire passer des messages au travers des propositions de lois déposées par nos groupes, le travail d'amendements et les débats parlementaires.

Il faut parvenir à faire de notre travail, une vitrine de l'alternative.

Arriver à porter plus haut et fort nos propositions de loi, améliorer le lien avec le terrain : les élus locaux, les associations etc... pour mettre en débat nos propositions mais également arriver à être mieux relayer dans le presse nationale.

D'ici décembre, nos deux groupes auront trois grands combats à mener, celui de cette réforme territoriale, de la loi de finances pour 2015 et de la loi de financement de la sécurité sociale.

D'abord la réforme territoriale amorcée qui poursuit la logique du démembrement de la République et de notre service public accompagnée d'une réduction budgétaire drastique des collectivités territoriales.

Cette réforme abonde dans la même direction que la réforme de 2010, réforme pourtant combattue avec force à l'époque par la gauche toute entière.

Elle transformait toutes les communautés de communes en intercommunalité à fiscalité propre, renforçait les compétences des intercommunalités, supprimait la clause de compétence générale des départements et des régions, limitait les financements croisés et enfin créait les métropoles ainsi que les pôles métropolitains.

Seul le conseiller territorial qui devait remplacer les conseillers généraux et régionaux a été supprimé par l'adoption d'une proposition de loi de Nicole Borvo déposée par notre groupe au Sénat.

Je ne m'attarderais pas ici à détricoter cette réforme à laquelle nous faisons face, nous la connaissons tous, j'en dirais seulement deux mots.

Elle va vers toujours plus de concentration de compétences au niveau des intercommunalités, au détriment de l'action des communes et vers plus de pouvoirs aux régions.

En clair, plus de concentration de pouvoir.

Nous avons une responsabilité forte pour porter ce débat dans la population, l'aider à s'en saisir malgré sa complexité.

Nous avons une responsabilité forte pour combattre le dogme de la réduction de la dépense publique au nom de la lutte contre les déficits publics.

En étranglant financièrement les collectivités, c'est aux plus démunis que l'on s'attaque.

Ceux pour qui l'action sociale des collectivités a permis d'amortir en partie les effets de la crise.

Mais qu'en sera-t-il demain ?

Quand sera-t-il quand les départements auront été supprimés, les communes vidées de leurs prérogatives et de leurs moyens, quand les décisions seront prises par des experts élus par personne et qui décréteront d'en haut ce qui est bon ou pas pour les populations ?

Cette réforme, avec ses différentes facettes représente un enjeu considérable pour l'avenir de notre pays et de ses institutions républicaines.

Par ailleurs, la Ministre de la santé a annoncé un déficit du régime général de la Sécurité sociale plus important que prévu avoisinant les 11.7 milliards d'euros.

Alors qu'elle a précisé qu'il n'y aurait pas de gel des prestations familiales en 2015, elle a tout de même ajouté que d'autres mesures seront envisagées pour maîtriser les dépenses de la politique familiale, nous imaginons déjà lesquelles !

Pour commencer, la réduction de la prime à la naissance à partir du deuxième enfant et un durcissement du congé parental, pourtant tout fraîchement réformé.

Le Gouvernement table sur le fait que les hommes seront peu nombreux à faire valoir ce droit, donc à réclamer la prestation partagée d'éducation de l'enfant.

En jouant la carte de l'égalité et non la réduction pure et simple d'un droit, le Gouvernement espère éviter les résistances.

Mais il s'agit là d'une remise en cause plus que concrète de deux acquis sociaux fondamentaux au nom de la maîtrise de la progression des dépenses de la politique familiale.

Comment ne pas réagir ?

Les journées parlementaires, à travers les différentes thématiques abordées, sont le moment où l'on débat politiquement sur le fond.

Elles doivent également être le moment où l'on s'organise sur la collaboration de nos groupes.

Les mois à venir s'annoncent difficiles, il va falloir permettre l'émergence de solutions alternatives.

Le travail de nos deux groupes a été bon et reconnu ces dernières années.

Avec nos moyens, il va falloir faire encore mieux en développant davantage le travail en commun, sur chaque texte, dans chaque Commission ainsi que dans nos propositions alternatives.

Avec André, nous nous rencontrons tous les mardis matin, cela a été très utile et a permis d'améliorer les mises au point.

Ce contact entre nos deux groupes est nécessaire, il doit permettre d'analyser rapidement la manière dont un débat s'est déroulé dans chaque assemblée.

Les journées parlementaires démontrent que l'on a un potentiel de travail important, il ne faut pas sous-estimer notre force de travail.

Je vous remercie.

Allocution aux journées parlementaires de Martigues
Par Eliane Assassi / 2 octobre 2014

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Directrice de communication de profession, elle est élue sénatrice de la Seine-Saint-Denis le 26 septembre 2004 et siège au groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche (CRC-SPG). En septembre 2012, elle devient présidente du groupe communiste, républicain et citoyen au Sénat.

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