Le 15 août dernier, le téléphone sonne (France Inter) a donné la parole à des promoteurs de pratiques à visées curatives variées : rebouteux, praticien de médecine traditionnelle chinoise, soi-disant spécialiste de la médecine « naturelle » par les plantes. Quant à la Science... les organisateurs ne lui avaient pas prévu de place!
Il est consternant que le service public soit ainsi utilisé pour mettre en avant des pratiques totalement périmées et non validées. La médecine ne peut se fonder que sur des pratiques évaluées, suite à des expérimentations rigoureuses. Face à de tels dévoiements du service public, les scientifiques ne peuvent pas rester silencieux, car la diffusion de discours en totale contradiction avec des connaissances testées et validées est nuisible pour la collectivité.
De l'engagement civique du scientifique...
Le scientifique qui entend dans les médias des arguments qui risquent de conduire la collectivité à des choix erronés, et même dangereux, ainsi qu'une mauvaise utilisation des deniers publics (comme le remboursement par la Sécurité sociale de pratiques non validées par des tests expérimentaux) a un devoir de rectification, fondé sur son expertise, ses travaux quotidiens, sa compétence.
Cependant, si ce scientifique s'avise d'écrire aux responsables de l'émission ayant promu des pratiques obscurantistes, on lui rétorquera que les journalistes sont des ambassadeurs, des représentants du public et qu'ils répondent à une demande. Au mieux, on sera heureux d'organiser une confrontation ultérieure entre partisans des médecines périmées et ceux de la médecine moderne. Malheureusement, ce sera une sorte de jeu du cirque où la raison a bien peu de chances de l'emporter : entre la rigueur et la magie, le plus chatoyant tend à l'emporter, d'autant que l'on sait, depuis au moins Platon, que la capacité rhétorique est, pour ces débats, la clé du succès, bien devant la « vérité ».
S'il écrit au directeur de la chaîne, il prend le risque qu'on crie à la censure !
Enfin, s'il obtient l'écoute d'un autre media, il devra fortement s'investir dans des actions de pédagogie. Or le scientifique qui s'investit dans une telle action prend sur son temps de recherche, pour lequel il est mandaté par l'Etat. Comptable des sommes qui lui sont allouées pour son travail, il a l'obligation de s'interroger sur les moyens les plus efficaces de son action, afin de les mettre en œuvre en priorité.
Cette question est débattue par les cercles scientifiques et rationalistes depuis des décennies, mais est-elle bien posée ? Une émission de radio, un article dans un grand quotidien, c'est bien... mais c'est si peu. Et puis, les irrationalistes en font autant, de sorte que le public se trouve exposé à des messages sans doute plus séduisants que ceux des rigoristes qui s'insurgent contre des malhonnêtes qui existeront toujours, ou contre des fanatiques qui « ont du zèle », selon la formule de Voltaire.
... au devoir d'information des médias
Or ce travail de pédagogie et d'information (et non de seule transmission de données brutes) n'est-il pas celui de l'école et des médias ? Oui, il faut décidément que l'École et les journalistes, à l'instar de ceux de la BBC, se chargent d'expliquer que le monde n'a jamais été aussi bien décrit que par les sciences d'aujourd'hui. Et jamais la médecine n'a été aussi performante. Nos conditions de vie actuelles ayant pu être établies – grâce à l'expérimentation scientifique et la validation rigoureuse de ces résultats - nous disposons, depuis très peu, d'un confort matériel dont nous devons maintenant profiter pour réfléchir à comment dépasser la pensée magique, afin de construire nos collectivités -et leurs choix- sur des bases rationnelles.