Dans une interview de pré-campagne, Nicolas Sarkozy propose de supprimer 300.000 emplois publics par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Il revient ainsi à sa marotte qui lui avait déjà valu un rejet massif dans les rangs de la fonction publique. Or cette politique mérite sans doute d’être rediscutée.
300.000 emplois par le non-remplacement: avantages et inconvénients
Durant son mandat, Nicolas Sarkozy avait déjà procédé par le non-remplacement partiel des départs à la retraite pour diminuer le nombre de fonctionnaires. Cette technique simple pour maîtriser l’emploi public comporte un avantage, mais beaucoup d’inconvénients.
Avantage:
Le non-remplacement des fonctionnaires est la méthode la plus indolore pour imposer une déflation à l’emploi public. Il évite les « plans sociaux » et ne menace aucun fonctionnaire en poste. Socialement, il est donc le mode opératoire le plus acceptable.
Inconvénients:
La formule comporte toutefois plusieurs inconvénients. Le premier d’entre eux reste la modestie des résultats qu’elle apporte. Il a fallu plusieurs années sous Nicolas Sarkozy pour qu’elle permette d’engranger quelques très maigres économies. En fait, ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux permet de stabiliser la masse salariale à moyen terme, mais pas de la réduire.
D’autres inconvénients existent. En particulier, le non-remplacement des fonctionnaires pose des problèmes de productivité dans les services touchés par les départs. Le statut de la fonction publique est utilisé de façon peu flexible par le management, et les arbitrages d’organisation imposés par la technique du non-remplacement dévaste les services les plus « âgés » alors que ceux-ci auraient plutôt besoin de sang neuf pour évoluer. Ce mode opératoire ne permet pas de répartir facilement les efforts de réduction et tend à figer l’organisation de l’Etat.
Cet inconvénient-là fut largement incriminée par les syndicats de fonctionnaires: la suppression d’emplois par le « croît naturel » est une astuce qui évite de s’interroger sur les missions qui relèvent de l’Etat. La maîtrise des dépenses se fait automatiquement et non par une logique volontaire.
300.000 emplois à supprimer?
Une autre technique pourrait consister à utiliser les marges de manoeuvre permises par le statut de la fonction publique pour supprimer des emplois « occupés ». Depuis 2009, toutes les « fonctions publiques » (Etat, collectivités et hôpitaux) peuvent faire l’objet de suppressions d’emplois. Même s’il ne s’agit pas de départs secs, la technique de suppression d’emplois occupés présente un certain nombre d’avantages.
Avantages:
La suppression d’emplois permet de mieux intégrer les contraintes de productivité dans la réorganisation des services publics. Les politiques décident une nouvelle stratégie et adaptent les organigrammes à leur nouvelle vision. Plutôt qu’une attente passive de départ à la retraite, cette méthode permet donc d’être plus volontaire dans les réorganisations.
Inconvénients:
Cette technique présente deux inconvénients très contradictoires. D’un côté, elle ne permet pas de licencier les fonctionnaires. Elle les place en surnombre provisoire le temps que des postes soient vacants ailleurs. D’un autre côté, la suppression des postes occupés (on parlera d’ailleurs plus de suppressions de postes que de suppressions d’emplois) est une méthode vécue comme brutale par les fonctionnaires et suscite une forte grogne syndicale.
300.000 emplois à dégager?
Plus exceptionnellement, l’exécutif peut procéder par des lois de « dégagement des cadres », qui consistent purement et simplement à licencier une partie des fonctionnaires visés par la mesure. Paradoxalement, cette technique fut plutôt utilisée par Jean-Pierre Raffarin sous une forme adoucie appelée « décentralisation »: la méthode consistait à transférer aux collectivités locales des emplois financés jusque-là par l’Etat.
Cette technique pourrait être durcie en allant jusqu’à des licenciements purs et simples. On mesure instinctivement les avantages et les inconvénients de cette logique. D’un côté, les décisions sont plus expéditives, d’un autre côté, elle suscitent forcément des réactions sociales fortes.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog