Réduction des dépenses publiques de 21 milliards : plus d’austérité, pour plus d’inefficacité

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Par Aloïs Navarro Publié le 8 octobre 2014 à 3h36

Michel Sapin a annoncé son plan pour réduire les dépenses publiques en 2015, et l'addition s'annonce salée : 21 milliards d'euros répartis entre la protection sociale (-9,6 Mds), les collectivités locales (-3,7 Mds) et l'Etat (-7,7 Mds).

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Même si ce chiffrage repose sur une hypothétique croissance pour 2015 de 1% (le Haut conseil des finances publiques lui-même la juge optimiste, alors que ce dernier avait prévu 1% en 2014 et qu'on sera vraisemblablement à 0,4 voire moins...), on voit que l'essentiel du coup de rabot porte sur la protection sociale, et ce alors que les prélèvements obligatoires (impôts de toutes natures) devraient stagner.

Il faut tout d'abord rappeler de quoi sont constituées les dépenses publiques.

La majeure partie d'entre-elles (43%) relève des prestations sociales . En effet, le France a fait le choix, après la guerre, d'un mécanisme assurantiel obligatoire à l'échelle nationale pour assurer sa protection sociale (et dont le coût de gestion de 3% est considéré comme faible par la Cour des Comptes ). Il s'agit en réalité de revenus différés , comme tout mécanisme assurantiel (on cotise à l'instant t, puis on reçoit plus tard, sous forme de remboursements de médicaments, de soins, de pensions de retraites...). Leur augmentation depuis les années 60 provient, pour une large part, du vieillissement de la population (80% des dépenses de santé étant engagées durant les deux dernières années de la vie).

Le gouvernement a cependant décidé de geler ces prestations sans geler les impôts et cotisations qui les alimentent ! Ceci est équivalent à un rabotage des salaires. Baisser cette dépense publique revient donc à baisser les salaires différés et le pouvoir d'achat des ménages (ce qui est confirmé par l'INSEE, et frappe surtout les catégories à plus faibles revenus ...).

Par ailleurs, les dépenses publiques « strictes », c'est-à-dire le coût de l'administration, de la sécurité intérieure et extérieure, des dépenses d'intervention diverses, représentaient 32% des dépenses publiques totales et 18,2% du PIB). En ceci, la France reste dans la moyenne de l'OCDE, au même niveau que les Etats-Unis et le Royaume-Uni, mais inférieur à l'Italie, au Pays-Bas, ou à la Belgique (cf figure 1)... Il ne s'agit pas de nier qu'il y a des efforts à faire, mais ils doivent être faits lorsque la conjoncture économique est favorable (en clair, de 1998 à 2007).

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Source : OFCE

Les dépenses devraient donc baisser de 21 milliards d'euros mais par rapport à la tendance ! Elles augmenteront ainsi de 0,2% au lieu de 1,7% l'an prochain. En effet, les dépenses publiques ont une évolution spontanée (qui est liée à l'inflation, à la hausse du nombre de retraités, de chômeurs, en somme de prestataires). Or, si l'on diminue les prestations, mais que le nombre de prestataires augmente, alors on rogne sur le pouvoir d'achat. C'est pourquoi on regarde l'évolution des dépenses publiques par rapport à la tendance (cf graphique ci-dessous) .

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Il ne faudrait pas croire que baisser les dépenses publiques n'aurait aucun impact sur l'activité.

Comme nous l'avons vu, les dépenses publiques sont pour une bonne part du salaire différé pour les cotisants. Il est donc logique qu'en les réduisant cela ait un impact sur l'activité du pays, de même que la baisse des commandes publiques, desquelles beaucoup d'entreprises privées vivent.

Pour mesure l'impact de la hausse des impôts ou de la baisse des dépenses publiques, on a recours au « multiplicateur budgétaire » .
L'OFCE estime celui-ci en moyenne à 1,3 (quand la conjoncture est morose), c'est-à-dire que pour 1 euro de baisse des dépenses publiques en moyenne, cela contracte le PIB de 1,3 euro.

On peut donc calculer un impact négatif sur l'activité en 2015 de l'ordre de 1,2 à 1,3 point de croissance.

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Par ailleurs, ceci ne sera que très partiellement compensé par les baisses d'impôts aux entreprises, qui devraient rapporter 0,6 à 0,7 point de croissance. Or, avec une croissance potentielle (c'est-à-dire celle à laquelle la France peut prétendre au regard de ses facteurs fondamentaux (productivité, démographie...)) il apparaît dangereux de la contracter davantage.

Ainsi, l'ensemble du plan Valls de réduction des charges des entreprises plus que compensées par une baisse des dépenses publiques, contracterait l'activité de 2014 à 2017 d'au moins 1,6% du PIB. Voici donc l'explication de l'absence de réduction du déficit public.
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Il faut rappeler qu'aucun pays n'a réduit durablement ses dépenses publiques en niveau (c'est-à-dire en milliards de $, d'euros etc...), mais seulement le ratio dépenses / PIB, simplement par le fait que le diviseur (PIB) augmentait plus que le numérateur (dépenses) !

Si une nécessaire consolidation budgétaire doit avoir lieu, elle ne doit pas se faire avant le retour de la croissance, ni à son détriment. Or, les politiques d'austérités actuellement menées empêchent son retour, et le cercle vicieux est enclenché

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Aloïs Navarro est étudiant en Master de Droit et d'Economie, passionné par les questions monétaires et notamment l'euro. Il est également trésorier du collectif Marianne.

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