[Best Of] Pourquoi la téléconsultation médicale tarde à se développer en France ?

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Par Guenièvre Antonini Publié le 16 août 2019 à 16h03
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[Best Of] Pourquoi la téléconsultation médicale tarde à se développer en France ? - © Economie Matin
70 000Le nouveau service de téléconsultation en ligne reconnu par la Sécurité sociale met à la disposition des 70 000 professionnels de santé abonnés à Doctolib un système de vidéo

Cet article initialement publié le 6 mai 2019 vous est proposé en « Best-of » pendant l’été 2019. Lors de sa première publication il a été consulté par 5619 lecteurs.

Le 13 janvier dernier, le leader de la prise de rendez-vous médicaux en ligne, Doctolib, a annoncé le déploiement d’un outil de téléconsultation en ligne reconnu par la Sécurité sociale. Ce nouveau service met à la disposition des 70 000 professionnels de santé abonnés à Doctolib, un système de vidéo sécurisé pour dialoguer avec leurs patients connectés sur leur smartphone.

Une solution prometteuse

La télémédecine est présentée comme une solution prometteuse pour réduire les disparités territoriales (déserts médicaux) et favoriser l’égalité d’accès aux soins. Alors que depuis plus de vingt ans, plusieurs pays anglo-saxons et scandinaves ont largement développé cette pratique, en France les réticences de la part des professionnels de santé et des patients demeurent importantes.

Bien que depuis plusieurs années, les expérimentations technologiques se multiplient pour vérifier l’amélioration du système de soins par les nouveaux usages à distance - en Lorraine notamment pour les maladies chroniques et soins spécialisés - la téléconsultation peine à se généraliser. Un récent sondage1 mené par la Société française de télémédecine, un laboratoire universitaire et une plateforme santé, a montré que 74 % des 8000 personnes interrogées affirmaient ne pas être informés sur la téléconsultation.

Les apports des nouvelles technologies (imagerie numérique, robotisation, miniaturisation) dans le secteur médical sont indéniables, tout comme le fait que la téléconsultation favorise l’augmentation du nombre de consultations et l’accès aux soins par le gain de temps et la suppression des déplacements. Cependant, de toutes les technologies appliquées à la médecine, la téléconsultation est certainement celle qui modifie le plus, non seulement l’exercice de la médecine, mais également la relation au patient.

Fragilisation de la relation médecin-patient

L’une des explications au retard français pourrait-être que la téléconsultation n’est pas seulement une pratique à distance de la médecine. Elle sous-entend un changement majeur dans la relation médecin-patient. Souvent, ne sont évoqués que les risques de sécurisation des données personnelles ou les incompatibilités des systèmes d’information, mais reste sous-estimée la transformation de l’exercice de la médecine que cela engendre.

Il est certes difficile de percevoir dans quelle mesure cette nouvelle pratique modifie la relation entre le médecin et son patient. Une visite médicale ne se limite pas à l’auscultation physique du patient. Avec la téléconsultation, à la perte de l’examen clinique physique du patient s’ajoute la perte des informations non verbales. En face-à-face, l’écoute médicale débute dès la porte du cabinet franchie, la gestuelle, le comportement, les digressions autour du temps qu’il fait et du temps qui passe, participent à l’analyse des perceptions du médecin pour établir son diagnostic.

L’une des craintes associées à ce type de consultation est celle d’une forme de déshumanisation. La téléconsultation est un phénomène qui risque d’accentuer les difficultés pour le patient et son médecin d’instaurer une relation de confiance fondée sur l’écoute et la parole. Le risque ultime serait de restreindre le corps humain à une machine physique en sans tenir compte de la complexité psychologique.

A l’inverse, cette pratique peut être perçue comme une vidéo-conférence dans le prolongement d’une pratique existante. Depuis longtemps, les médecins s’affranchissent des distances en utilisant le téléphone pour maintenir un suivi de consultation avec leurs patients réguliers, comme le fameux « Allô docteur c’est la Noiraude » de notre enfance.

La visite médicale comme service client

Dans notre société où les usages consommateurs tendent à effacer la relation personnelle avec le professionnel, comment ne pas faire le parallèle avec les nouvelles formes d’accès aux soins ?

L’allongement des délais pour obtenir un rendez-vous de consultation chez certains spécialistes a favorisé le développement de nouveaux modèles où le patient n’est pas reçu par le spécialiste de son choix. Certains centres médicaux, comme Point Vision pour l’ophtalmologie permettent d’obtenir un rendez-vous très rapidement (dans les 3 jours au lieu des 80 en moyenne pouvant atteindre 156 jours en Bretagne2) au détriment du choix personnalisé du spécialiste par le patient.

On s’éloigne inexorablement du « colloque singulier » tel que le décrivait Georges Duhamel en 1937, la rencontre d'une confiance (du patient) et d'une conscience (du médecin). Le Conseil national de l’Ordre des médecins est particulièrement vigilant sur ce sujet en veillant à l’inscription de la télémédecine dans un parcours de soin, imposant au moins une première rencontre physique avant l’utilisation de la téléconsultation.

L’essor des usages client au travers des applications sur smartphone tendent à remplacer la relation personnelle que l’on pouvait entretenir avec son banquier, ses commerçants ou de nombreux autres professionnels.

Au nom d’un accès aux soins de qualité pour tous, la télémédecine ne doit pas délaisser la dimension humaine et sociale des sciences de la médecine. Gérer l’accès au médecin comme à tout autre professionnel reviendrait à tomber dans le piège de restreindre le soin à un service marchand.

Un véritable accompagnement au changement doit être mené par l’Ordre des médecins et les organismes d’assurance maladie pour que les médecins et les patients s’approprient cette nouvelle forme de pratique de la médecine. Sans que cet accompagnement ne se traduise par le fait d’imposer des manières d’exercer ni un modèle unique de relation médecin-patient. La première des réticences à combattre, tant du côté des patients que des médecins, tient probablement à l’inquiétude de se retrouver face à un écran, renforçant le sentiment de déshumanisation.

1 https://www.carteblanchepartenaires.fr/sites/default/files/img-contenus/enquete_les_francais_et_la_telemedecine.pdf

2 Etude du ministère de la Santé https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/la- moitie-des-rendez-vous-sont-obtenus-en-2-jours-chez-le-generaliste-en-52-11887

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Après une thèse à l’EHESS et plusieurs années passées dans l’enseignement et l’animation de colloques, je travaille depuis 8 ans sur des projets de transformation digitale, d’amélioration des processus, de gestion des connaissances et de ressources humaines. Ma formation en Sciences Sociales et mes différentes expériences professionnelles (bureau d’études, musées) m’ont permis de développer de fortes capacités d’adaptation à des environnements professionnels diversifiés et exigeants. Mon expérience dans l’enseignement universitaire a renforcé mes qualités pédagogiques et didactiques, essentielles pour accompagner le changement. Au sein du cabinet de conseil, je suis Leader du Stream Publication qui supervise et accompagne les consultants du cabinet pour publier des articles dans la presse.

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