La prestation de Nicolas Sarkozy à Lambersart, près de Lille, a été de grande qualité. Candidat à la présidence de l'UMP, il s'est proposé pour la guider sur un terrain conduisant à la conquête du pouvoir et, ensuite, cela se lisait clairement entre les lignes d'un discours soigneusement rédigé, pour exercer lui-même la fonction la plus haute dans l'exercice de ce pouvoir. Il a défini non pas un programme, un ensemble de mesures, mais un état d'esprit, une orientation ; les quelques dispositions concrètes qu'il a citées venaient illustrer cette ligne directrice sans prétention à l'exhaustivité.
Sa philosophie de l'action gouvernementale et législative dans un monde largement ouvert à la concurrence est réaliste tout en comportant une dose importante d'idéal. La concurrence fait rage, le déficit sévit : il faut travailler plus, cesser de distribuer ce qui n'a pas été produit, nous n'aurons que la place que nous aurons méritée par nos efforts.
Adieu donc les romances égalitaristes, non seulement elles nous mènent au désastre économique, mais elles font fi de la richesse que constituent les différences.
Ne pas s'incliner devant la pensée unique, le conformisme social ou écologique, mais innover hardiment, en acceptant de prendre des risques.
Ne pas davantage donner une place excessive à des organisations syndicales peu représentatives, mais miser sur la famille, dont chacun a besoin.
Et ne pas se laisser dicter une immigration dominatrice : il faut être accueillant, mais non pas soumis.
Pour illustrer ces lignes directrices, Nicolas Sarkozy a utilisé un certain nombre d'exemples, qui ne constituent pas un programme de gouvernement, mais une explicitation des lignes directrices qu'il propose à la France à travers l'UMP.
Par exemple, embaucher des serviteurs de l'État hors du statut de la fonction publique ; demander aux bénéficiaires du RSA un travail d'utilité collective ; ne pas se priver de l'atout gaz de schiste ; renégocier les accords de Schengen de façon à mieux contrôler nos frontières ; ne pas créer de nouvelles prestations sociales non financées ; réduire les congés excessifs. Il s'agit en somme de bien gérer et de montrer clairement que les efforts doivent être récompensés.
Ces lignes directrices sont saines, et le candidat se propose de les faire passer dans les faits en recourant au référendum et en s'appuyant sur des parlementaires moins nombreux pour être plus efficaces.
Mais cela suffira-t-il pour juguler l'inflation législative et réglementaire dont souffre notre pays, le charivari incessant des normes et des dispositions ?
Cela suffira-t-il pour engager les réformes de fond dont la France a le plus grand besoin ? L'exemplarité, selon Nicolas Sarkozy, des réformes des retraites effectuées durant le quinquennat 2002 – 2007, ne peut que plonger dans la perplexité un spécialiste de cette institution qui redistribue 13 % de notre PIB : en effet, la réforme des régimes spéciaux (cheminots, RATP, électriciens-gaziers) a été notoirement un simulacre, qui a coûté au moins autant que ce qu'elle a rapporté ; et la loi retraite de 2010 s'est bornée à des ajustements paramétriques au lieu de s'attaquer à la structure d'un système devenu ingérable. Si ces faux-semblants et cette occasion manquée révèlent ce que sera en fait le contenu concret des orientations séduisantes proposées à Lambersart, alors nous voilà partis pour un nouveau round de gouvernance "bling-bling", pour des actes qui ne correspondent pas aux paroles dont on les habille.
Pour convaincre qu'il est devenu capable non seulement de bien parler, ce dont il a donné la preuve aujourd'hui, mais surtout de bien gouverner et de bien réformer, il faudra que Nicolas Sarkozy nous montre la prochaine fois qu'il a su vaincre sa fâcheuse tendance à travailler dans l'improvisation et l'amateurisme. Il a la philosophie, mais quid de la capacité d'action systémique qui lui a fait cruellement défaut quand il était au pouvoir ?
Article initialement publié sur Magistro et reproduit ici avec l'aimable autorisation de son auteur.