Dumping social : Donald Trump a raison

Par Bertrand de Kermel Publié le 22 juin 2018 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
500 milliards $Les exportations chinoises vers les Etats-Unis sont de 500 milliards de dollars.

Les exportations chinoises vers les États-Unis sont de 500 milliards de dollars. Les Chinois achètent environ quatre fois moins de produits américains. Le déséquilibre est patent.

D’où ce tweet « Le président Donald Trump s'attaque à la politique commerciale non-équitable de la Chine », écrit la Maison Blanche. « Nous attendons des relations commerciales qu'elles soient justes et réciproques », déclare t-elle. Comment avons-nous pu construire un cadre aussi déséquilibré de la mondialisation, qui, à l’expérience, s’est révélée être aussi une passoire fiscale, dont les conséquences sont catastrophiques pour les peuples ? Une des explications remonte aux années 90 – 2000. Ce fut le refus général d’écouter Maurice Allais (polytechnicien, physicien et Prix Nobel d’économie), qui tirait la sonnette d’alarme sur la mondialisation qui se construisait. A l’époque, nous passions du GATT (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, créé au sortir de la 2ème guerre mondiale) à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce, créée en 1994).

?Il a décrit tout ce qui se passe sous nos yeux, et en explique les raisons dans sa « lettre aux Français » de décembre 2009. Les paragraphes surlignés sont saisissants. En substance, Maurice Allais proposait d’organiser la mondialisation entre ensembles régionaux de niveau de vie et de niveaux de revenus comparables, pour élargir ensuite ce cadre, au fur et à mesure des progrès. Pour lui, le chômage structurel que nous voyons sous nos yeux est essentiellement dû à la libéralisation inconsidérée du commerce à l’échelle mondiale sans se préoccuper des niveaux de vie.

Sur les pays en développement, il soulignait que ces « pays avaient intérêt à s’unir avec leurs voisins dotés de niveaux de vie semblables, pour développer à leur tour un marché interne suffisamment vaste pour soutenir leur production, mais suffisamment équilibré aussi pour que la concurrence interne ne repose pas uniquement sur le maintien de salaires bas ». Il rappelait aussi que la mondialisation ne pouvait pas fonctionner sans un minimum de réciprocité dans les échanges, et insistait sur le fait que la « concurrence n’était pas viable avec des pays dont les coûts de fabrication étaient cinq ou dix fois moindres ». Que peut-on faire maintenant ?

Premier point : Donald Trump a décidé de déclencher la guerre commerciale via le protectionnisme. Sachant que c’est le protectionnisme mis en place après la crise de 1929 qui a entraîné le deuxième guerre mondiale, nous nous dirigeons peut-être vers une « vraie » guerre. Il n’est plus temps de tergiverser, d’autant que les ventes d’armes battent leur plein sur la planète.

Deuxième point : on ne peut plus appliquer les thèses de Maurice Allais. Il est trop tard. Il faut donc faire preuve d’imagination pour corriger ce qui doit l’être. La France est l’un des rares pays avoir élaboré un plan d’action sur la mondialisation commerciale en 2016, puis un deuxième en 2017. Les deux se complètent.

Le Président français ne pourrait-il imposer de toute urgence un débat public entre les chefs d’Etats européens sur la politique commerciale de l’UE ? Si la France ne prend pas d’initiative, personne n’en prendra. La France est en avance dans la réflexion. L’idée est de recenser toutes les critiques sur la mondialisation (y compris les critiques américaines) et d’imaginer les remèdes pour répondre aux anomalies les plus criantes. Quelques pistes, en espérant que les 28 pays proposeront de nombreuses solutions.

Pour limiter les dumpings sociaux et fiscaux (et donc les déséquilibres des échanges), on peut imaginer de rendre contraignants le respect des droits humains et des accords internationaux sur l’environnement, dans tous les accords de libre-échange et via une certification de ce respect sur les emballages des produits (label par exemple). Les États devront bien sûr investir fortement pour médiatiser cette idée, de façon à ce que le consommateur privilégie toujours ces produits sous labels. Cela implique aussi de leur donner un avantage économique. Si cela peut éviter la guerre, il ne faut pas le refuser au nom motifs fumeux et doctrinaires, qui ont perdu toute crédibilité.

Il faut aussi repenser fondamentalement tous les mandats qui seront signés à l’avenir au profit de la Commission européenne pour garantir des accords parfaitement équilibrés. Il faut dénoncer les mandats anciens et les réécrire. Il faut négocier des avenants au accords existants. Il y a le feu. C’est aujourd’hui un problème de pompiers, car les architectes ont échoué. Il faut introduire des clauses fiscales très fermes dans tous les accords de libre-échange, existants et futurs. (Après avoir mis un terme d’ici fin 2018 à la concurrence scandaleuse et suicidaire que se mènent les Etats européens entre eux au sein de l’UE.) Les peuples sont atterrés par ces pratiques.

Il faut également réouvrir le dossier de la TVA sociale, sans tabous, pour faire financer notre protection sociale à la fois par les produits fabriqués en France (c’est le cas aujourd’hui) et par les produits importés (ce n’est pas le cas aujourd’hui). Nous y gagnerons beaucoup en compétitivité. Si tous les produits chinois financent notre sécu, ça ira beaucoup mieux.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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