Alimentation & Tendance représente les petits commerces alimentaires et l'alimentation boulangère, un secteur clé en France dans le maintien du pouvoir d'achat et sur la question vitale de l'emploi avec les 250 000 salariés. C'est au Conseil Economique Social et Environnemental, que Sophie Duprez, présidente et fondatrice, avait décidé de présenter le livre blanc « L'Alimentaire : un levier pour le pouvoir d'achat et la compétitivité ». Voici les meilleurs passages de ce petit livret qui offre une vision quasi-exhaustives (si tant est que ce soit possible) des taxes alimentaires, différents taux de tva et réglementations absurdes auxquelles sont soumis les petits commerçants.
« Pouvoir d'achat en berne, taux de défaillance record des PME : que l'on se place du côté des ménages ou des entreprises, la situation française est critique. Qui blâmer ? La crise ? L'Europe ? Nos hommes politiques ne s'en privent pas. Mais regardons autour de nous : la confiance dans l'économie reprend chez la plupart de nos partenaires dans l'UE, que ce soit au Royaume-Uni, en Allemagne, ou même en Italie. Partout, on assouplit les règles, on allège les charges sur les entreprises, on réduit les impôts, sauf chez nous. Partout, la crise est en train de passer, sauf chez nous.
Ce n'est pas faute de promesses. En mars 2013, le Président François Hollande annonçait le «choc de simplification ». Cet ensemble de mesures visait à réduire les charges et les lourdeurs administratives afin que les chefs d'entreprises, et notamment les dirigeants de TPE, puissent de nouveau « penser à leurs métiers plutôt qu'à leurs papiers ». 15 mois plus tard, force est de reconnaître que dans le secteur de la petite restauration, l'annonce est restée lettre morte. Au contraire, la complexité ne fait qu'augmenter. Prenons l'exemple de la TVA, dont les taux se multiplient selon une logique illisible pour tous hormis peut-être les pontes de Bercy. Mais ce n'est que la cerise sur le gâteau : comme nous le verrons, l'indigeste mille-feuille réglementaire et fiscal pèse toujours sur les professionnels de l'alimentaire, en particulier pour les petits commerçants qui n'ont évidemment pas les moyens de s'entourer d'une armée de juristes et d'avocats fiscalistes pour y faire face.
Le résultat, ce sont des millions d'heures de travail perdues dans les méandres administratifs, des millions d'euros engloutis en équipement et travaux de mise aux normes. Autant de ressources que les professionnels de la petite restauration voudraient et devraient dédier à bien faire leur métier. In fine, c'est le consommateur qui est lésé car ces coûts sont répercutés sur les prix à la consommation.
Or, malgré ce constat, il se trouve de bons esprits de tous bords politiques, au premier rang desquels les sénateurs Yves Daudigny (PS) et la sénatrice Catherine Deroche (UMP) .
Pour poursuivre le harcèlement fiscal au nom de la « fiscalité comportementale ». Dans un rapport remis au Sénat le 26 février 2014, non sans prétention moralisatrice, les deux sénateurs déclarent leur souhait de voir se généraliser ce principe pour mieux contrôler les habitudes des français, en appliquant une nouvelle taxe dite « contribution de santé publique » sur des produits alimentaires jugés trop gras ou trop sucrés. Pour rappel, la fiscalité comportementale comprend déjà 11 prélèvements dont le poids total est de 15,3 milliards d'euros en 2014. Messieurs les parlementaires : où cette saignée s'arrêtera-t-elle ? Les Français ne sont pas des vaches à lait ! Nous vous demandons de vous opposer à toute nouvelle taxation comportementale a minima sur les produits alimentaires plébiscités par nos concitoyens.
L'objectif de ce livre blanc est de déclencher une prise de conscience chez l'ensemble des décideurs publics et privés concernés par les enjeux du pouvoir d'achat et de la compétitivité des entreprises du secteur de la petite restauration. Entendez-nous : la pression fiscale et réglementaire est devenue contre-productive, pour ne pas dire intolérable. Ce livre blanc exprime une souffrance, celle de l'ensemble d'un secteur cher aux français, face à l'implacabilité technocratique de nos législateurs et fiscalistes, qu'ils se trouvent dans les bureaux de Bercy, les bancs du Sénat ou les hautes sphères de l'Union Européenne. Nous nous inquiétons pour la viabilité à long terme des petits restaurateurs indépendants qui, entre une concurrence accrue, une hausse des charges et une évolution des modes de consommation, parviennent difficilement à maintenir une rentabilité suffisante pour asseoir leur pérennité.
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Pas 1, pas 2... mais 5 taux !
Outre l'inquiétude face à des décideurs politiques qui augmentent la TVA de façon imprévisible, les professionnels de la petite restauration et de l'alimentation boulangère doivent composer avec l'extrême complexité des règles d'application des différents taux de TVA, qui relève du casse-tête et rend leur travail au quotidien tout simplement insupportable.
Pour rappel, les taux en vigueur sont les suivants :
• 5,5% pour les produits à emporter ou à consommer chez soi, selon leur emballage, leur lieu d'achat ou leur température
• 10% pour les produits consommés sur place ou considérés comme « à consommation immédiate » selon leur lieu d'achat leur emballage ou leur température
• 20% sur l'alcool, la confiserie et chocolaterie,
• 2,1% sur la presse nationale,
• 0% sur la presse locale.
Dès lors, prenons une situation quotidienne pour bon nombre d'enseignes de la petite restauration. Un client qui entre dans le commerce et achète une part de quiche chaude pour le déjeuner, un pain au chocolat pour le goûter, des bonbons pour ses enfants, les journaux l'Equipe et L'Est Républicain se retrouve avec un ticket de caisse incompréhensible listant pas moins de 5 taux de TVA différents ! Dans le cas où le commerçant ne serait pas équipé pour ventiler les différents taux, c'est le taux le plus élevé qui s'applique, soit, malheureusement pour le porte-monnaie de notre client suscité, 20%. Outre la perte de pouvoir d'achat, ce système de taux par type de produit est un véritable casse-tête pour les commerçants qui doivent passer en revue chaque référence et y appliquer le bon taux de TVA. Dans certains cas, c'est rigoureusement impossible.
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Déchets
Selon l'article R. 543-225 du Code de l'Environnement, depuis le 1er janvier 2012, les « gros producteurs »de biodéchets ont l'obligation de trier et de mettre en place un système de valorisation de ces déchets. Pour rappel, les biodéchets sont une notion assez large qui comprend les déchets non dangereux alimentaires ou de cuisine issus notamment des restaurants, traiteurs et commerces de détail. La notion de « gros producteur » est, elle, à géométrie variable, puisque d'année en année le palier de production de déchet pour entrer dans cette catégorie se réduit. Ainsi, de 120 tonnes de déchets produits par an en 2012, le seuil est passé en 2014 à 40 tonnes, et se réduira jusqu'à 10 tonnes par an en 2016, ce qui correspond à environ 180 repas servis par jour. Ainsi, tous les restaurants entrant dans cette catégorie seront dans l'obligation de mettre en place des systèmes de valorisation, le plus souvent à l'aide d'un prestataire extérieur. De plus, la loi précise que le producteur de déchet est responsable du suivi de ses déchets jusqu'à leur traitement, mise en décharge ou élimination, ce qui dans les faits nécessiterait l'embauche d'un contrôleur de gestion, et donc une charge supplémentaire très importante en pure perte pour les restaurateurs. Le risque légal est là encore écrasant : tout manquement au tri à la source expose le restaurateur à une amende de 75 000€.
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Redonner le libre-choix au consommateur
Le tour de passe-passe sémantique d'Yves Daudigny consistant à renommer la fiscalité comportementale en « contribution de santé publique » ne doit pas masquer la réalité de cet ensemble de taxes pénalisantes pour les consommateurs, salariés et commerçants français. Dans le contexte de morosité qui frappe la France, la pénalisation du plaisir n'est certainement pas la marche à suivre pour redonner confiance aux citoyens dans l'avenir. Le problème du surpoids fait l'objet d'une prise de conscience croissante aussi bien chez les consommateurs que chez les restaurateurs, qui s'efforcent de plus en plus de proposer des produits estampillés biologiques et sains pour répondre à cette nouvelle demande.Pour toutes les raisons exposées le long de ce livre blanc, nous affirmons que toute tentative de réguler les comportements des consommateurs sera contreproductive, le bien-être et le bien-manger se trouvant déjà au cœur des préoccupations des consommateurs. Nous exhortons donc les députés et sénateurs à s'opposer aux sénateurs Daudigny et Deroche dans leurs tentatives d'instaurer de nouvelles taxes comportementales sur les sodas, produits à base d'huile de palme, ou autres produits alimentaires, sous quelque forme que ce soit.
Exxtraites du Livre Blanc d'Alimentation & Tendance à télécharger d'urgence