La Commission Européenne a publié, fin 2016, les deux enquêtes Apple et FIAT, dans lesquelles elle conclut que l’Irlande et le Luxembourg ont octroyé des aides d’Etat illégales à ces deux groupes. La Commission considère que les traitements fiscaux « privilégiés » accordés à ces deux multinationales doivent être récupérés par les Etats membres trop généreux.
Pour être regardé comme une aide d’Etat illégale l’accord fiscal doit notamment présenter un caractère « sélectif »
Pour Apple, deux rulings (1991 et 2007) permettaient au groupe américain de ne taxer qu’une partie de ses profits au taux d’impôt sur les sociétés Irlandais, lui-même très faible.
Pour être considérée comme une aide d’Etat « illégale », le ruling litigieux doit notamment être sélectif (i.e. traitement privilégié réservé à certains). La Commission a conclu positivement, considérant que les rulings litigieux étaient la résultante d’une négociation plutôt que d’un calcul objectif issu des pratiques de pleine concurrence.
Les intéressés sont évidemment d’un tout autre avis, considérant, selon l’Irlande, que les accords ne présentaient aucun caractère sélectif car fondés sur la législation irlandaise et, selon Apple, que la base taxable négociée avec les autorités Irlandaises était proportionnée compte tenu de l’absence de création de valeur locale.
Une procédure d’enquête de la Commission qui a duré presque 3 ans
Même si Apple critique notamment le fait que certaines pièces et arguments de défense communiqués (expertises, etc.) n’ont pas été pris en compte, il est intéressant de constater que le groupe a pu activement participer et faire valoir ses arguments aux côtés de l’Irlande tout au long de la procédure d’enquête.
Or, en matière d’Aide d’Etat, durant la phase d’enquête, il n’est pas rare que l’entreprise bénéficiaire de l’aide ne soit pas directement impliquée dans la défense de son propre dossier face à la Commission Européenne. Seul l’Etat incriminé intervient directement dans les échanges. Il est d’ailleurs le seul destinataire de la décision de la Commission.
Critiquable, cette absence de débat contradictoire a toutefois été validée par l’Ombudsman européen le 23 septembre 2016 au regard de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
L’aide à récupérer peut couvrir une période de 10 ans, bien plus longue que les prescriptions fiscales
Une fois l’aide reconnue illégale, l’État membre est sommé de récupérer les avantages ainsi octroyés. Il doit rapidement indiquer à la Commission les démarches et moyens mis en œuvre pour récupérer cette aide. A défaut, la Commission peut engager une procédure de recours en manquement auprès de la Cour européenne de justice (CJUE) et il est fréquent que la Commission mette à exécution ses menaces.
L’appel de la décision de la Commission devant le Tribunal de l’Union Européenne, et ultérieurement devant la CJUE, ne permet pas de suspendre la procédure de récupération de l’aide illégale.
Sur la nature des sommes à récupérer, certains y verront une amende, d’autres le reversement d’un impôt avec l’espoir de bénéficier des conventions fiscales ou de crédit d’impôts imputables dans d’autres pays (aux USA par exemple).
Or, en droit de la concurrence, il ne s’agit, strictement, ni d’une amende, ni d’un impôt, ce qui ne manquera pas de poser des difficultés lors du paiement desdits sommes par les entreprises condamnées.
Sur le montant de l’aide à récupérer, la Commission indique généralement un montant ou une méthode de calcul tout en laissant à l’Etat incriminé le soin de rectifier les sommes à reverser par l’entreprise favorisée illégalement. Il s’agit avant tout de rectifier la situation du contribuable trop généreusement aidé.
En matière d’aide illégale, c’est à l’Etat « père Noël » de récupérer ses propres offrandes…
Indépendamment des actions en cours qui jugeront in fine si les avantages fiscaux octroyés aux différents groupes constituent ou non des aides illégales, force est de constater qu’en octroyant un ruling trop avantageux, l’Etat aura bénéficié d’une forme "d’attractivité" auprès d’un groupe qui n’aurait pas spontanément localisé son activité dans ce pays. Si d’aventure ce présent était déclaré illégal, l’État trop généreux se trouve dans l’obligation de récupérer sa propre largesse.
Les contribuables maintenant avertis devront donc veiller à vérifier que les "cadeaux de bienvenue" de certains états membres ne se révèleront pas être des cadeaux empoisonnés.