Plafond de verre, sous-représentativité des femmes dans la vie politique, dans les médias ou dans les entreprises, inégalités salariales, orientation scolaire, répartition des tâches ménagères…
En France, la question de la parité entre les hommes et les femmes est depuis des années un des sujets les plus abordés. Entre déni et prise de conscience, le sujet est au cœur des débats et agite la société dans son ensemble.
Concernant plus particulièrement la parité dans les instances dirigeantes des entreprises, il y a loin de la coupe aux lèvres. Au-delà de l’évidente poursuite de justice sociale pour un corps représentant plus de la moitié des Français, la recherche de la parité est également dans l’intérêt des entreprises et cela a été démontré.
Loi Copé-Zimmermann : des résultats positifs en trompe l’œil
Selon le rapport publié récemment par le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes (HCEFH), la France progresse avec 41% de femmes dans les conseils d’administration des entreprises du SBF 120. L’obligation posée par la loi Copé-Zimmermann qui fixe à 40% la présence de femmes dans ces sociétés semble réaliste. Ce faisant, le renouvellement opéré dans ces sociétés si structurantes pour notre pays représente une véritable cure de jouvence dans une économie qui subit les coups de boutoir de la révolution numérique. C’est aussi une façon limpide de répondre aux critiques récurrentes sur la « consanguinité » et la politique « des copains » dans la composition et les nominations des conseils d’administrations des grands groupes. Sans même évoquer la notion de justice rattachée à la notion de parité et par pragmatisme pur, il est bien évident que renouveler son conseil, ouvrir la fenêtre vers de nouvelles idées, loin des codes et des renvois d’ascenseurs stériles, est salvateur.
Pour s’en convaincre, il est peut-être utile ici de rappeler que différentes études récentes (rapport McKinsey & Company, étude de l'Organisation internationale du travail publiée le 11 janvier 2016, étude de la banque helvétique Credit Suisse de septembre 2015…) démontrent toutes, chiffres à l’appui, que les entreprises dirigées par des femmes ou dans lesquelles elles sont significativement représentées dans les conseils d’administration, obtiennent en moyenne de meilleurs résultats financiers.
Nous sommes loin des arguments attribuant des qualités spécifiques aux femmes (management consensuel, écoute…), dans ces études le critère est la stricte performance économique. Certes, l’évolution du pourcentage de femmes dans les conseils d’administration du SBF 120 est significative, mais force est de constater que nous partions de loin (8% de femmes en 2006) et le chemin à parcourir encore important. Surtout, il faut dépasser l’horizon des sociétés du SBF 120 pour se faire une véritable idée de la réalité. Ainsi, le pourcentage de femmes dans les ETI n’est que de 18% contre un objectif à mi-parcours (2014) de 20%. Ces entreprises cotées - ou qui affichent plus de 500 salariés depuis plus de 3 ans avec 50 millions d’euros de CA – sont également concernées par la loi. Pourtant, elles semblent moins concernées, avec des priorités plus opérationnelles diront certains.
Plus inquiétant encore, alors que la loi a été étendue en 2012 aux entreprises publiques nationales, aux établissements publics industriels et commerciaux et aux établissements publics mixtes de l’Etat dont le personnel est soumis à des règles de droit privé, il n’a semble-t-il pas encore été possible d’en mesurer les premiers résultats… L’éternelle histoire du cordonnier.
SBF 120 : l’arbre qui cache la forêt
Il est donc certain qu’il ne faudrait pas, sous prétexte de progrès dans les sociétés les plus visibles, se reposer sur ces maigres lauriers et déposer les armes. La poursuite de la parité ne peut être le seul apanage des grandes entreprises et au-delà, des seules sociétés visées par la loi. La parité doit aussi devenir une priorité dans les entreprises de plus petites tailles, celles de 100, 200, 300 ou 400 salariés qui forment le tissu économique français profond. C’est peut-être précisément dans ces organisations qui n’ont pas les moyens des grands groupes que la poursuite de l’objectif parité est la plus intéressante. Certes pour répondre à une obligation morale mais surtout parce que les entrepreneurs des PME françaises sont moins entourés que les autres, attirent plus difficilement les talents et en un mot sont beaucoup plus seuls.
Miser sur la parité pour renouveler les conseils
Conseil d’administration, conseil de surveillance ou simple comité stratégique, quelle que soit la taille de l’entreprise et l’instance dirigeante, la nécessité pour les dirigeants de bien s’entourer, d’avoir des points de vue différents, des opinions qui bousculent, des laboratoires d’idées plus représentatifs de l’ensemble de la société est indispensable dans un univers économique en mutation rapide. Au-delà d’obligations contraignantes et des diverses chartes de bonnes conduites, c’est une conviction profonde qui doit animer les entrepreneurs et les dirigeants : plus que jamais, les « têtes » des entreprises doivent se féminiser, plus qu’une question d’égalité, c’est une nécessité économique et c’est enfin un bel objectif républicain.