La réforme territoriale bouleverse le paysage de l’eau en France

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Par Michel Delapierre Modifié le 26 janvier 2017 à 10h29
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@shutter - © Economie Matin

La nouvelle loi sur la réforme territoriale, appelée loi NOTRe, va transformer le paysage de la gestion de l’eau et de l’assainissement en France.

En effet, depuis le 1er janvier 2017, la gestion de ces services qui relevait jusqu’à présent de la commune, est désormais transférée à l’échelon intercommunal. Tous les transferts de compétences devront être effectifs au plus tard le 1er janvier 2020. Les services d’eau communaux et les syndicats d’eau existants seront supprimés s’ils desservent moins de 15000 habitants et ne recouvrent pas au moins trois Établissements public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP).

Plus que 3000 entités d'ici 2020

Concrètement, nous allons passer en France de 34 000 services ou syndicats d’eau et d’assainissement aujourd’hui, à environ 3000 d’ici 2020. Un changement qui va principalement impacter les collectivités qui géraient leur eau via des régies publiques car le transfert de compétences n’entraînent pas la résiliation des contrats privés de délégation de service public (DSP) déjà en place.

Cette situation rend donc les partisans de la gestion publique des services d’eau et d’assainissement très nerveux. Dans le débat qui les oppose aux grands groupes privés du secteur (Veolia, Suez, Saur), ils estiment que ces derniers vont utiliser la loi NOTRe pour freiner les volontés de retour en régie. Les grands groupes de l’eau vont en effet pouvoir concentrer leur force de frappe commerciale sur un nombre réduit de décideurs. Pour les défenseurs du modèle public, les risques sont nombreux et variés.

Un délai de réforme très court

Ils ont notamment pu constater que dans certaines collectivités, les groupes privés ont cherché à sécuriser leurs positions en poussant au renouvellement de certains contrats avant les dates butoirs imposées par la loi NOTRe. Celle ci ne permettant pas de toucher aux contrats de droit privé, la situation est dès lors figée dans la durée. Ainsi dans l’Essonne, la Coordination de l’Eau Ile de France attaque devant le tribunal administratif de Versailles une décision prolongeant de 20 ans deux contrats de DSP, prise au profit du groupe Suez par la Communauté d’Agglomération des Portes de l’Essonne (CALPE) quelques jours seulement avant sa dissolution fin 2015.

La loi NOTRe va par ailleurs regrouper des collectivités qui étaient en régie et d’autres qui étaient déjà en DSP. Le risque est de voir la nouvelle EPCI choisir la DSP par facilité, en raison d’un manque d’expertise ou d’ingénierie publique pour opérer le transfert de compétences dans les temps.

Alors que la loi NOTRe pourrait être l’occasion de réaliser des audits sur les DSP arrivant à échéance, les partisans de la gestion publique estiment que les discussions risquent de se focaliser sur les contraintes techniques, la continuité des services, les garanties de qualité ou l’harmonisation tarifaire au détriment de la question sur le mode de gestion public-privé.

Les usagers toujours plus éloignés des centres de décision

La loi NOTRe risque enfin d’éloigner encore plus les citoyens des centres de décisions. Alors que les négociations sur les renouvellements de contrats se menaient à l’échelon communal, elles se feront désormais à un échelon administratif beaucoup plus large, sur lequel les citoyens auront peu de visibilité. Les risques de connivences, de manques de transparence dans les procédures de sélection seront donc plus élevés. Il est plus simple de demander des comptes à un maire qu’au président d’une EPCI-FP.

Les situations locales sont complexes et le secteur marqué par une très forte inertie. Le poids de l’histoire pèse lourd car les contrats sont longs et les habitudes difficiles à changer. En cela, les inquiétudes des tenants de la gestion publique de l'eau sont fondées. La loi NOTRe transfère des compétences mais ne semble pas en mesure d'inverser le rapport de force actuel favorable aux grands opérateurs privés.

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