Enquête : rien ne va plus pour la Deutsche Bank !

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Par Charles Sannat Modifié le 29 novembre 2022 à 10h11

Alors que nous parlions en fin de semaine dernière de la fragilité de la banque HSBC, qui est vraiment l’une des plus grosses banques au monde, c’est un autre mastodonte qui semble lui aussi vaciller et cela se passe du côté de l’Allemagne.

Cela fait longtemps que tout le monde sait que l’Allemagne a quelques problèmes avec ses banques qui sont très loin d’être aussi solides que ne le laisseraient présager les performances de l’économie allemande.

Lorsque l’Allemagne a réalisé au début des années 2000 ses fameuses réformes, cela s’accompagnait à l’époque d’une économie totalement atone. Cette quasi récession (douce), qui a frappé l’Allemagne pendant plusieurs années, a poussé ses entreprises déjà tournées vers l’export à aller encore plus chercher de croissance ailleurs. Mais c’est pour le secteur bancaire allemand que cette internationalisation a été la plus frappante. Sans croissance économique, impossible de faire croître les bénéfices des banques en se contentant de financer l’économie allemande. Dès lors, les banques allemandes, avec la Deutsche Bank en tête, sont allées chercher la croissance ailleurs. Subprime, MBS, marché des matières premières, immobilier en Espagne, tout était bon à prendre… Sauf que ce bon à prendre s’est transformé avec la crise inéluctable en prises de risques inconsidérés.

L’actualité de ce géant bancaire est actuellement particulièrement chargée. Je vous livre aujourd’hui « l’enquête » sur cette banque sous la forme d’une synthèse des éléments à notre disposition.

La Deutsche Bank se retire du processus de fixation des prix de l’or

C’est une dépêche AFP du 17 janvier dernier qui nous a appris que la première banque allemande, « Deutsche Bank, a annoncé vendredi son intention de se retirer du processus de fixation des prix de l’or et de l’argent sur les marchés mondiaux ».

« Deutsche Bank abandonne sa participation au processus de fixation du cours de l’or et de l’argent, suite à la réduction significative de nos activités dans les matières premières », a déclaré la banque dans un communiqué.

Comme vous le savez, les prix de l’or et de l’argent établis à Londres servent de référence au reste des marchés liés aux métaux précieux. Les prix de l’or sont fixés deux fois par jour au cours d’une téléconférence entre cinq banques, à savoir Bank of Nova Scotia, Barclays, HSBC, Deutsche Bank et la Société Générale. Les prix de l’argent sont fixés sur le même modèle par Deutsche Bank, HSBC et Bank of Novia Scotia. Ce sont ces banques que l’on appelle les Bullion Banks, or ces derniers temps, de moins en moins de banques ont l’envie de fixer les prix de l’or… Il faut dire que fixer les prix de l’or à la baisse dans un marché séculier haussier ne contribue pas vraiment pour les banques à la « maîtrise des risques ».

Logiquement, la Deutsche Bank cherche donc à céder « ses sièges au comité de fixing de l’or et de l’argent à un autre membre du London Bullion Market Association (LBMA), selon une source proche de la banque » comme nous l’apprend dans un entrefilet cet article du Figaro.

Mais ce n’est pas tout ! Comme le disait le Président Chirac, un autre illustre corrézien, « les emmerdes ça vole en escadrille », et pour la première banque allemande rien ne va plus.

Réduction de l’activité matières premières

En effet, la Deutsche Bank avait annoncé début décembre « qu’elle réduisait fortement ses activités de trading de matières premières face à une augmentation des contraintes réglementaires dans ce domaine. Une décision impliquant notamment une fermeture de ses bureaux de courtage dans l’énergie, l’agriculture, les métaux de base et le vrac sec ». D’ailleurs, la JPMorgan avait procédé, il y a quelques mois, au même type de grand nettoyage. Mais disons-le, cela finira par faire quelques trous dans les gains de la banque, tout en sachant que cette redéfinition de ses activités se fait sur fond d’enquêtes multiples des autorités de contrôle suite à de multiples soupçons de fraudes et de manipulations sur les cours.

La Deutsche Bank et sa liste infinie de scandales pour déjà plus de 4 milliards d’euros de provisions !!

Il est possible d’affirmer sans trop se tromper que la Deutsche Bank navigue à vue dans le règlement de ses différents litiges . Si le premier grand dossier, celui concernant les subprimes, vient d’être soldé pour 1,4 milliard d’euros, il n’en est rien pour les autres dont voici une liste non exhaustive :
- Affaire du Libor ;
- Affaire Kirch ;
- Affaire des certificats de CO2 ;
- Affaire des devises !

Alors que la banque a déjà passé 4,1 milliards d’euros de provisions pour litiges, selon un décompte, à fin septembre, cela pourrait être totalement insuffisant.

L’affaire des manipulations sur le marché des devises

C’est un article – que je gardais sous le coude dans mon dossier Deutsche Bank – du Nouvel Observateur qui nous a appris le 15 janvier dernier que la banque avait suspendu plusieurs traders à New York et courtiers dans le cadre d’une procédure interne faisant partie d’une enquête internationale sur des soupçons de manipulation des taux des changes de référence. En clair : il s’agit du marché des changes, c’est-à-dire celui des devises.

On apprend d’ailleurs au détour de cet article que le journal Die Welt (quotidien allemand) « avait évoqué la mise à pied d’un courtier, actif sur les pesos argentins, travaillant à New York ». C’est étrange car les pauvres Argentins n’arrivent toujours pas à se sortir durablement de leur crise financière qui dure depuis 2000 et voient leur monnaie, le peso, régulièrement attaqué puisque vous comprenez, les Argentins, un peu comme les Grecs, « l’ont bien cherché »… À moins, à moins que certains aident un peu le peso argentin dans sa chute en lui savonnant savamment la planche avec quelques menues manipulations de cours, ce qui est évidemment la réalité, raison pour laquelle ce courtier a été vraisemblablement suspendu (jusqu’à ce qu’il soit réintégré dès que tout le monde aura le dos tourné).

Alors que la Suisse, le Royaume-Uni, les États-Unis et Hong Kong ont annoncé d’ores et déjà avoir ouvert des enquêtes sur ces manipulations de cours sur le marché des changes (ce que ne font pas les autorités françaises qui préfèrent ne pas avoir à voir ce qu’il se passe), on retrouve presque les mêmes protagonistes que dans l’affaire dites du Libor (les marchés de taux d’intérêt) et Citigroup, Royal Bank of Scotland (RBS), JPMorgan et Standard Chartered « ont déjà mis à pied des collaborateurs spécialisés dans les changes à la suite de l’ouverture des enquêtes dans le courant de l’année 2013 ».

Deutsche Bank face à une forte décollecte

Deutsche Bank perd du terrain dans les ETF en Europe. Je n’ai pas de chiffre pour le moment concernant une décollecte particulièrement notable sur les dépôts à vue par exemple.

Deutsche Asset & Wealth Management (DeAWM), qui est le gestionnaire de Deutsche Bank, affiche la plus forte décollecte du Top 10 en Europe avec 5,3 milliards de dollars de sorties nettes l’an dernier, selon BlackRock. Le gestionnaire a notamment subi 7,7 milliards de retraits sur db x-trackers DAX. Cet ETF exposé au marché actions allemand a fait l’objet de prises de bénéfices, a assuré hier la banque allemande au Financial Times.

Cet article de l’AGEFI nous permet de tirer deux conclusions préliminaires. Tout d’abord, les investisseurs sont en train de fuir les produits financiers de la Deutsche Bank ce n’est jamais un bon signe, lorsque le l’on parle de 7,7 milliards d’euros de retraits, soyons clair et pas naïf, ce n’est pas le petit épargnant lambda d’outre Rhin ou la madame Michu germanique qui retire ses sous. Il s’agit de ce que l’on appelle dans le jargon de grosses mains, et les grosses mains… s’en vont !

Enfin, vous remarquerez que le gros des retraits s’effectue sur le produit phare répliquant l’indice DAX qui est l’équivalent du CAC 40 allemand. Cela pourrait donc plaider pour les signes avant-coureurs d’une belle correction sur les indices boursiers et en particulier en Allemagne. Aucune certitude, mais c’est une information à garder dans un coin de la tête.

Deutsche Bank et son régulateur à couteaux tirés

Avec un bilan d’environ 2 200 milliards d’euros, la Deutsche Bank est non seulement la plus grande banque allemande, mais surtout la plus grosse banque européenne devant BNP Paribas. Son bilan représente environ 80 % du PIB de l’Allemagne, ce qui donne quelques sueurs froides au gouvernement de Berlin qui sait très bien que de trop nombreux cadavres se cachent encore dans les placards des documents de comptes !!

Du coup, la BaFin, qui est le gendarme allemand des marchés financiers, attaque sans gant ou presque les dirigeants du leader bancaire allemand en les mettant directement en cause, aussi bien sur leur gestion passée qu’actuelle, sans oublier une mention spéciale pour la politique de salaire des cadres (hauts cadres) très critiquée.

Dans cet article des Échos, on apprend que « malgré ses bonnes intentions, le leader bancaire risque de rester dans le viseur. Hier, « Die Welt » citait ainsi une lettre de novembre du gendarme financier lui reprochant une façon « absolument inacceptable » de comptabiliser certaines transactions de dérivés controversées avec la banque italienne Monte dei Paschi »…

Or vous savez, on en parle peu, mais la Monte dei Paschi n’est rien d’autre que la dernière grosse banque italienne (multicentenaire soit dit en passant) à avoir fait faillite !! Évidemment, lorsque vous disposez de créances sur ce type d’établissement… vous les comptabilisez pour quelles valeurs ? Serez-vous remboursé ou pas ? Devez-vous passer ou pas quelques menues provisions ? A priori cela n’a pas été fait ou pas suffisamment, ce qui est contraire à l’éthique comptable, puisque vos comptes sont censés refléter l’image fidèle de votre réalité économique.

Deutsche Bank AG : D.Bank envisage d’avertir sur ses résultats – WSJ

C’est donc dans ce contexte de très fortes inquiétudes autour de la plus grosse banque européenne qui est donc forcément systémique que, selon le Wall Street Journal, la Deutsche Bank envisagerait de lancer un avertissement sur ses résultats « après que des dirigeants en sont arrivés à croire que les prochains chiffres trimestriels étaient susceptibles d’être inférieurs aux attentes des investisseurs ».

Le Wall Street Journal nous apprend également que la Deutsche Bank, « a subi des pertes plus importantes que prévu dans le cadre de la cession d’actifs non-stratégiques » qui note au passage que « comme nombre de banques européennes, la banque a éprouvé des difficultés à vendre des actifs non-stratégiques, processus lancé pour doper les ratios de solvabilité ».

Vous comprenez donc mieux maintenant pourquoi les accords dits de Bâle III ont très vite été revus, et pourquoi finalement les ratios de liquidités initiaux ont très vite été revus à la baisse… Même les plus grosses banques sont tout simplement en incapacité de les atteindre.

Le système bancaire et financier est toujours aussi fragile

À la lecture de tous ces éléments une conclusion s’impose. Le système bancaire international est toujours largement aussi fragile qu’il y a deux ans, simplement, les gouvernements et les autorités économiques à travers la planète ont juste réussi à calmer la panique qui gagnait les épargnants suite à la faillite de Lehman Brothers, mais en aucun cas la situation réelle n’a fondamentalement changée.

Hier HSBC, aujourd’hui la Deutsche Bank, on voit bien que le risque systémique demeure bien réel et que la planète finance danse sur un volcan, avec évidemment votre épargne prise au piège de mécanismes qui nous dépassent, de stratégies de pouvoir et de puissance complexes, d’enjeux politiques et économiques dont nous ne sommes et seront que les dégâts collatéraux.

Logiquement, vous devez poursuivre votre « débancarisation » et la migration de votre épargne au maximum vers les actifs tangibles. Mon discours ne varie pas. Il ne changera pas tant que la situation économique n’évoluera pas favorablement. Pour le moment, l’amélioration tant vantée par nos mamamouchis n’est qu’une grande illusion que l’on tente désespérément de vous vendre sous forme de rabâchage et de bachotage médiatique. Dès que vous grattez un peu, quel que soit le sujet, les nouvelles sont mauvaises, d’où qu’elles viennent… ou presque ! Alors continuez à fuir et à vous préparer au mieux.

Restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez bien !!

Au coffre Le Contrarien Charles Sannat

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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