Lutte contre le terrorisme : un message fort envoyé par la Justice

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Par Antoine Chéron Publié le 23 août 2016 à 5h00
France Justice Terrorisme Apologie Condamnation
@shutter - © Economie Matin
30 000 eurosFaire l'apologie du terrorisme est maintenant punie de 30 000 euros d'amende et deux ans de prison.

Le nouvel article 421-2-5-2 du Code pénal réprimant la consultation habituelle de contenu faisant l’apologie du terrorisme a reçu application par le Tribunal correctionnel de Chartres ce lundi 8 août. Cette disposition a été introduite la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

Selon une source judiciaire, « les enquêteurs n'ont pas trouvé d'éléments qui permettent de penser à un projet clairement établi » de cet homme de 31 ans décrit comme « un solitaire qui avait coupé les ponts avec sa famille et vivait de manière isolée ». Concrètement, cet individu aurait donc seulement consulté des sites faisant l’apologie du terrorisme, et aurait également exprimé son souhait via son mur Facebook de voir la tour Montaparnasse détruite. La question de la sévérité de la sanction, élevée à 30 000 euros d’amende et 2 ans de prison ferme se pose alors.

Un élément matériel de l’infraction détaché de toute intention de passer à l’acte

Schématiquement, toutes les infractions sont composées de 3 élements : l’élément légal, c’est-à-dire le fondement textuel, l’élément matériel qui est l’acte réprimandé en tant que tel et l’élément moral, qui peut aller de la simple négligence à l’intention assumée de porter atteinte à l’intégrité des biens ou des personnes. Dans le cas de l’article 421-2-5-2 du Code pénal, le spectre de l’élément moral est très large puisqu’il suffit « de consulter habituellement » des sites qui font l’apologie d’actes de terrorisme en montrant la commission de tels actes aux internautes pour être condamné.

Or, ce même acte est très exactement visé au titre de l’article 421-2-6 du même Code « dès lors que la préparation de ladite infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». Le législateur a donc voulu non seulement sanctionner ladite consultation habituelle au titre de l’acte préparatoire mais également en tant que tel, sans qu’il ne soit nécessaire de prouver une quelconque intention de passer à l’acte. Il peut donc apparaitre extrêmement sévère d’envoyer quelqu’un en prison sur ce fondement, puisque techniquement l’individu n’a peut être jamais eu l’intention de faire du mal à qui que ce soit.

Une sévérité de mise dans le contexte actuel

Toutefois, la menace terroriste planant sur la France depuis plusieurs années et corroborée par les nombreux attentats récents qui ont touché sa population justifient l’application rigoureuse par les juges de cette disposition fort controversée. Lorsque Monsieur Sarkozy avait affirmé en 2012 que « quand on consulte des images de pédophilie, on est un pédophile, quand on consulte des images de djihadistes on est un djihadiste », ce dernier avait essuyé une importante vague de critiques.

Aujourd’hui, il semblerait que ce soit le point de vue du législateur dont la démarche consiste finalement à solliciter la Justice pénale afin qu’elle réprime tous ceux dont l’historique de navigation mettrait en lumière une attirance pour l’idéologie djihadisme. La condamnation prononcée lundi par le Tribunal correctionnel de Chartres envoie donc un message fort en appliquant cette disposition et confirme la voie de l’ultra-pénalisation de tout ce qui ressort de la lutte contre le terrorisme. Face à la consultation habituelle de site glorifiant les actes terroristes, c’est le choix de la répression et non la voie de la simple surveillance qui sera dorénavant privilégiée.

Une sévérité évidemment justifiée par le contexte actuel, mais qui n’en demeure pas moins dangereuse au regard du principe de proportionnalité des délits et des peines étant cardinal en droit pénal puisqu’il contrebalance en théorie les dérives inhérentes à une politique publique trop sécuritariste.

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Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC.

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