Le Brexit de Theresa May, un marché de dupes

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Par Stéphanie Villers Publié le 23 janvier 2017 à 5h00
Brexit Theresa May Negociations Union Europeenne
@shutter - © Economie Matin
12,3 milliards ?La contribution britannique au budget de l'Union européenne est de 12,3 milliards d'euros.

Theresa May qui se voyait affubler depuis quelque temps du sobriquet encombrant de « Theresa Maybe » (Theresa Peut-être) a voulu reprendre la main lors de son discours très attendu exposant sa vision du Brexit.

« Ce que je propose ne peut signifier une appartenance au marché unique " a-t-elle averti. Nombreux sont ceux à avoir de suite salué cette clarification. Le Royaume-Uni entend donc rompre définitivement avec l’Union européenne pour reprendre la main sur l’immigration. Il n’y aura donc plus de libre circulation des hommes, des marchandises, des services et des capitaux.

Pour autant, il suffit de décortiquer un peu ses propos pour s’apercevoir que les 12 priorités annoncées par le nouveau gouvernement britannique sont loin d’apporter la clarté attendue. Theresa May propose de quitter le marché unique mais veut obtenir en contrepartie un nouvel accord «amical et constructif » pour continuer de commercer « le plus librement possible ». En clair, elle souhaite que rien ne change pour les échanges commerciaux et que le Royaume-Uni bénéficie des mêmes avantages qu’auparavant.

Mais lors de son exposé, la Première ministre britannique a choisi de noyer le poisson avec des raisonnements fallacieux. Le Royaume-Uni est spécial et donc doit être traité en conséquence, explique-t-elle. Et de préciser, «nous n’aurons pas un pied dedans, un pied dehors. Nous ne cherchons pas à garder des morceaux de notre adhésion ». Ainsi, elle balaie d’un revers de main les engagements pris entre l’Union européenne, la Norvège et la Suisse.

Elle ne veut pas faire partie de l’EEE (Espace Economique Européen) qui permet aux Norvégiens d’avoir un accès quasi complet au marché unique car les contreparties financières sont trop élevées. De même, le cas helvétique est spécifique et difficilement transposable, puisque dès la création de l’UE et son entrée en vigueur, la Suisse a négocié au fil du temps avec ses partenaires européens plus de 120 accords bilatéraux. Les deux ans de négociation qui sont prévus au moment du déclenchement de l’article 50 ne permettent pas aux Britanniques d’envisager de tels résultats entre Londres et Bruxelles.

Ainsi, Theresa May réclame un accord sur-mesure et à la carte. A l’entendre, le Royaume-Uni doit pouvoir reprendre le contrôle de son immigration mais doit pouvoir continuer d’accueillir une main d’œuvre étrangère qualifiée. Rappelons que Londres regorge de financiers européens formés sur les bancs des universités de leur pays d’origine. Cette main-d’œuvre à forte valeur-ajoutée a largement participé au développement de la City pour la hisser au premier rang des places financières internationales. Par ailleurs, les récentes décisions prises par Google, Facebook, Apple, de renforcer leurs activités à Londres font suite vraisemblablement à des discussions avec le gouvernement de Theresa May, leur garantissant le possible recours à l’embauche de personnel non britannique qualifié.

Le député européen, Guy Verhofstadt, voit juste en dénonçant « l’illusion qu’on peut sortir de l’Union tout en conservant ses avantages ». Theresa May a tenté habilement de contourner le problème du marché unique qui impose la libre-circulation des personnes en proposant un nouveau partenariat tout à l’avantage du Royaume-Uni. A charge pour l’Union européenne d’en prendre note sans être dupe dans les négociations qui s’annoncent difficiles et tendues. Theresa May veut invariablement le beurre et l’argent du beurre pour les Britanniques.

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Stéphanie Villers est économiste.

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