L’actualité vue par Louis XVI : pourquoi la France doit accorder l’asile politique à Snowden

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 1 juillet 2013 à 10h40

Le moment vient pour la France de rallumer le flambeau qu'elle a éteint depuis 1815: celui des libertés proclamées partout dans le monde. Car si elle ne le fait pas, qui le fera à sa place?

De mon temps, l'Amérique promettait d'être une nation libre, et peut-être durant ses cent ou cent cinquante premières années tint-elle ses promesses. Mais les multiples scandales qui éclatent autour des pratiques d'espionnage auxquelles elle se livre montrent bien que le champion des libertés n'est plus que la pâle ombre de ce qu'il fut. Entre le poids excessif des mouches qui y encombrent la toile d'araignée et l'appétit des manufacturiers militaires, prêts à tous les conflits dans le monde pour vendre leur marchandise, l'Amérique n'est plus une démocratie, mais une puissance impériale aussi lourde à manoeuvrer qu'un galion dans la rade de Toulon.

Heureusement que l'empereur américain tient à sa disposition une grande et rapide planche à billets.

Elle lui permet de payer toutes ses dépenses somptuaires en monnaie de singe, et de s'endetter sans limite en sachant avec évidence qu'il ne remboursera pas plus que la France elle-même n'honorera ses engagements. Tout est affaire de temps.

Mais l'empire américain ne se déshonore-t-il pas en pourchassant à travers le monde les quelques consciences libres (les Assange, les Snowden) qui portent encore ses espérances des premiers temps, en livrant au monde des mystères que moi-même monarque je n'eusse pas imaginer. A-t-on vu un Capet soumettre tous ses sujets à la question et embastiller ceux qui s'en offusquaient? Jamais notre noblesse, ni nos villes libres, ne l'eussent permis. La France, même monarchie, aimait la liberté des consciences et la respectait, même s'il nous arrivait d'envoyer une lettre de cachet à quelque libertin imprudent.

Regardez ce faquin de Voltaire, qui persiflait un pied en Suisse un pied en France. Je rappelle tout cela parce que je ne voudrais pas que la Révolution annexât tous les bienfaits de notre beau pays et de ses valeurs éternelles.
Je suis d'ailleurs convaincu, mes chers Français, que la liberté ne fut ni une invention de la Révolution, ni une invention de l'Ancien Régime. Encore moins une invention latine. Non, la liberté que nous aimons, celle qui coule en nos veines et imbibe nos âmes aussi sûrement qu'un rayon de soleil sur la montagne Sainte-Victoire par un matin d'été, cette liberté nous vient des profondeurs de la Gaule. De ces tribus mi-nomades mi-sédentaires qui avaient placé l'homme au centre d'un cercle cosmique, où il rayonnait en élevant son âme au-dessus des contingences.
Je sais que, victimes de l'histoire des vainqueurs, nous aimons nous persuader que les Gaulois étaient des barbares, et que la civilisation nous vint de Rome. Mais c'est faire trop d'honneur à Jules César que d'ajouter foi à cette propagande facile. Les inventeurs de la liberté occupaient la Gaule avant l'arrivée des légions.

Cette liberté du regard sur le monde, de la pensée sur la nature et le désordre vivant, c'est l'oeil de Brennos emmenant ses guerriers jusqu'à la conquête de Rome, et les portant ensuite jusqu'en Grèce. A cette époque, déjà, l'idéal celte que nous portions organisait l'Europe et partout nous contaminions les peuples avec notre amour du raffinement, de la beauté, de l'équilibre et de l'esprit. Nos bardes et nos druides n'ont-ils pas transmis à nos enfants et à nos voisins un immense savoir, sage et rigoureux, qui inspira le mouvement monastique quand l'Europe se convertit au christianisme?

Au nom de cette grande synthèse gauloise, qui nourrit Rome avant de nourrir Descartes, qui fit au fond les Lumières, même si ce mot n'avait guère l'heur de plaire à la Cour, au nom de ces trois mille ans d'histoire française, la France d'aujourd'hui doit retrouver son souffle et dire clairement qu'elle n'abandonne rien de ses traditions chéries.

Et ces traditions, quelles sont-elles sinon celles de donner asile à la liberté, avant de la porter partout où elle le peut ?

N'est-ce pas notre vocation historique que de dire haut et fort que l'homme est libre, et de protéger les prophètes de cette liberté, d'où qu'ils viennent?

Par conséquent, ce serait faire honneur à la France que d'accorder la liberté à ce soldat Snowden qui a révélé au monde entier les tromperies faites par son gouvernement. Reconnais, François, qu'il fallait une bonne dose de courage pour, si jeune, entamer la grande bascule de sa vie, dire la vérité qui fâche: ces atteintes à la vie privée, disproportionnées par rapport à leur objectif de sûreté publique, ces méthodes de mouchard qui consistent à ouvrir tous les courriers, tous les billets, tous les petits secrets des citoyens, sans rien en dire à personne, et sans être contrôlé par le moindre esprit noble. Ce Léviathan du pouvoir qui ne recule devant rien et devant qui tout le monde recule.

En vérité, ce Snowden a bien mérité de la patrie des libertés qu'est la France, et ce ne serait que justice de l'accueillir en héros, en libérateur, de l'honorer et de la protéger pour que parmi nous il coule des jours heureux.

Mais cela suppose, il est vrai, d'avoir une haute idée de la France. Et peut-être que, toi qui fus envoyé en Amérique par la Franco-American Foundation n'as-tu pas envie, François, de faire défaut à tes illustres protecteurs.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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