Mardi 14 octobre, Henri Proglio a ouvert le premier salon du nucléaire au Bourget en rappelant notamment sa satisfaction de voir le nucléaire garder une place de choix dans le nouveau mix énergétique français. Longtemps favori à sa propre succession à la tête d'EDF, il semblerait pourtant selon Libération que l'avenir de celui dont le mandat arrive à échéance le 22 novembre soit plus qu'incertain. Un revirement de situation qui, s'il se confirme, ne manquera pas d'étonner. Depuis sa prise de fonction en 2009, « HP » a en effet porté avec succès l'action d'EDF et la question du nucléaire, en France et à l'international.
Une sécurité renforcée
Aujourd'hui, le nucléaire représente pas moins de 75 % du bouquet énergétique national. Un choix qui a longtemps suscité de vives critiques auprès de l'opinion publique et des détracteurs de cette énergie, traumatisés par les accidents survenus il y a près de trente ans à Tchernobyl et trois ans à Fukushima. La sécurité entourant le nucléaire est questionnée, critiquée. Si le pire est arrivé en Ukraine ou au Japon, pourquoi pas en France ?
La France a pris ces inquiétudes très au sérieux et n'a pas manqué de redoubler d'efforts quant à la garantie d'une sécurité sans faille. Depuis Fukushima, l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a accentué les conditions de protection de la population et des travaux en ce sens sont mis en place, à l'image du chantier du réacteur de l'Institut Laue-Langevin à Grenoble. Si le réacteur bénéficiait depuis sa création en 1971 d'une armada sécuritaire plus que satisfaisante, le voilà doté depuis trois ans d'un programme de travaux destiné à renforcer « la tenue aux séismes » du réacteur. Une entreprise à 16 millions d'euros qui vise à dissiper tout doute sur un potentiel accident. Prudence est mère de sûreté. La sécurité nucléaire est donc une priorité. Elle permet ainsi au gouvernement de pouvoir compter sans crainte sur l'énergie atomique pour notamment mettre sur pied son projet de loi sur la transition énergétique.
Le nucléaire, locomotive de la transition énergétique ?
Hasard des calendriers, les Dieux de l'énergie ont voulu que le salon du nucléaire débute le jour où la loi sur la transition énergétique doit être votée à l'Assemblée nationale. Certains y verront un signe tant le nucléaire fait aujourd'hui plus que jamais office de partenaire privilégié du gouvernement dans l'instauration du nouveau modèle énergétique français. Et qu'importe si le projet de loi prévoit que d'ici 2050 la part du nucléaire passe de 75 à 50 %, les dirigeants politiques ne cessent de marquer leur soutien à la filière et de confirmer l'importance de cette énergie pour donner à la révolution verte les résultats espérés.
Cet été, le Premier ministre Manuel Valls n'a pas hésité à qualifier la filière nucléaire de « filière d'avenir pour notre pays », quand Ségolène Royal déclare : « Nous ne sortirons pas du nucléaire, ce n'est pas le choix qui est fait. C'est grâce à l'énergie nucléaire aujourd'hui, à la sécurité qu'elle apporte, que nous pouvons accélérer et faire sereinement la transition énergétique ». Des positions qui ont su évoluer avec le temps et qui traduisent la volonté du gouvernement d'engager une transition énergétique rationnelle, en prise avec la réalité et non un concept délirant difficilement applicable.
Les atouts du nucléaire sont nombreux : énergie propre, elle permet de lutter efficacement contre les émissions de gaz à effet de serre, caractéristique non négligeable quand on sait que le gouvernement souhaite diviser par quatre les émissions de CO2 à l'horizon 2050. Le nucléaire est également un moyen pour la France de réduire sa dépendance énergétique aux énergies fossiles qui arrivent à épuisement. Enfin, la production d'une centrale nucléaire est beaucoup plus importante et moins couteuse que cella d'une centrale à combustibles classiques. Des bons points stratégiques optimisés par l'expertise d'EDF qui gère le parc nucléaire national.
Henri Proglio, l'homme derrière la réussite d'EDF
« Nous avons cette chance, en France, de pouvoir nous appuyer sur un parc de production d'électricité diversifié et complémentaire », a rappelé Henri Proglio lors de sa visite au salon du nucléaire. Des déclarations qui arrivent alors qu'on annonce une hausse de la production nucléaire fin septembre. À la tête d'EDF depuis 2009, Henri Proglio est parvenu à donner à l'électricien français une nouvelle dimension. Dès sa prise de fonction, l'ancien patron de Veolia s'est évertué à vouloir replacer EDF au cœur de la filière nucléaire. Désendettement, amélioration de la rentabilité, les résultats sont au rendez-vous et confère au groupe le titre de « premier électricien mondial ».
Cinq années qu'« HP » est aux commandes mais son mandat arrive à échéance le 22 novembre prochain. Si les indicateurs économiques sont au beau fixe (un bénéfice en hausse de 7,4 % en 2013), Proglio n'en néglige pas pour autant l'aspect social. Le dirigeant est en effet connu pour être apprécié de ses salariés mais également des syndicats, la CGT lui ayant publiquement apporté son soutien. Le tableau EDF semble donc plutôt réjouissant mais il prend une épaisseur supplémentaire lorsqu'il s'agit d'observer l'entreprise sous un prisme international. Le vaisseau piloté par Proglio n'hésite pas à traverser les mers pour exporter son expérience nucléaire avec succès. C'est ainsi que l'énergéticien a décroché en 2013 un contrat en Grande-Bretagne pour la construction deux réacteurs nucléaires de nouvelle génération, cela pour la modique somme de 19 milliards d'euros.
« La France peut, grâce à son parc de production, prendre le temps nécessaire pour mettre en œuvre la transition énergétique que le Parlement est en train de voter », assure Henri Proglio. Loin d'être une baguette magique qu'on pourrait utiliser à tout-va pour faire apparaître le nouveau modèle énergétique français, le nucléaire a retrouvé une certaine attractivité décomplexée et la France voit son choix de maintenir l'atome au cœur de sa stratégie énergétique validé. Cependant, le nucléaire seul n'est pas suffisant pour mettre en place le chantier de la transition énergétique, il doit jouer de concert avec le développement des énergies renouvelables pour atteindre les ambitions environnementales espérées. Pour l'heure, si l'éolien et l'énergie solaire bénéficient d'une très bonne image auprès des Français, le nucléaire rattrape petit à petit son retard sur le chemin de la réhabilitation populaire. Un retour en force qui n'est donc pas étranger au succès d'EDF. Une confiance menacée par les doutes qui entourent la future gouvernance de l'électricien.