La loi Sapin 2 referme le piège sur les détenteurs d’assurance-vie

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Par Nicolas Perrin Modifié le 23 mars 2023 à 9h55
France Assurance Vie Loi Sapin
@shutter - © Economie Matin
15 millionsL'assurance-vie en France représente 15 millions de conscripteurs.

La loi Sapin 2 contient un amendement qui met votre assurance-vie à la merci de fonctionnaires ; ils pourront fixer les rendements et geler remboursement et avance. Cet amendement, déjà adopté par l’Assemblée, sera débattu prochainement au Sénat.

Au mois de janvier, la presse invitait les épargnants à se réjouir : le rendement net d’inflation des fonds euros des contrats d’assurance vie avait augmenté en 2015. Mettant en perspective le rendement de ce compartiment depuis 2000, je suis maintes fois revenu sur les risques qui pèsent sur le contrat d’assurance-vie. Les derniers mois ont été si abondants en nouvelles qu’une mise à jour me semble s’imposer.

Le 16 mars 2016, l’allemand Munich Re, deuxième réassureur mondial (c’est-à-dire l’assureur des sociétés d’assurance) annonçait qu’il “allait augmenter ses réserves d’or et de cash pour contrer les taux d’intérêts punitifs de la Banque centrale européenne”. Le 2 mai 2016, le ministère des Finances allemand indiquait vouloir abaisser le taux plancher que peuvent proposer les assureurs-vie de 1,25% à 0,9%. Mais revenons à la France.

Le 1er novembre 2015, François Villeroy de Galhau, ancien dirigeant d BNP Paribas, prenait le relais de Christian Noyer à la tête de la Banque de France, en dépit des critiques d’un collectif de 150 économistes ayant signalé un risque de conflit d’intérêts. Son avis sur l’avenir de l’assurance-vie est-il plus rose que celui de son prédécesseur ? “Il faut d’abord répercuter progressivement la baisse des taux d’intérêt sur la rémunération de l’épargne sans risque. C’est pourquoi […] il faudra poursuivre résolument la baisse des rendements de l’assurance-vie investie en fonds euro, au-delà des baisses annoncées cette année.”

Le 13 juin 2016, Michel Sapin déclarait, en tant que président du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), que “dans le contexte actuel de développement des taux d’intérêt négatifs […] l’ajustement à la baisse des rémunérations des contrats d’assurance-vie intervenu en 2015 a été insuffisant au regard des circonstances macroéconomiques et financières actuelles, et en particulier des rendements prévisibles des actifs sous-jacents”, d’où la nécessité de poursuivre “la mise en adéquation des rendements des produits d’épargne avec l’environnement financier actuel”.

Cette déclaration prend toute sa dimension au vu du Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit “Sapin 2”, adopté le lendemain en première lecture à l’Assemblée nationale. Ce texte fourre-tout est prétendument censé permettre à la France de rattraper son retard en matière de lutte anti-corruption, un peu comme la Loi renseignement était censée permettre à la France de rattraper son retard en matière de protection contre la menace terroriste. Cette dernière a essentiellement abouti au flicage de l’ensemble des citoyens.

Que nous réserve la loi Sapin ? Parmi toutes les dispositions listées ici, une pourrait véritablement changer la donne en matière d’assurance-vie : le renforcement des pouvoirs contraignants du Haut conseil de stabilité financière (HCSF – l’organisme chargé de veiller à la stabilité financière en France) sur l’assurance.

“Cet amendement me terrorise”

Cette disposition, due à l’adoption d’un amendement déposé par le député PS Romain Colas, vise à répliquer au secteur des assurances les pouvoirs contraignants dont dispose déjà le HCSF vis-à-vis du secteur bancaire, avec de nouvelles prérogatives. L’Argus de l’Assurance rapporte :

“L’amendement en question vise à modifier le code monétaire et financier pour permettre au HCSF de :?– Moduler les règles de dotation et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices afin de renforcer la résilience des entreprises d’assurance face à des variations importantes des taux d’intérêt ou de prix des actifs. [NDLR : il s’agit ici ni plus ni moins que de permettre au HCSF de déterminer le rendement de votre fonds euros]

– Prendre à titre conservatoire plusieurs mesures macroprudentielles préventives lorsque cela est nécessaire pour préserver la stabilité du système financier ou prévenir des risques menaçant gravement la situation financière des organismes d’assurance ou d’une partie significative d’entre eux.”

Mettons les points sur les “i” : il s’agit de permettre au HCSF de bloquer les remboursements et avances. Des fonctionnaires vont déterminer ce que doit rapporter votre épargne et si nécessaire peuvent la geler. Réactions de deux députés lors du débat qui s’est déroulé le 24 mai en Commission des Finances (je cite toujours l’Argus de l’Assurance) :

“Charles de Courson, député UDI, par ailleurs, président de la Caisse mutuelle marnaise d’assurance […] s’interroge également sur la constitutionnalité de l’amendement au regard du droit de propriété. Et pour cause : il prévoit d’autoriser le HCSF, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, à “suspendre, retarder ou limiter, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat.” Marie-Christine Dalloz a quant à elle déclaré : “Cet amendement me terrorise.”

Si vous voulez prendre connaissance de l’intégralité des échanges, c’est ici.

Pour Cyrille Chartier-Kastler, président de Facts & Figures, cette mesure se comprend par le fait que “l’un des objectifs recherchés est de freiner la collecte sur les fonds en euros”. Je ne partage pas son avis. Les Etats ont besoin d’écouler leur dette, l’Etat français ne fait pas exception et l’assurance-vie est toujours chouchoutée tant par le gouvernement que par le législateur. La manoeuvre vise plus probablement à mettre à la disposition de l’Etat un verrou officiel, arbitraire (aucun seuil d’intervention n’est défini) mais non contestable sur le placement n°1 des Français en cas de gros problème économique… au hasard en cas de hausse violente des taux d’intérêt obligataires.

Là où l’ACPR pouvait agir au niveau d’une seule compagnie d’assurance, le HCSF aurait la possibilité de prendre une mesure affectant l’ensemble du secteur assuranciel. Car, comme le notait Le Figaro du 13 juin, à propos du Fonds de Garantie des Assurances de Personnes (FGAP) : “Le FGAP détient 400 millions d’euros sur ses comptes. Il peut solliciter 400 millions supplémentaires auprès de ses adhérents et a le droit d’emprunter 800 millions pour faire face à des remboursements. A comparer aux 1 600 milliards placés en assurance-vie…”

Quid de la suite ?

Ce texte doit maintenant être débattu au Sénat. Pendant ce temps, l’assurance-vie est toujours commercialisée comme un produit “liquide” et “sans risque”. Conserver des contrats d’assurance-vie peut-être nécessaire dans certaines situations. Vous devez alors être très attentif quant à sa gestion et suivre de près l’actualité législative. D’une façon générale, est-il prudent de laisser votre épargne à la merci de l’Etat et de “fonctionnaires habilités” ? Vous devez certainement vous douter de la réponse…

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence « Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir », il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Son Twitter : @Nikookaburra.

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