Obligations d’État (OAT) : l’opium du peuple français

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Par Jean-Paul Betbèze Publié le 10 juillet 2014 à 2h32

OAT : Obligation Assimilable du Trésor, autrement dit la dette publique française. Nous en avons aujourd'hui (sous diverses formes) pour 2000 milliards d'euros, l'équivalent de notre PIB. Nous la remboursons régulièrement bien sûr, seule façon d'en demander plus. Autrement nous serions en manque, pardons : « en faillite ». Et plus nous en prenons, plus il nous en faut. Cette addiction dure depuis plus de trente ans : chaque fois un peu plus, avec chaque fois plus d'inquiétude et moins de plaisir. Impossible de faire autrement : drogue vous dis-je !

Chaque jour (ouvré), il faut trouver notre dose de 800 millions d'euros. Pas facile, car notre épargne nationale (notre production locale) n'en représente désormais plus que le tiers. Qui sont donc les pourvoyeurs extérieurs des 550 millions qui nous manquent chaque jour, pour éviter la crise ? Réponse : quelques grandes banques centrales qui placent leurs réserves, quelques fonds souverains qui cherchent un rendement "sûr", quelques gestionnaires d'actifs qui veulent se diversifier plus peut-être quelque grande puissance qui peut avoir besoin de nous. Des noms ? Japon, Chine, pays du Golfe, fonds souverains, fonds de pension.

Le Japon est devenu moins présent dans notre fourniture. On sait aussi que les fonds de pensions et les fonds souverains, qui venaient il y a deux ans parce que la France, « ce n'est pas aussi sûr que l'Allemagne, mais c'est autre chose que l'Espagne ou l'Italie » s'interrogent. Les taux longs espagnols et italiens ne sont plus aux 6 % qui avaient fait craindre le pire en juin 2012. Les voilà à 2,7 % (contre 1,7 % pour la France, 1,4 % pour l'Allemagne et... 2,6 % pour les Etats-Unis !) De plus en plus, les journaux commentent nos difficultés à bouger dans l'entreprise privée et à réduire les dépenses sociales et publiques. Les intermittents qui bloquent les spectacles, la SNCF qui bloque les trains et conduit le Président à demander que ceci s'arrête, on voit bien l'écart entre ce qu'il faudrait faire et ce qui se fait – ou ne se fait pas, pire aux rentes qui se consolident.

Mais la Chine est toujours là. Pourquoi ? Parce qu'elle nous aime bien sûr. Elle aime ce vieux pays cultivé, ce pays qui l'a reconnue le premier, ce plus important grand pays non américain aussi. Et la Chine aime beaucoup la zone euro et l'a toujours soutenue aux pires moments, France comprise. Et pourquoi donc la Chine veut-elle à ce point la soutenir, et nous par la même occasion ? Simplement pour qu'elle n'explose pas et laisser ainsi au dollar le monopole monétaire mondial, un monopole renforcé si l'euro explose. Le monde à deux monnaies permettra peu à peu à la monnaie chinoise de se développer et de s'internationaliser, en la protégeant.

La France n'est pas financée pour ses qualités ou sa renommée mais pour sa place dans l'échiquier monétaire mondial. Ceci nous évite de rêver et de penser que cette situation est éternelle, et réduit d'autant notre marge de manœuvre. Notre situation n'est évidemment pas éternelle. De nombreux fonds écoutent la musique « vendez la France pour acheter l'Espagne ou l'Italie » : autrement dit, prenez votre profit sur la France et allez investir en Espagne ou en Italie et aider ainsi à son redressement, autrement dit à votre plus-value future.

La Chine va bien voir que notre situation se fragilise et pourra avancer ses pions. Pensons à l'Afrique – où elle nous a dépassés, pensons à la France – où elle va acheter de plus en plus nos entreprises moyennes et grandes. Ceci peut aller plus loin, si notre situation relative se détériore et que nous devenons, pour les marchés, « le nouvel homme malade de la zone euro ». Nous aurons, alors, beaucoup plus besoin d'aide de Chine, de Russie, de fonds divers, et ceci d'autant plus que nous lambinons dans nos réformes et mettons notre pays en spectacle, non intermittent. Il est temps de réduire les doses.

Vous pouvez lire plus d'articles de Jean-Paul Betbèze sur son site www.betbezeconseil.com.

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com

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