La Libye ou le business de l’anarchie

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Par Michel Delapierre Modifié le 17 octobre 2014 à 4h49

Malgré un vibrant appel à la réconciliation, la récente visite à Tripoli du Secrétaire Général de l'ONU - Ban Ki-moon - marque une nouvelle étape dans la dégradation de la situation Libyenne. Fin septembre, c'était le Ministre Français de la Défense Jean Yves Le Drian qui tentait d'alerter l'opinion et ses partenaires européens sur la situation explosive du pays.

La Libye s'enfonce dans le chaos et ce n'est une bonne nouvelle pour personne, à moins d'être terroriste ou trafiquants d'armes.
Plus que jamais impliquée au Sahel, la France vient d'installer une nouvelle base militaire à Madama dans le nord-est du Niger près de la frontière Libyenne. L'objectif est de surveiller les mouvements de troupes et plus généralement les trafics en tout genre – armes, matières premières, drogues – qui sévissent dans la région. L'efficacité de cette base sera probablement modeste mais elle montre surtout que la France se prépare à une escalade de la violence.

Même si les décideurs internationaux sont conscients des enjeux Libyens, personne, pour l'instant, n'ose cependant évoquer une intervention militaire extérieure.
La Libye est devenue depuis le début de l'année, une zone anarchique gangrénée par les conflits claniques avec comme enjeu principal le contrôle de la manne pétrolière. Les lignes de fracture du conflit actuel ressemblent de plus en plus aux divisions ancestrales entre tribus et villes libyennes. Tout cela n'augure pas d'une rapide sortie de crise.

Le Parlement élu en juin ne contrôle plus rien. Chassé de Tripoli cet été par les milices de Misrata proches des islamistes, il a dû, avec le gouvernement reconnu par la communauté internationale et l'état-major de l'armée officielle, se réfugier à Tobrouk dans l'Est du pays.
C'est aujourd'hui, la coalition Fajr Libya, emmenée par les milices de Misrata, qui occupe la majeure partie de la Libye.

Proche du gouvernement officiel et longtemps considérée comme dominante dans la Tripolitaine, la tribu de Zintan semble elle très affaiblie. Elle a perdu Tripoli et les divisions internes minent son efficacité militaire.
Leur allié, le général putchiste Khalifa Haftar, ne semble guère en mesure de pouvoir changer la donne. Avec sa propre milice privée, il concentre aujourd'hui l'essentiel de ses forces sur la ville de Benghazi face aux factions salafistes de la brigade Ansar al Charia.

Dans ce contexte, la montée en puissance des forces islamistes est indéniable. Le rapprochement entre certains groupes islamistes Libyens et les djihadistes de l'Etat Islamique en Syrie est également une hypothèse de plus en plus réaliste. Le risque est pris très au sérieux non seulement par les occidentaux mais également par les deux grands voisins Algérien et Egyptien.
Algériens et Egyptiens ont bien conscience des risques de déstabilisation de l'ensemble de la région et de leurs pays en particulier. Toutefois, les partitions égyptiennes et algériennes sont difficiles à lire. Chacun donne l'impression de jouer avec ses réseaux libyens au gré d'alliances de circonstances. Les intérêts nationaux et les doubles jeux prévalent au détriment d'une action diplomatique coordonnée.
L'Egypte semble ainsi apporter un soutien logistique au général Haftar et plus globalement à tous les militaires et politiques libyens peu suspects de proximité avec les réseaux islamistes.

De son côté, l'Algérie tente de réconcilier toutes les parties en jouant la carte de l'apaisement avec les factions islamistes. C'est ainsi qu'Alger a récemment accueilli l'ancien djihadiste Libyen Abdelhakim Belhadj pour tenter d'organiser une table ronde avec l'ensemble des parties.
L'Algérie et l'Egypte n'ont donc clairement pas la même stratégie pour mettre un terme aux hostilités libyennes. Si ces divergences d'approches persistent, à terme, elles ne peuvent qu'attiser les rancœurs entre Libyens et affaiblir encore plus le pays.

Quoi qu'il en soit, la Libye est aujourd'hui un pays aux mains des trafiquants. Trafiquants d'armes ou de matières premières, ces derniers n'ont aucun intérêt à ce que la situation se stabilise tant qu'ils font des profits. Leurs réseaux s'étendent au delà de la Libye, sur l'ensemble du continent africain, en Europe et au Moyen-Orient.
Reste enfin une autre clé du conflit rarement évoquée : la fortune cachée de Kadhafi. Les actifs non encore gelés de l'ancien dictateur se monteraient à plusieurs dizaines de milliards de dollars. De quoi attiser les convoitises et la cupidité des puissants mais de quoi aussi alléger les souffrances de la population.

Où se trouvent ces actifs, qui les gère, à quelles fins sont utilisés ?

Le mystère qui entoure cette fortune maudite est aussi complexe que la situation actuelle du pays. L'avenir des deux est, malheureusement, probablement lié.

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