En septembre 2016, Marisol Touraine en présentant le PLESS (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Social), s’est félicitée de « la fin annoncée du trou de la Sécu ». Elle a même ajouté « L’histoire de ce quinquennat, c’est la fin des déficits sociaux, a-t-elle lancé. La droite avait multiplié les franchises et creusé le déficit. Nous aurons sauvé la “Sécu”. »
Lors de la présentation au Sénat devant la Haute Assemblée majoritairement à droite, elle s’est fait copieusement huer et a provoqué un ouragan de critiques, reprochant sa définition tronquée du « trou de la Sécu » Car ces chiffres sont éloignés de la réalité et le problème loin d’être solutionné, même s’il y a un mieux concernant le régime général. Effectivement le trou annoncé pour 2017 pour le seul régime général, ne serait plus que de 400.000 euros contre 3,4 milliards en 2016. « Une première réflexion ; nous ne sommes pas fin 2017. Que va-t-il se passer avec le nouveau gouvernement ? Quels seront les véritables résultats à cette date ! »
La Sécurité Sociale, ce n’est pas que le régime général, Madame Touraine omet de compter le déficit du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV). Une fois pris en compte, les prévisions de déficit 2017 passeraient à 4,2 milliards. Même le Front de Gauche par la voix de Jacqueline Fraysse à l’Assemblée a dénoncé « une campagne de communication pour faire croire aux français que le trou est comblé avec une présentation trompeuse et mensongère.
Cette dénonciation peut se rapprocher de celle effectuée par la Cour des comptes, qui avait appelé à une réforme en « profondeur » de l’Assurance-maladie. « Environ 40 % du déficit résulte de causes structurelles, indépendantes de la conjoncture », faisait-elle valoir, dénonçant le recours par le gouvernement à un « procédé comptable discutable », voire « opportuniste », avec l’intégration d’un « produit exceptionnel de CSG (Contribution Sociale Généralisée) de 700 millions d’euros » ne correspondant à aucune recette supplémentaire de l’Assurance-maladie.
Pour bien comprendre le déficit 2016, il est important d’en détailler chacune des quatre branches autonomes de dépenses et le FSV :
Branche Maladie : - 4,1 milliards d’euros
Branche AT-MP : + 700 millions d’euros (Solde positif stable depuis 2010)
Branche Famille : - 1 milliard d’euros (en forte baisse, dû en grande partie au plafonnement du quotient familial.
Branche Vieillesse : + 1,1 milliard d’euros (Solde devenu positif suite aux réformes Fillon de 2010 et 2013 et aussi avec le blocage des pensions depuis trois années mais déficitaire de 2,7 Mds€).
Le Fond de Solidarité Vieillesse : - 3,8 milliards d’euros (Stable depuis plusieurs années).
Au total, le déficit global de la Sécurité sociale de 2016 devrait atteindre 7,1 milliards d'euros (son niveau le plus bas depuis 2002), ce qui est, certes, bien moindre qu'en 2015 (-10,8 milliards), qu'en 2014 (-13,1 milliards d'euros) et qu'en 2013 (15 milliards), ou qu'en 2010 (-22 milliards d'euros), quand il a atteint son niveau le plus élevé. Ce qui n’est pas tout à fait la fin du « trou de la Sécu comme annoncé ». Celui-ci aurait été encore plus important, si le gouvernement actuel n’avait pas bénéficié de taux d’intérêts extrêmement bas. La cour des comptes estime d’ailleurs que depuis 2011, 40 % de la réduction du déficit public est dû à la baisse des taux d’intérêt ce qui a bien aidé le gouvernement Hollande.
Pour enfoncer le clou, le rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS) mentionne pour 2017, un déficit prévu de… 10,3 milliards d’euros, notamment creusé par le déficit de la branche maladie à 8,3 milliards. Soit bien plus que les chiffres annoncés par le gouvernement (déficit global à - 4,1 milliards, avec une branche maladie à - 2,6 milliards). La différence tient à l’objectif d’économies fixé pour l’année prochaine.? Mais la plus « mirifique manipulation des comptes » a été la création le 24 Janvier 1996 de la CADES sous le Gouvernement de Jacques Chirac.
Rétrospective et explications
La dette de la Sécurité Sociale n’arrêtant pas de gonfler, Jacques Chirac pensant que cela allait devenir un détonateur social, a créé cette caisse avec objectif de la supprimer « à terme » ! Jacques Chirac, élu en mai 95 sur le thème du refus de la fracture sociale et implicitement de celui de la rigueur budgétaire imposée par le traité de Maastricht, se rallia alors à l’austérité. Le plan de refonte de la gestion de la Sécurité sociale constituait une composante majeure de ce ralliement. Le gouvernement précise : « La Caisse d’amortissement de la dette sociale a été créée pour “éponger” les dettes du régime général de la Sécurité sociale. Elle a pour vocation d’apurer la dette sociale sur une durée limitée afin d’éviter qu’elle ne pèse sur les générations futures ». Conformément à cette logique d’effacement des conséquences des erreurs du passé et de promesse de sagesse future, la Cades devait disparaître en 2009. Elle est toujours là !
Malgré la Cades qui depuis cette date s’est vu transférer à fin 2016, 259 milliards de dettes, la dette de la Sécurité sociale est tout de même encore de 156 milliards d’euros, soit une dette totale de 415 milliards d’euros. Il faut savoir qu’à part trois années, la Sécu est en dette depuis plus de 70 ans ! La CADES émet des emprunts sur les marchés internationaux de capitaux en recherchant un financement au meilleur taux. Cette activité d’emprunt est garantie par les ressources perçues par la Caisse : il s’agit essentiellement de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), qui a été créée exclusivement pour la CADES, et d’une partie de la contribution sociale généralisée (CSG). Ces ressources, auxquelles s’ajoutent pour une moindre part un petit pourcentage du prélèvement social sur les revenus du capital ainsi qu’une somme versée par le Fonds de réserve des retraites, assoient la légitimité de la Caisse d’amortissement en garantissant sa solvabilité. Il ne faut toutefois pas oublier aussi son coût de gestion qui n’est pas négligeable.
Elle a d’ores et déjà amorti 110 Mds€ correspondant à une diminution de la dette publique pour équivalent à plus de 5 points de PIB.
Pourquoi des déficits s’accumulent malgré toutes les hausses de charges, la création de la CSG de la RDS ?
Depuis longtemps, les dépenses de la Sécurité sociale augmentent plus vite que les recettes. Pourquoi? Parce que l'espérance de vie augmente, que les baby-boomers sont partis en nombre en retraite, que les préretraites ont été instituées et de plus en plus tôt et surtout des durées de travail et d’activité en forte baisse, en conséquence un chômage en forte augmentation... Si les comptes de la Sécurité sociale s'améliorent depuis 2010, les déficits se poursuivent, et donc la dette sociale se creuse. Et cela malgré des prélèvements supplémentaires institués sur les pensions de retraites, sur l’Assedic des chômeurs, des réductions très importantes de remboursements, des taxes médicaments, consultations, etc…et j’en passe…Et attention, les réductions « sociales » concoctées dans le budget 2017, vont être encore bien plus importantes !!!
Et malgré cela, les détracteurs du gouvernement estiment que le budget de la Sécu est calculé sur la base de prévisions économiques jugées optimistes par : Pour 2016, le gouvernement avait maintenu à 1,5% sa prévision de croissance du PIB, révisé à la baisse les prévisions d'inflation (désormais quasi nulle), et de masse salariale du secteur privé attendue alors en hausse de 2,3% au lieu de 2,8%. Pour 2017, il avait prévu aussi une croissance à 1,5%, une inflation accélérée (0,8%) et une masse salariale en hausse de 2,7% pour le privé et de 1,9% pour le public. De son côté, la Banque de France avait prévu une croissance à 1,4% en 2016 puis 1,5% en 2017, et une inflation de respectivement 0,2% et 1,1%.
Revenons à ce « monument financier » qu’est la CADES. Elle devait cesser son activité en 2009. Les multiples reprises de dette (de l’Assurance Maladie, de la branche Retraites et du Fonds de solidarité vieillesse principalement) ont cependant eu pour conséquence de repousser la date de sa disparition. Elle est aujourd’hui fixée à 2025 malgré une loi votée en août 2005 obligeant l’État à accompagner tout transfert de dette à la CADES d’une augmentation de ses recettes permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale. En 2015, la CADES a diversifié ses sources de financement en lançant son premier emprunt obligataire de 3 milliards de yuans (424 M€) après un accord signé avec la Bank of China. Il s'agissait alors de l'émission en monnaie chinoise la plus importante pour un émetteur non-chinois.
Explications de la Cades, elle-même dans le rapport annuel de la Sécu : « Le montant des déficits à transférer en 2016 a été fixé à 23,6 Md€ par le décret du 4 février 2016, sur la base des prévisions retenues en LFSS pour 2016 et d’une nouvelle disposition législative qui a supprimé le plafond annuel de reprise de 10 Md€ fixé en LFSS pour 2011 et ainsi permis, dans un contexte de taux d’intérêt très bas, de saturer dès 2016 le plafond global de 62 Md€ qui est resté inchangé. Pour rémunérer les investisseurs qui reprennent ces titres, nous avons besoin de ressources importantes, qui proviennent de la CRDS (créée sur mesure en 1996), mais aussi de la CSG et de la liquidation progressive du fonds de réserve des retraites. Soit un total de 16,9 milliards d'euros en 2016. C'est cher, mais c'est ce que coûtent les dérapages cumulés de la Sécurité sociale ».
Comprenne qui pourra, lorsqu’il est annoncé en 2016, 23,6 Md€ de déficit transféré, est-ce bien du déficit ou de la dette ? Camouflage ou non !!! Si l’on fait le constat que la dette de la Sécurité Sociale atteint des records exceptionnels, que pour la dette de l’état, il en est de même malgré un taux de prélèvements de 57%, un des plus élevé du monde, il est facile de conclure que l’état est incapable d’éviter les déséquilibres financiers et de ne pas être le garant du bien-être des français et surtout des générations futures. Alors qui pourra retourner la situation ? L’élection prochaine trouvera t’elle le Président gestionnaire providentiel ?