Hôtels désertés, craintes des touristes occidentaux, commerces fermés... Deux ans après la « révolution de Jasmin », le tourisme tunisien peine à se relever et les professionnels du secteur tentent tant bien que mal de rassurer les touristes à coups de campagnes publicitaires. Entretien avec Afif Kchouk, organisateur du Marché international du tourisme à Tunis et directeur du magazine « Tourisme info ».
JOL Press : Quel est le poids du tourisme dans l'économie tunisienne ?
Afif Kchouk : Le tourisme représente 9% du PIB de la Tunisie. Il génère 400 000 emplois directs et indirects. Si on lui ajoute le transport aérien et l'artisanat, dont l'activité provient à plus de 70% du tourisme, et si l'on compte quatre personnes par famille, c'est en fait près de 4 000 000 de Tunisiens qui vivent – directement ou indirectement – du tourisme, soit 40% de la population de la Tunisie.
Le tourisme est le deuxième pourvoyeur de devises de la Tunisie après le textile. Mais en fait, il en est le premier, vu que les importations du textile sont nettement plus importantes. Donc en termes de balance, le tourisme rapporte beaucoup plus. Il représente plus de 11% des recettes en devises et couvre près de 60% du déficit commercial (chiffres 2010).
Ses effets d'entraînement sur les autres secteurs de l'économie tunisienne sont considérables. Il en est en fait le moteur. D'autant plus qu'il fait de l'exportation sur place, aussi paradoxal que cela puisse paraître.
JOL Press : Depuis la « révolution de Jasmin » en 2011, comment a évolué l'activité touristique en Tunisie ?
Afif Kchouk : Autant la Révolution du 14 janvier 2011 a donné un coup d'éclat à la Tunisie et l'a fait connaître dans tous les coins et recoins du monde, autant elle a porté préjudice au tourisme tunisien dont l'activité a chuté de plus de 30%.
JOL Press : Le tourisme tunisien avait-il déjà connu des baisses de régime suite à certains événements politiques ?
Afif Kchouk : Depuis sa genèse dans les années 60, le tourisme tunisien a connu des « baisses de régime » dues à des évènements exogènes ; notamment les deux guerres du Golfe, les deux attaques terroristes des Twin Towers à New York le 11 septembre 2001 et l'attentat contre la synagogue de Djerba le 11 avril 2002. Ces évènements malheureux ont toujours laissé des séquelles graves dont le tourisme s'est toujours remis, mais difficilement.
JOL Press : Comment le ministère du tourisme tunisien fait-il face à cela ?
Afif Kchouk : Le ministère du tourisme a fait face à ces évènements négatifs par des campagnes de publicité et de communication qui manquaient de réactivité et qui n'avaient donc pas les effets escomptés sur l'activité touristique.
JOL Press : Ces campagnes sont-elles suffisantes ? Par exemple, l'événement « Tounes Barsha » organisé le 22 juin à Tunis a-t-il été très suivi ?
Afif Kchouk : Dans ce genre de circonstances, il faut adopter une communication de crise, ce que le tourisme tunisien n'arrivait pas à faire. La Fédération Tunisienne des agences de voyages a eu le mérite d'organiser « Tounes Barsha » à Tunis qui était une réussite. Mais des manifestations d'animation de rues de ce genre, il en faut tous les jours et dans toutes les zones et villes du pays. Car le tourisme, c'est la fête et la joie de vivre.
JOL Press : Quelles sont les principales préoccupations des touristes français lorsqu'ils voyagent en Tunisie ?
Afif Kchouk : Les touristes français viennent en vacances en Tunisie parce que c'est un pays francophone, un pays ami et proche, lié à la France et aux Français par des relations historiques et civilisationnelles séculaires (Saint Louis n'avait-il pas été enterré à Carthage ?). Aussi, le rapport qualité/prix est excellent.
Aujourd'hui, après la Révolution du 14 janvier 2011 et le chapelet d'incidents regrettables qui se sont déroulés dans le pays, le Français a besoin d'être remis en confiance et rassuré. Il faudrait convenir aussi que le pouvoir d'achat du consommateur français a baissé ; or c'est lui qui représente le segment de clientèle du tourisme tunisien qui a été le plus touché par cette baisse.
JOL Press : Sur quoi le tourisme tunisien peut-il miser pour relancer son activité touristique ?
Afif Kchouk : Le soleil, la mer et la plage constituent le fonds de commerce du tourisme tunisien qui s'est enrichi par d'autres produits nouveaux, tels que le golf et la thalassothérapie. Le tourisme saharien constitue aussi un produit spécifique très apprécié.
Le tourisme tunisien a développé des produits de niche à forte valeur ajoutée, tel que le tourisme médical et les incentives [voyages d'affaires]. Toujours dans le cadre de sa diversification et de son enrichissement, le tourisme tunisien cherche à promouvoir le tourisme rural et vert, respectueux de l'environnement : un tourisme écologique, durable et responsable.
JOL Press : L'essor du tourisme halal pourrait-il contribuer à relancer le tourisme en Tunisie ?
Afif Kchouk : Le tourisme halal est un produit touristique comme les autres, et dont l'offre viendra répondre à une demande et à un besoin quand ceux-ci seront exprimés et définis et quand son exploitation s'avèrera rentable.
Pour lire plus d'articles sur JOL Press