En mars prochain, Bruxelles accueillera la 4e semaine de négociations du plus important accord commercial jamais envisagé. Concernant la moitié du PIB mondial et 40 % des échanges mondiaux, il vise à créer la plus grande zone de libre-échange au monde, entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Un accord aux enjeux colossaux, où l’Europe doit défendre avec fermeté le principe de réciprocité.
Deux milliards d’euros de biens et de services sont échangés chaque jour entre les deux continents. L’Union européenne exporte ainsi deux fois plus vers les États-Unis que vers la Chine. Les États-Unis reçoivent par ailleurs 29 % des investissements européens à l’étranger (dont ils constituent la première destination) pour un montant de 1195 milliards d’euros, pendant qu’ils investissent en Europe près de 1200 milliards d’euros, représentant 40 % des IDE extra-Européens dans l’Union. Au quotidien, l’intégration de nos économies est donc déjà très avancée. La concurrence exercée par la Chine et la situation économique des deux côtés de l’Atlantique plaident toutefois en faveur de toute initiative susceptible de faire gagner des dixièmes de points de croissance.
La convergence en ligne de mire
Si la disparition des droits de douanes, qui sont aujourd’hui en moyenne de 4 % entre les deux continents, figure à l’ordre du jour, c’est bel et bien la convergence des réglementations, et des normes sociales, environnementales et sanitaires, qui sera au cœur des discussions de ces prochains mois. Les gains attendus ? Rendre l’activité économique sur les deux zones, plus facilement réalisable pour les entreprises, profiter des meilleures pratiques entre les deux zones, essayer d’éviter que les petites entreprises ne fassent les frais d’obstacles réglementaires trop difficiles à franchir et donc soient désavantagées par rapport aux grandes entreprises dans le jeu commercial. Toutes les activités économiques sont concernées et cet accord devrait apporter 120 milliards d’euro par an à l’économie européenne, 90 milliards aux États-Unis et 100 milliards au PIB mondial, selon une étude commandée par la Commission européenne.
Vers une vraie réciprocité commerciale
La Commission espère parvenir à un accord d’ici 2015, qui sera alors soumis à la validation du Conseil et du Parlement européen. D‘ici là, les négociations s’annoncent serrées sur les sujets qui fâchent, comme les marchés financiers, l’agriculture, les marchés publics, les OGM, le gaz de schiste, ou l’exception culturelle..., où nous avons à faire avec des logiques différentes. Rapprocher les processus de certification est plus facile dans l’industrie que dans la chimie ou la pharmacie. Et qu’en sera-t-il au sein d’un secteur financier (60 % des activités bancaires mondiales) où les établissements européens appliquent déjà les règles de Bâle III alors que leurs homologues d’outre-Atlantique n’en sont pas encore à Bâle II ? Saura-t-on rapprocher nos politiques monétaires, pourtant garantes de la pérennité des échanges à long terme, alors que les missions de la BCE et de la Fed divergent en matière de soutien à l’économie ? Les États-Unis veulent aussi protéger leurs marchés publics, dont seuls 30 % sont ouverts aux entreprises étrangères en vertu du Buy American Act mis en place en 1933, tandis que taux d’ouverture est de 95 % pour les marchés publics en Europe. Très active au moment de la définition des grandes orientations du texte, « Business Europe », l’association européenne des entreprises, a d’ailleurs exhorté les négociateurs européens à saisir l’occasion pour mettre en oeuvre une véritable réciprocité permettant à nos entreprises d’investir davantage le marché américain.
Booster la croissance
L’abrogation de règles superflues et d’entraves bureaucratiques, pourrait permettre de gagner 10 à 20 % sur le prix des biens selon la Commission. « Les exportations de tous les secteurs de l’économie devraient augmenter, ce qui est bon pour l’emploi », souligne Bruxelles, qui promet : + 149 % pour les exportations automobiles vers les États-Unis, + 9 % pour les aliments transformés et les produits chimiques, + 6 % pour les autres produits manufacturés vers le reste du monde. Un accélérateur de croissance bienvenu quand on observe les résultats de nos économies réciproques sur les sept dernières années. Le PIB a progressé de 9 % aux Etats-Unis tandis qu’il a reculé de 1 % dans la zone euro, le taux de chômage s’affiche à 7% outre-Atlantique alors qu’il dépasse 12 % sur le vieux continent, selon l’OCDE. L’Amérique patrie de l’entrepreneuriat, de la révolution numérique et du renouvellement démographique, a toujours su mener une politique économique et monétaire plus offensive que celle défendue par les responsables européens. Avec pour dogme la lutte contre l’inflation, la Banque Centrale Européenne a maintenu contre vent et marées des taux d’intérêt à long terme trop élevés, quand la Réserve Fédérale a toujours accompagné le moindre signe de reprise, luttant par la même contre le chômage. Souhaitons que cette recherche de convergence entre nos économies inspire aussi les politiques de nos dirigeants.