Le dispositif Target2 masque les déséquilibres de la Zone euro. La situation va devenir intenable car la BCE est transformée en fonds spéculatif sur un pari perdu…
La crise financière de l’Italie n’est pas revenue en force comme je m’y attendais. Le passif de l’Italie dans Target2 n’a pas augmenté en avril non plus. Les chiffres ont plus ou moins stagné.
La seconde crise de la dette souveraine européenne serait-elle déjà terminée ? Pouvez-vous en toute sécurité ignorer nos avertissements concernant le plus grand défaut de la dette de l’histoire dès cette année ? Ce qui se passe réellement est assez complexe. Parce que la tuyauterie financière de l’UE est complexe. L’idée de la complexité est de dissimuler des vérités simples. Pourtant, si vous parvenez à les connaître, il est facile de comprendre pourquoi l’euro est condamné et pourquoi l’Italie est sur le point de s’en échapper en faisant défaut. On peut s’attendre à ce que tout reparte en vrille lorsque les données Target2 pour le mois de mai seront publiées au début de juillet. Cette information montrera le niveau de panique des investisseurs lors de la formation du gouvernement italien.
Les déséquilibres se développent sans aucune incitation à l’autocorrection
Examinons de plus près un aspect de Target2 pour montrer son importance. Philipp Bagus, du Mises Institute et auteur de l’excellent livre Tragedy of the Euro (la Tragédie de l’euro, NDLR), explique une caractéristique de Target2 :
« Imaginez un entrepreneur grec qui achète un camion fabriqué en Allemagne ». Les euros sortent du système bancaire grec vers le système bancaire allemand. Mais ce n’est pas tout ce qui arrive : « au niveau des banques centrales, la Bundesbank perçoit un crédit vis à vis de la BCE tandis que la Banque nationale de Grèce enregistre un débit. »
Dans ce cas, l’objectif de Target2 est de faire en sorte que la somme d’argent transitant de la Grèce vers l’Allemagne reste la même, malgré le flux d’argent dans le système privé qui traverse les frontières. Target2 est le système qui rend cela possible. Il renvoie l’argent vers le sud, de l’Allemagne vers la Grèce et crée une reconnaissance de dette dans le système Target2 pour la Grèce tandis que l’Allemagne obtient une sorte d’actif. Sans Target2, il y aurait une pénurie d’argent en Grèce et un excédent d’argent en Allemagne du fait de la multiplication des transactions décrites ci-dessus.
Le problème vient des conséquences implicites de ce système. Dans notre exemple, la consommation grecque de biens allemands a été rendue possible par les transactions Target2 correspondantes ; l’Allemagne finance effectivement cette consommation grecque en renvoyant de l’argent vers le sud de l’Europe. « Target2 est devenu une carte de crédit géante pour les membres de la zone qui importent plus qu’ils n’exportent vers les autres membres », écrit l’économiste David Blake dans City A.M. C’est une carte de crédit à taux zéro, sans aucune modalité de remboursement et sans limites.
Les implications à long terme de Target2 sont semblables à celles de l’euro lui-même. Les déséquilibres se développent, sans aucune propension à s’auto-corriger.
La correction par la dévaluation n’est plus possible
Normalement, le taux de change varie, ce qui encourage un rééquilibrage commercial au fil du temps. Mais il n’existe pas de taux de change au sein de l’Union. Normalement, les Grecs auraient eu de la difficulté à emprunter de l’argent pour acheter de plus en plus de camions allemands, indéfiniment. Mais sous Target2, il n’y a ni coûts ni conséquences à faire cela à grande échelle. Les pays ne rééquilibrent pas leurs flux commerciaux parce que tout simplement, l’argent revient automatiquement chez eux via Target2. Mais ce n’est pas cela qui constitue la fuite de capitaux mentionnée ci-dessus. Cela montre simplement comment le système de l’euro empire les déséquilibres au fil du temps. Et l’Italie ne pèse pas très lourd dans le cadre des échanges commerciaux.
Le fait est que Target2 ne traite pas seulement des flux commerciaux. L’argent peut sortir d’un pays pour des raisons autres que commerciales, par exemple, la fuite des capitaux en 2011 et 2012. Selon Aline Schuiling, économiste chez ABN Amro :
« Les soldes de Target ont grimpé en flèche au cours des années de la crise financière de la Zone euro, en 2011-2012. Cela provenait de tensions dans les financements de banques pour certains pays périphériques (Italie, Espagne, Portugal, Grèce et Irlande). Au cours de cette période, l’argent privé n’entrait plus dans les pays périphériques en quantités suffisantes pour compenser leurs sorties de capitaux pour paiements. Leurs banques ont subi des tensions relatives au financement. Afin d’éviter une crise bancaire, la BCE est intervenue en satisfaisant aux besoins en liquidité des banques par l’émissions de LTRO sur trois ans, avec allocation de la totalité des soumissions, et en abaissant les garanties exigées habituellement par les fonctionnements de marché ouvert de la BCE. On a donc pallié la pénurie d’argent privé dans les pays de la périphérie par l’argent de la banque centrale. En conséquence, les banques centrales de ces pays ont présenté en cumulé des passifs dans Target. »
Si des passifs dans Target2 sont en hausse, cela laisse penser qu’il existe bel et bien une fuite des capitaux au sein de la Zone euro. C’est ce à quoi je m’attendais pour les chiffres d’avril de Target2 au vu de la réaction des Italiens aux élections de mars : ils ont sorti leur argent du système bancaire italien. Mais peut-être faudra-t-il attendre les chiffres de mai pour que le carnage soit révélé. Entre temps, il est important de noter à quel point la surveillance des équilibres de Target2 est maintenant devenue chose courante. Dans un article paru dans City A.M., l’économiste David Blake décrit Target2 comme « un système de renflouement silencieux qui permet de maintenir à flot l’euro. L’élite politique européenne sait cela – elle ne veut simplement pas que nous autres nous en rendions compte. » Il s’est répété au House of Commons International Trade Select Committee :
« Toutefois, la preuve présentée dans le rapport indique clairement que Target2 est devenu un système de renflouage silencieux qui maintient l’euro à flot. Mais en faisant cela, il maintient également les grandes économies de la zone euro en récession permanente. » […] « Les régions excédentaires ont besoin de recycler les excédents vers les régions en déficit via des transferts pour maintenir les économies de la Zone euro en équilibre. Mais les plus grands pays excédentaires – l’Allemagne – refusent formellement d’accepter que l’UE soit une ‘union de transfert.’ Toutefois, les pays déficitaires, y compris les plus grands – l’Italie – utilisent Target2 à cette fin. « En outre, l’accroissement de la taille des déficits fait que les citoyens des pays déficitaires perdent confiance dans leur système bancaire et transfèrent leur agent vers des pays excédentaires. Target2 est également utilisé pour faciliter cette fuite des capitaux. Le résultat est que les économies de la Zone euro – en particulier celles des pays du sud – sont coincées dans un piège déflationniste qui rappelle celui du Japon. »
« Target2 n’est clairement pas une solution viable sur le long terme, ni aux déséquilibres commerciaux systémiques de la zone euro ni à l’affaiblissement des systèmes bancaires nationaux. Il n’y a que deux issues réalistes. La première est une union budgétaire et politique totale – ce qui est depuis longtemps l’objectif de l’establishment politique européen, mais qui ne remporte pas l’adhésion de la majorité des peuples européens. La seconde est la disparition de la Zone euro. »
Voici un excellent résumé donné dans une arène politique. Le pot aux roses qu’est Target2 a été enfin dévoilé. S’il part à la hausse en mai avec les Italiens qui ont envoyé leur argent vers le nord de l’Europe, cela ravivera le pire de la crise de la dette souveraine européenne.
L’Italie finira par faire défaut
Quelles sont les répercussions potentielles de l’effondrement du système de l’euro ? Personne ne sait vraiment comment cela pourrait finir. Selon les règles de la BCE, les pays faisant partie du système de la BCE doivent supporter toute perte de ce système proportionnellement à leur taille (ce qu’on appelle la clé de répartition du capital). Cela signifie que nous pourrions devoir à l’Allemagne près de 1 000 milliards d’euros dans le cadre de Target2, mais si un pays comme l’Italie fait défaut vis à vis du système, tous les autres pays devront refinancer la BCE.
Philipp Bagus l’exprime ainsi : « La BCE, par conséquent, est devenue un hedge fund pariant sur la survie de l’euro. » Rappelons que les investisseurs dans les hedge funds peuvent perdre beaucoup plus que leur investissement.
L’analyste d’ABN Amro Schuiling explique : « Si l’euro disparaît, les banques centrales créditrices détiendront une créance vis à vis d’un système qui cessera d’exister. Par conséquent, on peut vraiment se demander ce qui arrivera de ces demandes de remboursements. »
Le président de la BCE Mario Draghi a perdu la tête. Dans une lettre adressée aux membres du Parlement européen, il explique qu’il est possible qu’un pays sorte de l’euro mais il devra auparavant régler ses dettes vis à vis de la BCE. C’est stupide. C’est comme dire à un pays qui sort de l’étalon-or parce qu’il ne possède pas assez d’or qu’il doit rembourser ses dettes en or avant de sortir. Le problème est justement qu’il ne possède pas l’or ! Qu’en est-il alors de la crise italienne ? Les responsables politiques feront un choix prévisible au vu des données économiques sous-jacentes.
Une étude menée par JP Morgan a montré que le sauvetage des obligations italiennes par la BCE a principalement bénéficié aux banques étrangères. Elles ont pu céder la moitié de leurs avoirs en dette italienne lorsque la BCE a lancé son assouplissement quantitatif. Cela signifie qu’un défaut sur les obligations italiennes encore détenues à l’étranger n’aiderait pas beaucoup l’Italie – cela réduirait le ratio dette/PIB d’environ 15%. Un défaut sur le système de la BCE, qui a absorbé une grande part des obligations du gouvernement italien, et qui est tributaire des passifs dans Target2, serait une manière beaucoup plus efficace de réduire la dette italienne. Cela implique également une sortie de l’euro…
L’enjeu pour les autres pays
David Blake a par ailleurs expliqué au House of Commons International Trade Select Committee ce que risque de perdre la Grande-Bretagne. D’abord, le gouvernement britannique a versé de grosses sommes d’argent pour les efforts de renflouement de l’UE et du FMI. Cet argent serait perdu si la crise de l’euro revient. Mais c’est le système bancaire britannique qu’il est intéressant de regarder. A première vue, il apparaît peu exposé à l’Italie et à ses banques. Mais ce serait naïf de le croire. Les banques britanniques sont ce qu’on appelle des super-amplificateurs. Elles sont exposées à toutes les paniques financières via la contagion.
Voici ce qu’en dit Blake :
« Les banques britanniques ont fait des prêts importants aux banques irlandaises et françaises et les banques françaises, à leur tour, ont fait des prêts importants aux banques italiennes et espagnoles. Par conséquent, si une banque italienne ou espagnole fait défaut, cela pourrait avoir un impact négatif sur les banques britanniques, notamment en réduisant leur capacité à lever des fonds en euros et en d’autres grandes devises. Il y aurait également des problèmes si une banque dans le giron de la Zone euro, qui a fait des affaires importantes à Londres, traverse des difficultés.
La hausse des taux d’intérêt et des coûts de financement se propagera naturellement à l’économie britannique également. Et aux autres pays d’Europe, y compris à l’Allemagne via la Deutsche Bank. Il est grandement temps de comprendre la faillite à venir de l’Italie et de vous protéger des répercussions. Abritez un peu d’argent hors du système bancaire (or et bitcoins) et prenez les bonnes dispositions avec les contrats dits en euro de votre assurance-vie.
Pour plus d’informations et de conseils, c’est ici et c’est gratuit