Compte pénibilité : Un « panier de crabes » pour l’entreprise

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Par Daniel Moinier Publié le 12 juillet 2014 à 2h32

Cela fait 43 années que je recrute et suis en contact permanent avec les entreprises et les employés. La notion de degré de pénibilité m'a toujours paru très difficile à apprécier. Aucune personne n'est constituée pareil, n'a vécu la même chose, n'a pas eu la même éducation, le même physique, la même résistance à l'effort, le même mental. A partir de là, le niveau de pénibilité est apprécié très différemment par chaque individu.

Cela me fait penser au jeune colombien Nairo Quintana du tour de France 2013, qui grimpait les cols d'une façon époustouflante. A la question d'un journaliste qui lui demandait quel secret il avait pour être aussi performant en côte. Sa réponse : "Depuis tout petit, après une grave maladie, je suis toujours aller à l'école en vélo depuis notre ferme située à 3000 mètres, distante de 15 kilomètres, avec des pentes très importantes."

Personnellement, en temps que recruteur en travail temporaire, j'ai trouvé des hommes d'un physique tout à fait normal qui arrivaient à porter des sacs d'aliments du bétail de 80 Kgs d'un quai vers un camion. Certains ne résistaient pas longtemps, mais d'autres tenaient le coup sans se plaindre d'aucune sorte. Les employés embauchés en CDI, faisaient ce travail depuis longtemps sans rien dire, ni rien réclamer. En cette période, la retraite était à 65 ans sans aucun aménagement de poste. Il est vrai qu'il n'avait pas été comparé comme aujourd'hui ; la durée de vie d'un ouvrier à celle d'un cadre.

Un autre exemple: un homme qui voulait absolument travailler à l'intérieur d'un cubilot de fonderie (petit haut fourneau) au nettoyage dans des conditions difficiles de poussière, d'enfermement, de position délicate. Encore un autre, qui se « plaisait » dans la boue jusqu'aux genoux, lors de forage de recherche de pétrole. Les exemples tels que ceux-ci sont légion.

Evaluer la pénibilité est une chose mais l'apprécier en fonction de la résistance ou du moral de chaque individu est une autre chose.

Mettez-vous à la place d'un chef d'entreprise d'une petite société dont les employés sont polyvalents ; c'est souvent le cas pour une grande partie d'entres-eux. Il devra contrôler et noter en temps et heure toutes les périodes rentrant dans la liste des dix critères retenus. Exercice presque impossible quand pour la même qualification, chaque employé n'exécute pas les mêmes travaux, les mêmes gestes, dans les mêmes conditions et pendant la même durée.

Ce qui est encore plus paradoxal, ce sont ces même Français qui travaillent le moins longtemps qui réclament de partir beaucoup plus tôt en retraite. Les dettes des caisses de retraites, ils n'en ont cure, pas plus que gouvernement actuel qui, avec ce compte pénibilité, a encore réduit la durée d'activité en permettant des départs anticipés jusqu'à 60 ans. Marisol Touraine en a même rajouté une couche en annonçant le 2 juillet 2014 que les salariés âgés de 58,5 ans bénéficieront d'un doublement des points sur les futurs comptes personnels de prévention de la pénibilité au lieu de 59,5 ans comme prévu initialement. Et cela, en compensation du recul d'une année accordé par Manuel Valls sur la durée de mise en application de 6 critères sur les dix prévus initialement.

Tant que l'on n'aura pas rétabli les comptes des caisses de retraites et ceux de l'État, chaque recul du temps d'activité ne fera qu'augmenter le déficit annuel et la dette globale. Ce qui est encore plus grave, c'est que chaque départ plus tôt, augmente le taux de chômage des jeunes. Ce qui peut sembler contradictoire mais réel. Presque tous les pays qui ont un taux d'emploi des seniors élevé, ont un taux d'emploi des jeunes important, donc moins de chômage.

Lorsque la retraite était à 65 ans, tout le monde partait à 65 ans, travail pénible ou pas. D'ailleurs la pénibilité d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celle d'antan. Les travaux étaient beaucoup plus pénibles. Au fur et à mesure du temps, toutes les conditions de travail ont été considérablement améliorées, avec l'introduction de nouveau matériel, des automates, robots, l'étude de tous les postes de travail... Les deux critères principaux qui se sont accentués, la vitesse d'exécution, le stress.

Un sondage récent est aussi assez éclairant, révélant que les Français sont moins résistants que leurs aînés d'au moins 20 % y compris les joueurs de foot. Tous les automatismes mis à notre disposition prévalent sur les déplacements, le physique. L'obésité qui n'arrête pas de progresser était peu existante après la guerre.

Deux solutions pour faire accepter la pénibilité et une durée d'activité réduite.

- Avoir des départs en retraite, au minimum à 65 ans (Comme dans de très nombreux pays) et des entreprises avec des marges acceptables retrouvées.

- Comme dans beaucoup de pays, mettre en place par formation, une modification des parcours en fin d'activité.

Pour méditer, terminons par une maxime : « Il n'y a point au monde un si pénible métier, que celui de se faire plaisir ».

www.livres-daniel-moinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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