Téléphonie mobile : A quand Internet en 3G 4G à bord des avions, et avec quel opérateur ?

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Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 18 juillet 2014 à 10h15

"Mesdames, messieurs, vous êtes maintenant autorisés à allumer vos téléphones." Vous entendrez peut-être ce message à bord des avions : L'Arcep, le gendarme des télécoms, vient d'autoriser l'utilisation de la 3G et 4G dans les airs. Mais il reste en fait un long chemin à parcourir avant que vous puissiez vous servir de votre mobile à 10 000 mètres d'altitude !

L'interdiction des téléphones mobiles à bord des avions était motivée par les craintes de perturbation des systèmes de navigation et des commandes de vol par les téléphones portables. Une interdiction levée car il est désormais avéré que les rayonnements électromagnétiques des téléphones portables en fonctionnement sont sans effet sur l'éléctronique embarquée. Depuis 2008 d'ailleurs, la 2G était déja autorisée à bord : c'est désormais la 3G et la 4G, qui fonctionnent sur d'autres gammes de fréquences, que l'ARCEP vient d'autoriser dans les avions.

Demain, pourra-t-on téléphoner ou surfer depuis son avion ?

Cela ne veut pas dire pour autant que vous pourrez surfer sur Internet ou envoyer des mails, ou encore téléphoner à bord d'un avion, demain, avec votre smartphone. L'ARCEP, le gendarme des télécoms, a certes autorisé l'usage des fréquences 3G et 4G à bord des appareils mais pas la DGAC, le gendarme des airs. On peut cependant raisonnablement imaginer que la DGAC validera prochainement l'autorisation de l'ARCEP, puisqu'il s'agit de la retranscription en droit français d'une directive européenne.

Mais une fois ce dernier obstacle levé, il faudra encore franchir une nouvelle étape : Installer un, ou des relais 3G / 4G à bord des appareils pour envoyer les communications et données au sol via une liaison satellite ! L'ARCEP n'autorise en effet pas les téléphones mobiles et autres tablettes à se connecter au réseau terrestre depuis un avion, mais bien l'installation d'un relais 3G / 4G à bord. Ne vous attendez pas à trouver demain un tel service dans un Paris Toulouse, ou même à bord d'un vol à destination de Berlin. L'installation d'un tel équipement est Rares sont les passagers à ne pas pouvoir se priver de communications avec le sol pendant 45 minutes ou même deux heures. Ce genre de services sera probablement proposé sur les vols internationaux supérieurs à trois ou quatre heures, et évidemment sur les vols transocéaniques, à commencer par les vols phares à destination des Etats-Unis, d'une durée de 8 à 11 heures.

Qui sera l'opérateur à bord des avions ?

On a pu lire des tas de bétises, il faut dire ce qui est, à l'annonce de la nouvelle de l'autorisation de la 3G 4G dans les airs. Dans une dépêche AFP (aisée à trouver, car reprise telle quelle par la plupart des médias), une confusion a été faite entre les fréquences autorisées à bord des avions par l'Arcep, et celles des opérateurs mobiles en France. Seule la bande des 1800 Mhz étant autorisés en vol pour la 4G, elle suggère que seul Bouygues Télécom, qui utilise cette fréquence en France, pourrait proposer un service embarqué. C'est totalement méconnaitre les principes de base de fonctionnement de la téléphonie cellulaire, mais aussi avoir mal lu la décision de l'ARCEP !

Le gendarme des télécoms précise en effet que les services mobiles embarqués 3G 4G ne pouront être activés qu'au dessus de 3000 mètres d'altitude, dans des gammes de fréquences bien précises (1800 Mhz pour la 4G). Mais l'ARCEP précise aussi aussi que le relais à bord devra être capable d'empêcher les communications des terminaux mobiles à bord dans les autres gammes de fréquence ! Pourquoi tant de précautions ? Tout simplement parce que le réseau mobile 3G / 4G à bord de l'appareil sera une "cellule à part", au dessus des cellules des réseaux mobiles, au sol, et ne provoquera donc pas d'interférences avec les réseaux terrestres grâce à ces mesures restrictives.

Mais La décision de l'ARCEP ajoute également que "l'utilisation des bandes de fréquences 1800 Mhz et 2,1 Mhz par des installations radioléctriques destinées à fournir des services de communications mobiles à bord des aéronefs n'est pas soumise à autorisation individuelle". Si l'ARCEP avait voulu limiter la fourniture des services mobiles à bord aux seuls opérateurs détenteurs d'une licence 3G ou 4G, la décision aurait été rédigée différement : "est soumise à la détention d'une licence de téléphonie mobile 3G ou 4G valide pour la France".

Autrement dit, la compagnie aérienne, le constructeur de l'avion (Boeing et Airbus ont chacun la solution dans leurs cartons), des équipementiers spécialiste de l'entertainment à bord comme Zodiac, mais aussi des acteurs du catering (restauration à bord) comme Servair pourraient proposer le service, en accord avec la compagnie. Ou des opérateurs mobiles installés, français, et pas seulement Bouygues Télécom qui opère dans les 1800 Mhz, mais aussi étrangers. L'Arcep a bien précisé "n'est pas soumise à autorisation individuelle".

Mieux encore : on sait Facebook et Google particuliérment investis sur les sujets d'accès à Internet dans des endroits improbables ou reculés. Google a dépensé des millions de dollars dans son projet "Loon" "Internet for everyone" utilisant des ballons dirigeables, relais de communication mobiles aériens. Facebook a de son lancé le "Facebook Connectivity Lab", destiné à soutenir le projet Internet.org qui se propose d'apporter la 2G et la 3G à 80 % de la population mondiale. Rien n'empêchent Facebook ou Google de proposer aux compagnies aériennes d'installer un service d'accès à Internet à bord des avions, service qui permettrait par exemple d'accéder gratuitement à Facebook, ou aux services Google, et en payant au reste du web...

La 3G 4G à bord des avions, à quel prix ?

Tout l'enjeu est là : on parle d'un service dont on ne sait pas encore s'il a un potentiel commercial réel. La SNCF a ainsi renoncé à déployer des réseaux Wifi à bord des trains car l'investissement, 300 000 à 400 000 euros par rame, ne pouvait pas être rentabilisé en vendant des forfaits à bord. Seul le Thalys entre Paris et Bruxelles propose le Wifi embarqué, service... offert aux passagers de classe "Comfort 1, Comfort 2 avec un billet Semi Flex, et aux passagers Thalys ThePass", autrement dit quasiment tout le monde... Air France KLM a lancé l'an dernier un service expérimental de Wi-fi à bord de deux de ses avions, facturé 19,95 euros pour les vols entre l'Europe et New York, et l'Europe et Panama. C'est dans ces gammes de prix qu'un service 3G / 4G pourrait être proposé à bord des avions, ce qui obligera bien souvent les compagnies à l'inclure dans les billets des passagers en classe Business ou Affaires...

Une chose est certaine, notamment après le drame du vol MH370 de la Malaysia Airlines disparu en mer, mais aussi du vol MH 17 abattu par un missile au dessus de l'Ukraine : les passagers, ultra-connectés au sol, accepteront de moins en moins facilement d'être coupés du monde pendant plusieurs heures de vol. La fourniture généralisée d'un service data/voix à bord des avions pour les passagers devrait donc se généraliser, pourvu que les compagnies aériennes parviennent à en faire supporter le prix par les passagers dans les billets, ou en achetant un forfait séparé. Ou encore que des opérateurs "alternatifs" inventent de nouveaux modèles économiques pour pouvoir proposer gratuitement ou à moindre coût ce service. Le scandale de la chute de Gowex, la start-up espagnole qui devait fournir Internet en wifi dans des milliers de lieux publics comme des gares (le RER en France), et qui avait en fait gonflé de 90 % son chiffre d'affaires depuis des mois, fera réfléchir plus d'un aventurier qui voudrait se lancer dans les télécoms à bord des avions....

Jean-Baptiste Giraud (avec Anton Kunin)

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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